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plus-iconLa Chine ouvre sa Route maritime polaire

La « Route de la soie polaire » de la Chine atteint la Grande-Bretagne par le corridor arctique russe

Le premier voyage commercial de la Chine par la Route maritime polaire, en passant par l’Arctique russe, réduit de moitié le temps de transit vers l’Europe et marque un nouveau front dans la coopération entre l’État-parti chinois et la Russie.

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Le brise-glace nucléaire russe « 50 ans de victoire » au pôle Nord, le 18 août 2021.

Photo: Ekaterina Anisimova/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Un porte-conteneurs chinois a achevé une traversée de l’Arctique jusqu’à un port britannique, divisant par deux le temps de transit vers l’Europe et signalant un alignement plus étroit entre Pékin et Moscou.
L’Arctique, une région autrefois caractérisée par les neiges profondes, les glaces épaisses et l’isolement, devient un terrain d’essai pour les rapports de puissance, maintenant qu’il est démontré que les temps de navigation entre l’Asie et les îles Britanniques peuvent passer d’environ 40 à 18 jours en raison de la fonte des glaces.
L’Istanbul Bridge, un navire exploité par la compagnie chinoise Sea Legend, a atteint sa première destination européenne à Felixstowe, le plus grand port à conteneurs de Grande-Bretagne, le 15 octobre, en empruntant la Route maritime polaire, un corridor traversant entièrement les eaux arctiques sous contrôle russe.
Il s’agit de la première ligne régulière de porte-conteneurs de ce type dans la région.
En 2018, la Chine a publié un livre blanc exposant ses plans pour la « Route de la soie polaire » dans le cadre de son titanesque programme « Initiative Ceinture et Route » (ICR), en se définissant comme un « État proche de l’Arctique ».
Sept ans plus tard, transportant environ 4000 conteneurs depuis Zhoushan, le navire a fait escale en Allemagne, en Pologne et aux Pays-Bas.
Son chargement comprenait notamment des véhicules électriques et des panneaux solaires, selon Reuters.
Des analystes estiment que ce voyage illustre la capacité croissante de la Chine à opérer dans l’Arctique et renforce à la fois les ambitions du Parti communiste chinois (PCC) et celles de la Russie visant à détourner le commerce des eaux surveillées par l’Occident. Certains notent toutefois que la capacité de cette route reste limitée par la disponibilité des brise-glaces russes nécessaires pour dégager le passage.

Un « développement agressif »

Longtemps bloquée par une épaisse couverture de glace qui empêchait la navigation une grande partie de l’année, la Route maritime polaire s’ouvre de plus en plus à la navigation estivale en raison de la hausse des températures. Ce corridor de 6000 km s’étend le long de la côte nord de la Russie, à travers l’océan Arctique, reliant l’Asie de l’Est à l’Europe du Nord tout en contournant les points d’étranglement maritimes accessibles par l’OTAN.

Selon l’entreprise logistique et maritime Containerlift, les plans de « développement agressif » de la Russie visent à transformer cette route en un couloir navigable toute l’année, ce qui pourrait modifier la structure du commerce mondial.
Le mois dernier, l’agence nucléaire russe Rosatom et le ministère chinois des Transports ont signé un accord à Harbin, en Chine, pour développer conjointement la Route maritime polaire.
Le directeur général de Rosatom, Alexey Likhachev, a déclaré que « la Russie considère la Route maritime polaire comme une artère de transport clé du XXIe siècle, capable d’offrir des connexions entre continents plus rapides, plus efficaces et plus sûres ».
Il a ajouté que les décisions prises donneraient un nouvel élan à la coopération russo-chinoise dans le développement du potentiel de cette route et permettraient de concrétiser des projets d’investissement majeurs.
L’analyste Kristian Bischoff, spécialiste de l’Europe et de la Russie chez Risk Intelligence, a indiqué à Epoch Times que « cela s’inscrit dans la tendance de la Chine à s’imposer comme un acteur majeur dans l’Arctique, tout en travaillant à rationaliser ses chaînes d’approvisionnement vers l’Europe ».

Sanctions

Donald Trump a annoncé de nouvelles sanctions contre la Russie le 22 octobre, ciblant ses deux plus grandes compagnies pétrolières, Rosneft et Lukoil.

Selon M. Bischoff, les effets plus larges de ces sanctions restent à observer.
La Chine devrait probablement continuer à acheter du pétrole russe, a-t-il estimé, mais cherchera sans doute à négocier des remises, car contourner les sanctions représente un coût. Dans un rapport publié en 2023, Kristian Bischoff indiquait que, malgré la domination historique de la Russie sur la Route maritime polaire, celle-ci est désormais mise au défi par la « puissance industrielle navale de la Chine et par sa stratégie arctique ambitieuse ».
Il a expliqué à Epoch Times « qu’il est peu probable que les navires vieillissants de la ‘flotte fantôme’ contrôlés par le Kremlin puissent effectuer des transits dans les glaces, ainsi la tâche reviendra aux Chinois de maintenir le flux pétrolier depuis les ports arctiques russes ».
La Russie construit actuellement des pétroliers et méthaniers de classe glace, mais la Chine dispose probablement d’une avance en la matière. »
La Chine « pourrait aussi être en mesure de faire pression sur les prix des produits énergétiques, car elle dispose des chaînes d’approvisionnement et des capacités établies ».
Il a ajouté que si les sanctions ne visent pas à empêcher le pétrole russe d’entrer sur le marché — ce qui ferait fortement grimper les prix mondiaux et déstabiliserait l’économie — mais plutôt à limiter les revenus russes, comme les plafonds de prix imposés précédemment par l’Occident, alors l’impact des sanctions sur le régime du Kremlin resterait limité.

Position du Royaume-Uni

Dans un article publié le 10 octobre par The Council on Geostrategy, Sari Arho Havrén, experte finlandaise associée au Royal United Services Institute, souligne que la Route de la soie polaire illustre l’importance de l’Arctique pour Pékin et Londres en tant que voie stratégique pour le commerce, la sécurité et les ressources.

Elle avertit cependant que les ambitions stratégiques de Pékin dans le Grand Nord risquent de remodeler la région et de menacer les intérêts britanniques.
En tant que membre de l’OTAN, « la Grande-Bretagne fait face à une rivalité géopolitique et militaire croissante dans le Grand Nord, reconnu comme la place de concurrence entre grandes puissances ».
« La coopération sino-russe grandissante — illustrée par plus de 100 exercices militaires conjoints et le soutien chinois à l’invasion de l’Ukraine par la Russie — met en évidence la vulnérabilité du Royaume-Uni, qui dépend d’un État chinois utilisant le commerce à des fins stratégiques. »

« Pas une révolution »

En 2024, un volume record de près de 38 millions de tonnes de marchandises, dont du pétrole et du gaz naturel liquéfié (GNL), a été transporté le long de la Route maritime polaire, selon Rosatom.

Cependant, Samuel Furfari, ancien haut responsable à la Direction générale de l’énergie de l’Union européenne, a déclaré à Epoch Times que, malgré ce développement, il ne s’agit pas « d’une révolution géopolitique dans le domaine de l’énergie ».
La coopération entre la Chine et la Russie pour l’exploitation de la Route maritime polaire « reste en cours ».
« La partie majeure du marché du gaz se trouve toujours au sud de l’Europe. »
Samuel Furfari a également rappelé que le régime chinois dépend des brise-glaces nucléaires russes, car la Russie est la seule capable d’en construire.
Selon lui, cela pourrait marquer le début d’un changement, mais il faudrait beaucoup plus de brise-glaces pour que cela devienne significatif : un seul navire ne peut pas accompagner chaque méthanier. « Il faudra vraiment beaucoup de travail pour y parvenir. »
« Cela se limite à la Chine. Je ne vois pas le Japon, la Corée ou la Malaisie emprunter la même voie. »
Owen Evans est un journaliste britannique qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour les libertés civiles et la liberté d'expression.

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