La Cour européenne des droits de l’homme statue que l’interdiction par la Russie de certains documents relatifs au Falun Gong est illégale

Par Eva Fu
22 février 2023 20:24 Mis à jour: 23 février 2023 11:39

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a estimé que l’interdiction par la Russie de matériel relatif à la pratique spirituelle du Falun Gong était illégale.

Dans une décision rendue le 31 janvier, la CEDH a estimé que l’interdiction imposée par la Russie concernant quatre documents d’information sur le Falun Gong, dont le livre principal « Zhuan Falun », violait la protection de la liberté d’expression prévue par la Convention européenne des droits de l’homme, le droit à la liberté de religion étant également prévu par la charte.

Un tribunal de Krasnodar, dans le sud‑ouest de la Russie, a prononcé l’interdiction pour la première fois en août 2008, au moment des Jeux olympiques de Pékin, en qualifiant d’ « extrémistes » certains documents relatifs à cette pratique spirituelle. Parmi ces documents, le livre principal de la pratique intitulé « Zhuan Falun », deux brochures et un rapport d’enquête. Une brochure servait à présenter la pratique. L’autre, à promouvoir une manifestation mondiale autour de la flamme olympique pour dénoncer les violations des droits de l’homme commises par Pékin. Le rapport d’enquête prouvait que les pratiquants de Falun Gong sont victimes d’un trafic d’organes perpétré par le Parti communiste chinois ainsi que de prélèvements forcés.

Le prélèvement forcé d’organes dure depuis plus de vingt ans et le nombre de victimes est difficile à déterminer. C’est une des composantes de la persécution depuis ses débuts, en 1999.

Cette pratique repose sur un ensemble d’enseignements moraux expliqués dans le « Zhuan Falun », dont les principes fondamentaux sont la vérité, la compassion et la tolérance. Elle comprend également cinq exercices de méditation. Cette discipline comptait jusqu’à 100 millions de pratiquants en Chine à la fin des années 1990 et est aujourd’hui librement pratiquée dans plus de 100 pays de par monde. [Suivre la persécution sur faluninfo.net]

Une femme signe une pétition lors d’une veillée aux chandelles organisée par les pratiquants de Falun Gong dans le centre de Varsovie, en Pologne, le 9 septembre 2022. (Mihut Savu/Epoch Times)

L’interdiction russe de publier et de diffuser les documents relatifs au Falun Gong « équivaut à une ‘ingérence d’une autorité publique’ dans le droit à la liberté d’expression des requérants », a jugé la CEDH à propos d’une plainte déposée par deux ressortissants russes, Mikhail Vladimirovich Sinitsyn et Sergey Nikolayevich Alekhin, tous deux pratiquants de Falun Gong.

La Cour a estimé que les autorités judiciaires russes, dans leur décision de 2008 et dans les audiences ultérieures, n’ont pas procédé à une analyse juridique des textes et n’ont pas justifié les préjudices allégués par la diffusion de ces documents.

Les tribunaux russes « n’ont pas évalué la nécessité d’interdire les publications au regard du contexte dans lequel elles ont été publiées, de leur nature et de leur libellé, ainsi que de leur éventuel effet néfaste », indique le jugement du 31 janvier.

« En outre, les tribunaux n’ont même pas mentionné, et encore moins examiné en profondeur, l’effet de l’interdiction sur les droits des requérants au titre des articles 9 et 10 de la Convention (…) manquant ainsi de mettre en balance leurs droits et l’intérêt public », ajoute la Cour européenne, citant les articles protégeant la liberté d’expression et de parole (pdf).

Des pratiquants de Falun Dafa portent des photos des victimes de la persécution en Chine lors d’une marche dans le centre de Varsovie, en Pologne, le 9 septembre 2022. (Mihut Savu/The Epoch Times)

La CEDH a ordonné aux autorités russes de verser aux deux plaignants 7500 euros chacun à titre d’indemnisation et un montant combiné de 3096 euros pour tous les frais et dépenses liés à l’affaire.

La Russie s’est retirée du Conseil de l’Europe, dont fait partie la CEDH, à la mi‑mars de l’année dernière dans le contexte de la guerre en Ukraine, et a refusé de se conformer à tous les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme rendus par la suite. Elle a officiellement cessé de faire partie de la Convention européenne des droits de l’homme en septembre.

Mais le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a déclaré qu’il examinerait toutes les requêtes déposées avant le retrait officiel de la Russie et qu’il surveillerait l’application de ses décisions. Cette plainte a été déposée en 2012, bien avant le départ de la Russie de l’organisme.

Levi Browde, directeur exécutif du Falun Dafa Information Center, s’est félicité de la décision de la Cour européenne, ajoutant qu’il espère « rappeler aux autorités russes que cela ne marche jamais de collaborer avec le PCC ».

« Malgré tout, nous estimons que Moscou n’est pas le PCC et nous pensons toujours que les autorités russes peuvent redresser la barre et s’épargner d’être à la solde du PCC en supprimant la liberté de religion », a‑t‑il déclaré à Epoch Times.

David Matas, avocat canadien spécialisé dans les droits de l’homme et co‑auteur du rapport sur le prélèvement d’organes interdit par la cour russe, a déclaré que cette décision reflète le modèle de gouvernance de la Russie et de la Chine, où les citoyens n’ont droit à la liberté d’expression que de manière théorique.

David Matas, avocat canadien des droits de l’homme internationaux et co-auteur de « Prélèvements meurtriers : allégations de prélèvements d’organes sur des pratiquants de Falun Gong en Chine » (Woody Wu/AFP/Getty Images)

À l’époque du jugement initial du tribunal russe, il y a 15 ans, Matas s’était demandé pourquoi les autorités russes « se livraient à une telle mascarade ». Leur condamnation de son rapport d’enquête était « totalement hors de propos ».

« Qui se ressemble s’assemble », a‑t‑il déclaré à Epoch Times par courriel. « C’est un bon cadeau de la part du gouvernement russe au gouvernement chinois que de faire taire tous les rapports sur les violations flagrantes des droits de l’homme en Chine », et tout particulièrement « le rapport sur le massacre des pratiquants de Falun Gong pour leurs organes ».

Bien qu’il doute que l’arrêt soit respecté en Russie, David Matas a décrit le jugement de la Cour européenne comme « une voix de la raison face à la folie des gouvernements russe et chinois ».

« On peut espérer que cette voix résonnera », a‑t‑il ajouté.

L’environnement restrictif en Russie a suscité des inquiétudes de la part des États‑Unis par le passé. En juillet 2021, après qu’un tribunal russe a confirmé l’interdiction de la branche régionale de Falun Gong de Khakassia, le département d’État a publié une déclaration exprimant sa profonde inquiétude face à cet acte de répression.

« Les autorités russes harcèlent, sanctionnent par des amendes et emprisonnent les pratiquants de Falun Gong pour le simple fait de méditer et de posséder des écrits spirituels », a déclaré Ned Price, porte‑parole du département d’État. « Nous exhortons le gouvernement russe à mettre fin à sa pratique d’utilisation abusive de la désignation ‘extrémiste’ comme moyen de restreindre les droits de l’homme et les libertés fondamentales. »

« Nous continuons à appeler la Russie à respecter le droit à la liberté de religion ou de croyance pour tous, y compris les pratiquants de Falun Gong et les membres d’autres groupes religieux minoritaires en Russie qui cherchent simplement à exercer leurs croyances de manière pacifique. »

Actuellement, en Russie, les pratiquants de Falun Gong continuent de subir des pressions.

En novembre, le bureau du procureur de la ville de Mejdouretchensk, dans le centre de la Russie, a intenté un procès visant à interdire plusieurs publications sur le Falun Gong. Le tribunal a statué en faveur des pratiquants en décembre, mais les procureurs ont fait appel le 2 février. Une audience au tribunal régional de Kemerovo est prévue pour le 2 mars.

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