La Chine est « notre principal partenaire » déclare le porte-parole des talibans

Par Eva Fu
5 septembre 2021 08:30 Mis à jour: 5 septembre 2021 08:30

Un porte-parole des talibans a fait l’éloge de Pékin en tant que « principal partenaire » et bailleur de fonds alors que le groupe s’efforce de construire une gouvernance nationale et de développer l’économie de l’Afghanistan.

« La Chine est notre principal partenaire et représente pour nous une opportunité fondamentale et extraordinaire, car elle est prête à investir et à reconstruire notre pays », a déclaré le porte-parole des talibans, Zabiullah Mujahid, au journal italien La Repubblica le 1er septembre.

M. Mujahid a fait ces remarques alors que le groupe militant, qui a pris le contrôle de l’Afghanistan de manière dramatique le mois dernier, célébrait le retrait définitif des troupes américaines du pays, mettant ainsi fin à un conflit qui dure depuis 20 ans.

Mais l’argent est devenu une préoccupation urgente pour les talibans après que les États-Unis ont bloqué l’accès du groupe à des milliards d’actifs afghans détenus sur des comptes bancaires américains, tandis que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont chacun suspendu leur financement à l’Afghanistan.

À court d’argent, les talibans semblent parier sur Pékin, qui a fait savoir ces derniers jours qu’elle était prête à nouer des liens avec le groupe, même si elle n’a pas encore reconnu officiellement le régime taliban.

M. Mujahid a déclaré que les talibans étaient « très intéressés » par l’initiative chinoise La Ceinture et la Route, un projet d’infrastructure de plusieurs milliards de dollars défendu par le dirigeant chinois Xi Jinping, qui vise à étendre l’influence économique et politique du régime dans le monde entier. Bien que l’Afghanistan soit un membre officiel de l’initiative, aucun projet n’a été lancé dans le cadre de ce plan.

Le porte-parole a également fait référence à l’investissement actuellement dormant de la Chine dans un projet de développement d’une mine de cuivre dans le pays. « Nous avons aussi de riches mines de cuivre qui, grâce aux Chinois, vont pouvoir revenir à la vie et être modernisées », a déclaré M. Mujahid.

La Chine, a-t-il ajouté, « est notre porte d’entrée vers les marchés du monde entier ».

(À gauche) : le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi s’exprime lors du Forum de Lanting à Pékin, le 25 juin 2021. (À droite) : Le chef de l’équipe de négociation des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, regarde la déclaration finale des pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les talibans à Doha, au Qatar, le 18 juillet 2021. (Jade Gao, Karim Jaafar/AFP via Getty Images)

Les talibans ont exprimé leur enthousiasme à l’égard de la participation au projet avec le gouvernement chinois lors d’un appel avec le ministre adjoint des Affaires étrangères chinois, Wu Jianghao, le 2 septembre.

Lors de cet appel, Abdul Salam Hanafi, un membre important de l’équipe de négociation des talibans, a qualifié la Chine d’ « ami digne de confiance de l’Afghanistan », selon un compte rendu du ministère chinois des Affaires étrangères.

M. Hanafi a exprimé le souhait de « soutenir et de participer activement » au projet qui, selon lui, « contribuera à la prospérité de la région ».

Pour renforcer l’amitié entre l’Afghanistan et la Chine, M. Hanafi a promis que les talibans « ne permettront absolument pas à quelque force que ce soit de menacer les intérêts chinois », une référence implicite aux militants ouïghours que Pékin craint de voir lancer des assauts dans le Xinjiang, une région frontalière de l’Afghanistan où Pékin a enfermé dans des camps d’internement plus d’un million de musulmans, lesquels sont en minorité ethnique.

Le régime chinois s’est engagé à aider l’Afghanistan dirigé par les talibans. Lors d’un point de presse mercredi, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a décrit le contrôle du pays par les talibans comme une « nouvelle page de son histoire », et a déclaré que Pékin « continuera à fournir la plus grande assistance à l’Afghanistan pour une réalisation rapide de la paix et de la reconstruction ».

Interrogée jeudi sur les propos de M. Mujahid, la secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a déclaré aux journalistes que « peu de pays souhaitaient plus que la Chine et la Russie que nous restions en Afghanistan ».

« Parce que cela aurait immobilisé nos propres ressources et immobilisé notre propre armée américaine et immobilisé nos propres actifs et options financières », a-t-elle poursuivi, réitérant la position du président Joe Biden selon laquelle le retrait afghan permettrait aux États-Unis de « consolider » leur compétitivité pour faire face à la Chine.

« Le monde est donc uni sur ce qu’il attend des talibans, à savoir qu’ils permettent aux personnes qui veulent quitter le pays de le faire, et la Chine doit décider où elle se situe dans cet effort », a déclaré Mme Psaki.

Les talibans ont promis de former un « gouvernement inclusif » et d’amnistier ceux qui les ont combattus ou qui ont travaillé pour le gouvernement afghan, aujourd’hui renversé. Mais ces promesses ont été accueillies avec scepticisme tant à l’intérieur du pays qu’au sein de la diaspora afghane.

Sur cette photo prise le 13 avril 2019, des agriculteurs afghans récoltent la sève d’opium dans un champ de pavot dans le district de Gereshk de la province de Helmandz, en Afghanistan. L’Afghanistan est le premier producteur mondial d’opium, et cette culture représente des centaines de milliers d’emplois. (Noor Mohammad/AFP via Getty Images)

Un Afghan évacué qui travaillait pour le gouvernement avant la prise de pouvoir par les talibans a découvert depuis son évasion qu’un groupe important de membres des talibans s’est rendu chez lui pour exiger des informations sur l’endroit où il se trouvait. Il a déclaré à Epoch Times que trois Afghans qu’il connaissait avaient été détenus et torturés par des membres des talibans pendant trois jours, et n’avaient été libérés qu’après avoir signé un document stipulant qu’ils ne quitteraient pas le pays et ne révéleraient pas leur détention et leur torture au public.

Ces dernières semaines, Pékin a exploité la crise afghane à des fins de propagande pour discréditer les États-Unis. Son média anglophone CGTN a récemment appelé Washington à « s’entendre avec les talibans », à « travailler avec nous » et à abandonner les sanctions.

Si certains analystes estiment que le régime chinois a beaucoup à gagner dans le pays en comblant le vide laissé par les États-Unis, des questions subsistent quant à sa capacité à maintenir une relation viable avec les talibans, dont la coopération dépendra probablement du financement chinois.

Un combattant taliban monte la garde alors que le ministre de l’éducation supérieure du groupe, Abdul Baqi Haqqani, s’exprime sur les politiques d’éducation supérieure des talibans dans la salle de la Loya Jirga à Kaboul, le 29 août 2021. Les femmes afghanes seront autorisées à étudier à l’université, mais les classes mixtes seront interdites sous le régime taliban, a déclaré M. Haqqani. (Aamir Qureshi/AFP via Getty Images)

« Si le PCC ne veut pas ou ne peut pas fournir les fonds attendus à temps, ou si la Chine fait quoi que ce soit qui ne plaise pas aux talibans, alors les talibans mordront très vite les mains chinoises qui les nourrissent » a précédemment déclaré Frank Lehberger, chercheur principal à la Fondation Usanas, basée en Inde, à Epoch Times.

Pendant ce temps, Pékin est aux prises avec la possibilité d’un débordement du militantisme dans la région de l’Afghanistan, où il est déjà confronté à une augmentation de la violence dirigée contre les travailleurs chinois des projets de la Ceinture et de la Route.

Deux récents attentats-suicides visant des ressortissants chinois au Pakistan ont tué au moins neuf personnes qui travaillaient sur le projet de la Ceinture et la Route au Pakistan.

« La Chine pense qu’elle peut contrôler les talibans », mais sa victoire inspire d’autres groupes d’insurgés, comme le groupe terroriste Tehreek-e-Taliban Pakistan, qui est « très opposé à la Chine », a déclaré Gordon Chang, auteur de The Coming Collapse of China, lors d’un récent webinaire d’Epoch TV.

« Nous pouvons voir toute la région partir en flammes, et dans ce cas, la Chine serait une cible de choix », a-t-il ajouté.

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