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Le chavisme au Venezuela se replie sur le modèle du Parti communiste chinois pour survivre à sa crise existentielle

La direction du Parti socialiste uni du Venezuela se prépare à une nouvelle étape. Ce n’est plus la phase de mobilisation électorale, ou d'un charisme comme outil politique, ni même celle de la propagande comme dispositif central.

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Le président vénézuélien Nicolás Maduro (à dr.) et le dirigeant chinois Xi Jinping se serrent la main lors d'une visite au Panthéon national de Caracas le 20 juillet 2014.

Photo: FEDERICO PARRA/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

VENEZUELA — Le chavisme entre dans une période dont la priorité n’est plus de convaincre, mais de survivre. Pour ce faire, il a décidé de se reconfigurer en suivant l’exemple de ses alliés les plus stables : le Parti communiste chinois, le Parti communiste cubain et le Parti communiste vietnamien.
La décision n’est pas abstraite. Elle a été annoncée publiquement lors de la Plénière extraordinaire du Ve Congrès du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) et du IVe de la JPSUV (l’organisation de jeunesse du parti, ndlr), tenue le 5 novembre 2025 à Caracas. À cette occasion, Diosdado Cabello, secrétaire général du parti et seconde figure du chavisme, a affirmé que l’organisation devait adopter le modèle d’un parti discipliné, vertical et territorial qui a permis à ces structures de se maintenir au pouvoir pendant des décennies.
« L’unité n’est pas un slogan, c’est un ordre de bataille », a déclaré le secrétaire général du PSUV.
Cette phrase résume parfaitement le contexte politique actuel.
Le chavisme ne cherche plus à gagner des élections. Il cherche à ce que le parti existe même si tout le reste s’effondre.

De parti électoral à État-parti

Pendant des années, le PSUV a fonctionné comme un mouvement hétérogène, articulé autour du leadership émotionnel d’Hugo Chávez, soutenu par des victoires électorales supposées, l’accès à la rente pétrolière et des programmes sociaux massifs. Le modèle a fonctionné tant qu’il y avait de l’argent à distribuer et que l’image de Chávez maintenait la cohésion interne.
Mais depuis 2015, la crise économique, la chute de la production pétrolière, les sanctions américaines et la perte de légitimité électorale ont placé le parti devant une question qui définit désormais sa stratégie :
Que reste-t-il lorsqu’il n’y a plus de ressources, de voix ni de leadership charismatique ?
La réponse de la direction est de reproduire des structures de parti-État comme celles que la Chine, Cuba et le Vietnam ont perfectionnées. Un parti qui ne dépend pas du cycle électoral, qui contrôle le territoire, qui administre la vie quotidienne, qui surveille, qui distribue, qui s’insère dans les communautés comme présence permanente.
Aux mots d’une source interne du PSUV consultée pour ce reportage : « Nous ne préparons pas une victoire. Nous préparons la survie. »

Le modèle chinois comme guide

Leur principale référence est le Parti communiste chinois (PCC). Ils en empruntent la logique d’organisation verticale, la discipline comme mécanisme de cohésion et l’idée que le Parti doit être présent dans chaque espace social : quartier, usine, école, ministère, entreprise, syndicat, conseil communal, conseil éducatif, université et milices.
Il ne s’agit pas seulement de reproduire des structures. Il s’agit d’adopter une vision selon laquelle le Parti est plus important que le gouvernement. Le gouvernement peut changer. Le Parti non.
En fait, des membres du PCC se sont rendus à de multiples reprises à Caracas, puis ont été déployés à travers le Venezuela pour former les bases du PSUV et de la JPSUV. De même, des délégations du régime vénézuélien, en particulier des jeunes, se sont rendues en Chine pour des cours de formation et d’endoctrinement depuis plus d’une décennie.
M. Cabello l’a dit de façon presque didactique : « Le PSUV doit être une structure qui puisse opérer en toutes circonstances, avec ou sans fonctions, avec ou sans institutions, avec ou sans conjoncture. »

Les Comités bolivariens de base : un contrôle granulaire du territoire

Le noyau de cette réorganisation est la création des Comités bolivariens de Base Intégrale (CBI). Ce sont des cellules de neuf personnes par rue, immeuble, tour ou communauté.
Elles seront plus de 264.000 noyaux répartis dans tout le pays. Leur fonction n’est pas seulement politique. Elles seront responsables des recensements, des registres, de la surveillance territoriale, de l’articulation avec les milices, de la distribution d’aliments, du contrôle de la mobilité et de l’assistance à la propagande.
En termes pratiques, les CBI sont une adaptation vénézuélienne des cellules de quartier du Parti communiste chinois, qui fonctionnent comme : 1) réseau de renseignement social, 2) mécanisme de pression communautaire, 3) structure de loyauté politique, et 4) filtre pour l’ascension partisane.
Ce n’est pas une structure tournée vers le débat politique, mais vers le contrôle territorial.

La dimension militaire

La réorganisation approuvée inclut, en outre, le renforcement de la milice bolivarienne, la formation de la population civile aux tâches de défense, la surveillance communale et la logistique pour soutenir des opérations prolongées en cas de conflit interne ou externe. Le modèle se rapproche de la doctrine vietnamienne de la « résistance totale » : le parti non seulement dirige, il combat.
Au Venezuela, le PSUV contrôle déjà une grande partie des institutions de l’État. Il aspire désormais à contrôler le territoire comme présence physique et morale.

La Chine comme soutien idéologique et stratégique

Alors qu’il se réorganise en interne, le chavisme approfondit ses alliances avec le Parti communiste chinois. Pékin ne fournit pas seulement de la technologie, des télécommunications, des équipements militaires et des solutions de surveillance numérique. Il partage aussi des méthodes de gouvernement, la formation des cadres, la propagande et la diplomatie de parti à parti.
Pour la Chine, le Venezuela n’est pas uniquement une source de pétrole ou de minerais stratégiques : c’est une plateforme géopolitique dans l’hémisphère occidental, un point d’influence directe dans la sphère traditionnelle des États-Unis.
Pour le président Maduro, l’alliance avec Pékin représente continuité et blindage, un réseau de soutien politique, financier et technologique qui lui permet de résister aux sanctions et à l’isolement.
Et pour M. Cabello, la Chine est plus qu’un allié : c’est le modèle de domination partisane capable de soutenir le pouvoir même en conditions adverses, une forme d’organisation qui fait du parti la colonne vertébrale de l’État et non son accessoire.
Le chavisme a compris que sa crise n’est pas seulement économique ou électorale. C’est une crise existentielle. Et pour y faire face, il mise sur un modèle dans lequel le parti devient indestructible, même si le pays change de gouvernement, même si l’État s’affaiblit, même si les institutions s’érodent.
Dans ce scénario, l’enjeu n’est pas la politique vénézuélienne.
L’enjeu est la manière dont le pouvoir sera organisé au Venezuela pour les vingt prochaines années.
Le chavisme a pris sa décision.
À présent, il appartient au Venezuela de se demander : que signifie vivre sous un parti qui ne rivalise pas, mais qui demeure au pouvoir?

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Maibort Petit est politologue et chercheuse spécialisée dans la criminalité transnationale organisée et le terrorisme en Amérique latine. Ses travaux portent sur la conception de cadres réglementaires communs renforçant la coopération régionale, le partage de renseignements et la coordination des réponses étatiques aux menaces à la sécurité nationale et continentale. Forte de plus de vingt ans d'expérience, elle a contribué à des forums internationaux sur la gouvernance pénale et la protection des victimes dans des contextes d'emprise institutionnelle.

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