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Présidence en France

La fonction présidentielle en France soumise à rude épreuve

L'impensable s'est produit. Du camp présidentiel lui-même, du gouvernement d'Emmanuel Macron, est venu l'appel le plus spectaculaire à son départ : Édouard Philippe, ancien Premier ministre, s'est dressé pour demander au président de démissionner.

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Le président du parti Horizons, Édouard Philippe (au centre), et le président du groupe parlementaire Les Démocrates, Marc Fesneau (à droite), quittent l'Élysée après une réunion avec Emmanuel Macron, le 10 octobre 2025.

Photo: LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Après les critiques venues de la gauche radicale avec François Ruffin lors des gilets jaunes, après celles de la droite incarnées par David Lisnard, Jean-François Copé et Valérie Pécresse, voilà l’interne qui explose. C’est l’hémorragie du pouvoir macronien.
« Une crise profonde sur l’autorité de l’État »
Édouard Philippe ne mâche pas ses mots. Il dénonce une « crise très profonde sur l’autorité de l’Etat » et « la légitimité des institutions », dont il rend Emmanuel Macron responsable. Sa proposition ? Un départ « ordonné » et annoncé du président, qui ouvrirait une campagne présidentielle réduite à seulement 35 jours. Un remède radical pour éviter, selon lui, dix-huit mois supplémentaires de chaos politique jusqu’en 2027. C’est la thérapie du choc : mieux vaut un divorce rapide qu’un mariage blanc prolongé.
Les macronistes ripostent avec véhémence, qualifiant cette trahison présumée d’« infamie ». Mais le mal est fait. La parole la plus haute du régime vient de fissurer le mythe présidentiel.
La défense inévitable d’une institution 
Quelque chose d’étrange se produit alors dans le débat politique français. Au-delà des clivages qui les divisent, un consensus inattendu émerge : on défend moins Macron que la présidence elle-même. C’est l’institution qui prime sur l’individu. François Hollande, ancien président déjà fragilisé avant 2017, intervient en sage : « Si chaque président impopulaire devait démissionner, beaucoup l’auraient fait, moi y compris. » Bruno Retailleau, patron des Républicains, y va de son « gaullisme » : fragiliser le président serait fragiliser toutes les institutions et tous ses successeurs.
C’est l’ironie de l’histoire : seul Charles de Gaulle, fondateur de la Ve République, a démissionné en 1969. Tous les autres, même empêtrés dans le scandale ou la paralysie, ont tenu bon jusqu’au bout de leur mandat.
L’hyper-pouvoir tempéré par la Constitution
Depuis 1958, la Ve République a érigé le président au sommet de l’État. De Gaulle, construisant ce régime fort, a porté la fonction présidentielle au-delà de tous les régimes précédents. Pendant près d’un siècle, la France avait connu des régimes parlementaires faibles où les présidents regardaient, impuissants, les Assemblées et les partis gouverner à leur place. Le changement de paradigme fut radical.
Mais la Constitution, particulièrement souple, cache une fragilité cachée. Elle autorise à la fois « l’hyper-présidence » quand le chef de l’État détient une majorité à l’Assemblée nationale, ou « un régime très parlementaire » dans le cas contraire. Emmanuel Macron en fait les frais depuis 2024.
Emmanuel Macron n’est que le symptôme, pas la maladie
Les experts nuancent le diagnostic. Elina Lemaire, professeure de droit public à l’Université de Bourgogne, le formule clairement : « Je n’ai pas l’impression que la séquence affaiblisse l’institution présidentielle. Effectivement, Emmanuel Macron est très affaibli, mais cela résulte de la crise politique ouverte après les élections de 2022 et surtout après la dissolution de 2024. »
Mathilde Philip, professeure à Lyon 3, renchérit : « L’affaiblissement d’Emmanuel Macron est un affaiblissement politique, donc personnel du chef de l’État, provoqué par une décision personnelle : la dissolution. » Elle pose néanmoins la question cruciale : « L’affaiblissement politique du chef de l’État ne va-t-il pas provoquer à terme l’affaiblissement constitutionnel du chef de l’État, donc de tous les présidents à suivre ? »
Le piège d’une mécanique qui s’enraye
Même paralysé, le président français reste central. Élu au suffrage universel, il concentre des pouvoirs bien au-delà de ce que la Constitution lui confère réellement. Ce phénomène s’est aggravé depuis le quinquennat en 2000 et l’alignement des mandats présidentiels et législatifs.
Édouard Philippe met en garde avec une formule terrible : « La fragilité des institutions, c’est le maintien de la situation actuelle. » Ses proches vont plus loin, inquiets : « On a déjà un président en prison, un autre qui a renoncé à se présenter. Édouard Philippe accentue la pente du toboggan. » L’image est éloquente. La Ve République, autrefois inébranlable, semble glisser vers l’inconnu.
Avec AFP