La nouvelle loi chinoise sur la cybersécurité risque de mettre en difficulté la Chine et son secteur de la technologie

15 juillet 2015 08:09 Mis à jour: 17 octobre 2015 23:50

 

Le 8 juillet, la Chine a ratifié une nouvelle loi sur la cybersécurité garantissant au régime communiste une emprise plus sévère sur Internet et les industries de la technologie.

Cette loi, qui a un large spectre et qui couvre tout, de la politique aux données personnelles, désavantage les entreprises étrangères et pourrait étouffer l’innovation de son propre secteur nationale de la technologie.

L’article 68 du document cherche à « sauvegarder la souveraineté du cyberespace et la sécurité nationale. » En plus de renforcer la sécurité, la Chine a prévu d’accroître la censure et le contrôle de l’information et de réprimer la libre circulation de l’information. La directive principale est d’exiger des fournisseurs de service Internet et autres sociétés de technologies, de stocker physiquement les données en Chine.

De telles exigences pourraient rendre plus aisé pour Pékin le traçage des dissidents, soi-disant « ennemis d’État » ou quiconque considéré comme une menace pour son pouvoir. Actuellement, on ne sait pas clairement si la loi s’applique seulement aux données collectées à l’intérieur de la Chine ou, également, aux données collectées à l’étranger par des sociétés chinoises.

L’article 50, par exemple, donne aux autorités le pouvoir de couper l’accès à Internet sur une large échelle pour maintenir l’ordre dans le cas d’incidents « soudains ». En d’autres termes, le cyberespace pourrait être soumis à la loi martiale.

Les firmes étrangères désavantagées
« Comme pour de nombreuses lois chinoises, le principal souci est que le langage est suffisamment vague pour rendre floue la manière dont la loi sera mise en œuvre, » a expliqué à Reuters Joerg Wuttke, le président de la Chambre de commerce de l’Union Européenne en Chine.

Stuart Hargreaves, professeur en droit des technologies et d’Internet à l’Université Chinoise de Hong Kong, pense que les sociétés étrangères qui font affaire avec la Chine, seront désavantagées.

« Cette réglementation bénéficiera aux fabricants et programmeurs nationaux alors qu’il est peu probable que leurs homologues étrangers acceptent de soumettre leurs codes source ou les spécifications de concept aux autorités chinoises. Dans certains cas, leurs propres gouvernements les empêcheront de le faire. » a précisé Stuart Hargreaves au South China Morning Post.

Les sociétés de technologies étrangères qui font des affaires en Chine seront probablement confrontées, d’une part à une stratégie commerciale accrue et d’autre part à des problèmes relatifs aux droits de l’homme avec des actionnaires inquiets face à des acteurs publics allant toujours de l’avant.

La baisse des ventes
L’annonce chinoise du 8 juillet est d’autant plus étrange que le régime communiste lui-même est soupçonné depuis longtemps de sanctionner le piratage des gouvernements et sociétés étrangères. Le dernier exemple en date qui est aussi le plus énorme, est le piratage du Bureau américain de gestion des ressources humaines (OPM : Office Personnel Management) qui a occasionné le vol de millions de données personnelles gouvernementales, lors d’une série de failles dans la cybersécurité.
En représailles des accusations de piratage soutenu par l’État, Pékin, a récemment procédé au retrait de Cisco Systems, Citrix Systems et Apple de la liste des fournisseurs approuvés par le gouvernement chinois par peur que leurs produits ne contiennent des logiciels espions américains.

Dans un tel contexte, les ventes des entreprises de technologies étrangères avaient déjà commencé à décliner en Chine, avant même l’annonce d’une nouvelle réglementation sur la cybersécurité, la semaine dernière.

Lors d’une conférence durant laquelle John Chambers, PDG de Cisco Systems, a présenté la situation financière de la société à des analystes, celui-ci a affirmé que ses ventes en Chine avaient baissé de 20% au cours du trimestre précédent. Ceci est survenu après de longues relations de travail avec le régime chinois, impliquant la fabrication de matériel se conformant aux règles de censures chinoises et même de prétendues méthodes sophistiquées de traçage des dissidents.

Une menace pour l’innovation
Dans la nouvelle loi, on trouve aussi des termes appelant à un secteur de la technologie « sécurisé et contrôlable ». Des groupes de l’industrie de la technologie affirment que cette loi pourrait être utilisée dans le but d’obliger toutes les sociétés opérant en Chine,  à construire des portes dérobées (backdoors ou programmes invisibles permettant le piratage à distance) dans leur matériel.

De telles actions exigeront des sociétés qu’elles donnent les clés de cryptage ou même les mots de passe dans les codes sources, ce qui soulèvera des problèmes de propriétés intellectuelles.

Ces exigences peuvent être interprétées de plusieurs manières. D’un coté, le code source propriétaire permettrait au régime chinois d’accélérer la croissance de son secteur de la technologie. D’un autre côté, le développement de ce secteur industriel est une source de revenus et une garantie de nouveaux emplois, deux bénéfices sur lesquels le régime chinois compte pour atteindre ses objectifs de PIB.

Il y a déjà eu un précédent avec l’industrie automobile nationale qui obligeait les constructeurs étrangers désireux d’accéder au marché chinois, à se lier avec une firme locale et à transférer ainsi leurs technologies et leur savoir-faire. Alors que les constructeurs nationaux chinois traînent toujours derrière les constructeurs automobiles japonais et européens dans les chiffres de vente, le transfert forcé de connaissances a sauvé, pendant des décennies, l’industrie nationale chinoise en matière de recherche, de développement et d’expérimentation.

Toutefois, la véritable perte causée par la nouvelle réglementation, pourrait provenir de l’étouffement de l’essor de ses propres start-up. L’approche autoritaire de Pékin pour réguler son secteur de la technologie va en effet à l’encontre de ses récents efforts pour la promotion de l’innovation et des investissements des entreprises liées à Internet.

Les audits annuels et les procédures d’approche des codes sources requis dans les nouvelles lois sur la cybersécurité, risquent d’augmenter la paperasserie, de ralentir la recherche en nouvelles technologies et de compromettre les investissements directs qui trouvent leur source dans le capital risque étranger. Les doutes sur la sécurité et les relations privilégiées avec le gouvernement pourraient également nuire à la capacité des start-up chinoises à s’engager sur le marché international.

Comme l’ont montré ses récentes manipulations brutales sur le marché boursier, l’approche réactionnaire de Pékin dans le domaine de la cybersécurité est tout simplement vouée à l’échec.

Version originale anglaise : Why China’s New Cybersecurity Law Will Hurt the Tech Sector, and China Itself

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