Comment un journaliste étranger a appris à déjouer la surveillance en Chine

Par Jocelyn Neo
19 avril 2020 22:09 Mis à jour: 19 avril 2020 22:09

Depuis des décennies, le Parti communiste chinois (PCC) est connu pour supprimer la liberté d’expression et empêcher les journalistes étrangers de faire des reportages sur des questions sensibles, telles que les violations des droits de l’homme, dans le pays. Reporters sans frontières a classé la Chine à la 177e sur 180 pays, dans son classement mondial de la liberté de la presse de 2019.

Dans de telles circonstances, comment les journalistes peuvent-ils éviter d’être surveillés ou interrogés par des agents de l’État ? Un journaliste a découvert une façon créative – offrir des embarcations gratuites en échange d’une conversation.

Frank Langfitt, l’auteur du livre The Shanghai Free Taxi et correspondant international du réseau de radiodiffusion américain National Public Radio, précédemment basé à Shanghai, a écrit sur les défis qu’il a rencontrés en essayant de rendre compte de ce qui se passe en Chine.

Les chauffeurs de taxi attendent les clients à l’aéroport Hongqiao de Shanghai. (MARK RALSTON/AFP via Getty Images)

Comment éviter la surveillance

Dans un article d’opinion pour NPR de septembre 2019, M. Langfitt a rappelé que des agents de l’État en Chine le surveillaient déjà depuis la fin des années 1990, lorsqu’il était journaliste à Pékin.

Rappelant un incident de cette époque, M. Langfitt a déclaré qu’il avait réservé un vol pour le sud-est de la Chine après avoir reçu un tuyau selon lequel deux fermiers avaient été abattus et plusieurs autres blessés par la police de l’armée populaire alors qu’ils protestaient contre les taxes élevées. Cependant, avant même que M. Langfitt ne puisse descendre de l’avion, les représentants du gouvernement l’avaient déjà rattrapé.

« Je me suis dit que le gouvernement avaient obtenu mon numéro de vol en écoutant les conversations sur mon téléphone de  bureau, une pratique courante », a écrit M. Langfitt.

Lors de son interrogatoire, M. Langfitt a tenté de demander son avis à un jeune fonctionnaire du ministère des affaires étrangères qui le surveillait dans la chambre d’hôtel. Le fonctionnaire, qui était perturbé par les meurtres, était visiblement mal à l’aise et bégayait dans sa réponse, a déclaré M. Langfitt.

(Illustration – Only_NewPhoto/Shutterstock)

En 2012, M. Langfitt a connu une situation similaire : des agents de la sécurité de l’État l’ont suivi alors qu’il couvrait des informations sur la corruption du régime communiste. Une fois de plus, ils l’avaient localisé grâce à son téléphone portable. Afin d’éviter toute surveillance supplémentaire, M. Langfitt a décidé d’utiliser un sachet de chips.

« Mangez un sachet de chips, lavez le sachet et mettez votre téléphone portable à l’intérieur. Le sachet en aluminium bloque les champs électromagnétiques, empêchant ainsi les mises à jour du GPS », a-t-il déclaré.

Cependant, faire parler les citoyens chinois aux médias n’a pas été une mince affaire. C’est pourquoi M. Langfitt a imaginé une approche unique : offrir des courses gratuites en taxi. M. Langfitt, qui a travaillé comme chauffeur de taxi à Philadelphie dans les années 1980, se souvient de la façon dont les passagers s’ouvraient à lui pendant la course. Il n’est pas surprenant que l’idée de M. Langfitt ait fonctionné.

« Mon taxi gratuit de Shanghai a bouleversé l’expérience habituelle des reportages étrangers en Chine – au lieu que ce soit moi qui pose les questions, mes passagers m’interrogeaient parfois », a déclaré M. Langfitt.

Peu de temps après, beaucoup d’entre eux ont commencé à inviter M. Langfitt à dîner, et certains ont même échangé leurs coordonnées avec lui. Entre-temps, d’autres lui ont même parlé de sujets sensibles comme le massacre de la place Tian’anmen. De plus, les courses de taxi gratuites ont permis à M. Langfitt d’éviter la surveillance des agents de sécurité de l’État. En fait, M. Langfitt a écrit qu’un agent a même « aimé les histoires », car il a reconnu ses propres valeurs morales à travers celles dont M. Langfitt faisait preuve durant ses reportages.

« Le pilier de la honte » : un monument construit pour honorer les morts et faire honte au régime chinois qui a refusé de s’excuser pour le massacre de la place Tiananmen – le meurtre d’étudiants le 4 juin 1989. (MIKE CLARKE/AFP via Getty Images)

La récente suppression de la liberté d’expression

Dans un passé récent, certains journalistes étrangers ont été victimes de répression et de représailles de la part du PCC. Après l’apparition du virus du PCC*, de nombreux journalistes étrangers se sont rendus dans la ville chinoise de Wuhan pour faire des reportages et découvrir la véritable situation. Cependant, certains d’entre eux ont été empêchés de faire des reportages.

Le Financial Times a rapporté que les autorités locales ont dit à certains journalistes qu’ils n’étaient pas autorisés à s’approcher de la province de Hubei en raison des exigences de quarantaine. Selon le Los Angeles Times, d’autres ont été contraints de supprimer des vidéos qu’ils avaient enregistrées à proximité des hôpitaux.

En février 2020, après que le Wall Street Journal a refusé de s’excuser d’avoir publié un article d’opinion intitulé « C’est plutôt la Chine qui devrait être désignée comme étant malade en Asie » (« China is the Real Sick Man of Asia ») concernant le virus du PCC (Parti communiste chinois), communément appelé le nouveau coronavirus, trois de ses journalistes basés à Pékin qui travaillaient dans la section des informations ont vu leurs accréditations de presse révoquées.

Un mois plus tard, le régime a annoncé l’expulsion des journalistes américains travaillant pour le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal en représailles aux récentes actions de l’administration Trump visant les médias publics chinois aux États-Unis.

Une déclaration du 17 mars du ministère chinois des Affaires étrangères a indiqué qu’il exigerait de tous les journalistes de nationalité américaine employés par les trois organisations susmentionnées et dont les cartes de presse doivent expirer avant la fin de l’année qu’ils rendent leur carte de presse dans les dix jours.

Le 25 janvier 2020, le personnel médical portant des vêtements de protection contre le nouveau coronavirus, jusqu’alors inconnu, arrive avec un patient à l’hôpital de la Croix-Rouge de Wuhan, à Wuhan. (HECTOR RETAMAL/AFP via Getty Images)

Cependant, les journalistes étrangers ne sont pas les seuls à avoir vu leur liberté d’expression supprimée. Les journalistes de Wuhan qui travaillent pour Caixin, Phoenix News et d’autres médias agréés par l’État ont été invités par le département de la propagande du Parti communiste à revoir leurs reportages après que les médias ont révélé dans leurs articles que les responsables locaux avaient couvert l’impact du virus du PCC, a rapporté Radio Free Asia.

Il a également été rapporté que plusieurs citoyens journalistes chinois ont disparu après l’épidémie lorsqu’ils ont cherché à révéler l’impact du virus du PCC sur la ville chinoise de Wuhan.

* Epoch Times qualifie le nouveau coronavirus, à l’origine de la maladie covid-19, de « virus du PCC » parce que la dissimulation et la mauvaise gestion du Parti communiste chinois ont permis au virus de se propager dans toute la Chine et de créer une pandémie mondiale.

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