Justice : des audiences reportées faute d’interprètes qualifiés, alors que la demande explose

Façade du palais de justice de Cahors (illustration).
Photo: Crédit photo VALENTINE CHAPUIS/AFP via Getty Images
En raison du manque d’interprètes judiciaires, nombre d’audiences doivent être renvoyées. Ce problème est d’autant plus saillant que les besoins en traducteurs sont en hausse.
À l’heure actuelle, en France, un procès sur cinq nécessite l’intervention d’un traducteur, rapporte CNews. La liste officielle des barreaux en recense 8500, mais tous ne travaillent pas à plein temps et certains sont difficiles à joindre. Outre le ralentissement que cela impose à la machine judiciaire, le recours accru à ces interprètes engendre également un coût non négligeable.
Un budget « énorme »
En 2024, la facture liée à l’emploi d’interprètes s’élevait à près de 86 millions d’euros, soit 73 % de plus qu’en 2016, ont précisé nos confrères le 9 août dernier. Pour Alain Leroux, ancien magistrat, cela représente un budget « énorme ». « Nous avons effectivement une très forte demande d’interprètes, de disponibilités d’interprètes, pour pouvoir assurer des procès de manière équitable, ça fait partie des droits de la défense », a-t-il expliqué avant de souligner : « Vous ne pouvez pas interroger quelqu’un sans qu’il ne comprenne ce qu’on lui demande. »
Outre le coût de ces interprètes, il a également souligné qu’il fallait « une disponibilité très importante de la part des experts dans différentes langues étrangères ». Et, en l’absence d’interprète, la justice est contrainte de prononcer un renvoi de l’affaire « pour que l’interprète soit présent à la prochaine audience ».
« Il faut une connaissance parfaite dans les deux langues »
Cette pénurie d’interprètes qualifiés s’explique par les conditions précaires auxquelles la profession est confrontée, notamment en raison des retards de paiement, mais aussi de la concurrence des agences privées, rapporte Europe 1 ce mercredi. Maria (prénom modifié), 45 ans, exerce comme interprète inscrite sur les listes des barreaux depuis 15 ans. Elle confirme auprès de la radio ne pas avoir été payée pour son travail depuis dix mois, ce qui « engendre de grosses difficultés » pour « vivre correctement ».
En conséquence, de nombreux interprètes judiciaires se rendent de moins en moins disponibles, poussant les juridictions à recourir à des traducteurs d’agences privées qui, comme le souligne Maria, ne possèdent aucun diplôme et, parfois, n’ont même aucune connaissance du milieu judiciaire. « Il y a des affaires où on ne peut pas faire n’importe quoi. Il faut une connaissance parfaite dans les deux langues », insiste-t-elle, estimant de surcroît que ces professionnels nuisent à la profession.
La quadragénaire souhaite créer, avec les juridictions, une charte visant à « uniformiser » les pratiques professionnelles dans ce métier et à mettre en place « un code de déontologie » auquel tous devront se tenir, afin « de lutter contre l’usurpation du titre d’expert ». De son côté, le ministère de la Justice envisage, pour répondre à la pénurie d’interprètes et réduire les coûts, de recourir à l’intelligence artificielle.

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