Opinion
La Chine dans les veines du Venezuela : le plan de Pékin pour contrôler le régime de Nicolás Maduro

Le dirigeant chinois Xi Jinping (à dr) accompagne le président vénézuélien Nicolás Maduro Moros (à g.) devant une garde d'honneur lors d'une cérémonie de bienvenue devant le Grand Palais du Peuple, le 22 septembre 2013 à Pékin, en Chine. Le président vénézuélien Nicolás Maduro Moros a effectué une visite d'État en Chine du 21 au 24 septembre.
Photo: Lintao Zhang/Pool/Getty Images
Loin d’être une simple alliance diplomatique, la relation entre la Chine et le régime de Nicolás Maduro est un mécanisme complexe de survie et de contrôle, tissé avec une précision chirurgicale pour protéger le chavisme contre les sanctions, consolider un modèle d’extractivisme corrompu et projeter la puissance de Pékin en Amérique latine.
Ce qui a commencé comme une affinité idéologique sous Hugo Chávez s’est transformé en une dépendance critique qui fusionne les intérêts économiques, technologiques, politiques et criminels, faisant du Venezuela un laboratoire géopolitique de la Chine et un bastion du cartel des Soles, accusé par les États-Unis de narcoterrorisme. À l’heure actuelle, la Chine est le principal rempart contre la politique de pression maximale menée par l’administration Donald Trump à l’encontre des dirigeants du régime vénézuélien.
Une bouée de sauvetage chinoise pour un régime assiégé
Depuis 2000, la Chine a injecté plus de 57 milliards d’euros (67 milliards de dollars) au Venezuela, principalement par le biais du « Fonds lourd chinois », un programme de « prêts contre pétrole » qui garantit à Pékin un approvisionnement constant en pétrole brut à prix réduit, tout en fournissant à Nicolás Maduro les liquidités nécessaires pour contourner les sanctions et éviter l’effondrement économique. Entre 2000 et 2017, 53 milliards d’euros (62,6 milliards de dollars) ont été déboursés, mais l’opacité contractuelle et la corruption généralisée ont permis à une grande partie de ces ressources de disparaître dans des projets ratés ou dans les poches de l’élite chaviste.
Au cours du premier semestre 2025, les exportations vénézuéliennes vers la Chine ont augmenté de 120 %, tirées par le pétrole, les minéraux, les produits agricoles et les biens industriels légers, selon le ministère vénézuélien du Commerce extérieur. Ce flux commercial finance non seulement le régime, mais consolide également la cession de la souveraineté économique à Pékin.
Les sanctions américaines, destinées à étrangler l’industrie pétrolière vénézuélienne, n’ont pas réussi à faire plier le dirigeant du Venezuela. Avec la complicité de la Chine, le pétrole vénézuélien contourne les restrictions par des voies opaques : rebaptisé « mélange de bitume » de Malaisie ou pétrole brésilien, il arrive dans les raffineries chinoises à des prix préférentiels. Dans un mouvement récent, la Chine s’est engagée à verser 860 millions d’euros (1 milliard de dollars) pour revitaliser la production pétrolière du lac Maracaibo, symbole historique de l’industrie vénézuélienne, renforçant ainsi son contrôle sur les ressources énergétiques du pays.
Une domination multidimensionnelle : énergie, technologie et contrôle
L’influence de Pékin dépasse le pétrole et pénètre les secteurs stratégiques du Venezuela, assurant une domination intégrale :
– Énergie : la China National Petroleum Corporation (CNPC) et Sinopec opèrent dans la ceinture pétrolière de l’Orénoque, tandis que Sinohydro et Dongfang Electric soutiennent le système électrique, y compris le barrage de Guri, essentiel à la stabilité énergétique.
– Télécommunications : Huawei est à la tête du déploiement des réseaux 5G et des systèmes de surveillance urbaine, et ZTE fournit une technologie d’identification, offrant au régime des outils de contrôle social et de communication sécurisés face aux services de renseignement américains.
– Infrastructures : des entreprises telles que China Railway Engineering Corporation (CREC) et China Harbour Engineering Company (CHEC) modernisent les ports et les chemins de fer, dominant ainsi les routes commerciales critiques.
– Exploitation minière et agro-industrie : CITIC Metal exploite l’or et le fer dans l’Arc Minier de l’Orénoque, tandis que CAMC Engineering développe des usines de transformation alimentaire, garantissant ainsi à la Chine l’accès à des ressources stratégiques.
Cet écosystème, consolidé lors de l’Expo Chine-Venezuela de 2025 avec la présence de plus de 50 entreprises chinoises, fait du Venezuela un rouage de l’« Initiative de la Ceinture et de la Route » ou Nouvelles routes de la soie. Pékin ne se contente pas de stabiliser M. Maduro, mais prouve également sa capacité à modeler les gouvernements et les économies à son avantage, en utilisant le pays comme un laboratoire géopolitique.
Le cartel des Soleils : le narcoterrorisme sous l’ombre chinoise
Alors que la Chine soutient l’économie vénézuélienne, le régime de Nicolás Maduro fait face à des accusations dévastatrices de narcoterrorisme. En mars 2020, le ministère américain de la Justice a désigné MM. Maduro, Diosdado Cabello et Vladimir Padrino López comme les dirigeants du cartel des Soles, un réseau composé de militaires et de fonctionnaires corrompus qui, en alliance avec les FARC, inonde le marché américain de cocaïne mélangée à du fentanyl, causant des milliers de décès.
En 2022, les accusations ont été élargies et, en 2025, la procureure générale, Pam Bondi, a annoncé des récompenses historiques : 50 millions de dollars(42,5 millions d’euros) pour M. Maduro, 25 millions de dollars (21,2 millions d’euros) pour M. Cabello et 15 millions de dollars (12,7 millions d’euros) pour M. Padrino López.
Les accusations détaillent un système dans lequel des avions chargés de cocaïne traversent l’espace aérien vénézuélien avec l’accord de l’État, tandis que l’élite chaviste perçoit des pots-de-vin de plusieurs millions de dollars, utilisant la drogue comme « arme de guerre » contre les États-Unis.
Loin de prendre ses distances, la Chine a resserré les rangs avec Nicolás Maduro. Xi Jinping a exigé de Washington qu’il « respecte la souveraineté du Venezuela » et a promu le Plan de gouvernance mondiale, que Maduro a immédiatement signé, s’alignant politiquement sur Pékin. Ce soutien légitime le régime sur la scène internationale et le protège contre l’encerclement militaire américain dans les Caraïbes, intensifiant les tensions régionales.
Ce qui est présenté comme une « coopération stratégique » est en réalité un pacte de convenance qui perpétue la corruption, renforce la dépendance et compromet la souveraineté vénézuélienne.
Les 31 accords signés en 2023 entre le PCC et le PSUV, qui couvrent l’économie numérique, les télécommunications et la sécurité, reflètent un accord entre les partis au pouvoir qui privilégient leur survie. Les zones économiques spéciales permettent aux entreprises chinoises d’opérer librement, de payer en bolivars dévalués et d’obtenir des bénéfices en devises étrangères, tandis que le Venezuela est pris dans une spirale d’endettement, d’extractivisme (une exploitation massive de ressources naturelles, notamment minières, ndlr) et d’isolement.
La Chine ne se contente pas de soutenir le président Maduro, elle le contrôle, s’assurant ainsi un allié géopolitique stratégique et un accès privilégié à des ressources essentielles. Alors que le régime échappe aux sanctions et finance son appareil grâce à des réseaux criminels, Pékin consolide sa domination dans l’arrière-cour des États-Unis, remettant en cause l’équilibre des pouvoirs dans la région. Sans surveillance critique, cette alliance pourrait redéfinir la géopolitique de l’Amérique latine, laissant le Venezuela comme un pion sur l’échiquier mondial de la Chine.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Maibort Petit est politologue et chercheuse spécialisée dans la criminalité transnationale organisée et le terrorisme en Amérique latine. Ses travaux portent sur la conception de cadres réglementaires communs renforçant la coopération régionale, le partage de renseignements et la coordination des réponses étatiques aux menaces à la sécurité nationale et continentale. Forte de plus de vingt ans d'expérience, elle a contribué à des forums internationaux sur la gouvernance pénale et la protection des victimes dans des contextes d'emprise institutionnelle.
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