L’ancien chef du PCC a mené la Chine dans une «ère de terreur» avec le soutien de l’Occident, selon un défenseur des droits de l’homme

Par Eva Fu
8 décembre 2022 19:14 Mis à jour: 8 décembre 2022 19:14

Les saignements de nez sont la seule chose dont Henry Yue se souvienne distinctement, en dehors des tortures subies pendant un an et demi dans un camp de travail chinois.

Alors qu’il enroulait des bobines de métal utilisées dans des téléviseurs, une partie du travail forcé qu’il devait effectuer jour après jour, le sang jaillissait parfois, laissant de grandes taches cramoisies sur son uniforme de prisonnier à rayures bleues et blanches.

La première fois que cela s’est produit, Henry Yue a levé la tête en se tapotant le front pendant environ une minute pour arrêter le saignement. Mais il y avait trop de sang, le deuxième jour, il le crachait aussi par la bouche.

En 2001, Henry Yue se trouvait dans un établissement de la ville de Tianjin, dans l’est de la Chine, où il purgeait une peine après avoir été arrêté dans un parc en train de faire les exercices de méditation du Falun Gong. Il était dans un établissement qui prodiguait des séances de lavage de cerveau.

Il ne pensait pas que sa santé déclinerait à ce point. Il avait une vingtaine d’années, était athlétique et en excellente santé avant son emprisonnement.

Image d’une vidéo fait sous couverture du camp de travail de Masanjia, en Chine. Des détenus sont en train de fabriquer des diodes pendant les Jeux olympiques de Pékin en 2008. (Avec l’aimable autorisation de Yu Ming)

Il était contraint de travailler 16 à 19 heures par jour, avec pour seule nourriture du riz moisi et des légumes verts rassis. Il devait se doucher à l’eau froide, même pendant les hivers glacials. Chaque jour, il devait faire un rapport sur la façon dont ses pensées avaient été « transformées ».

Les gardes infligeaient des douleurs au moindre signe de désobéissance ou, comme le croit Henry Yue, pour la simple satisfaction de le faire. Une fois, il a vu un gardien supérieur, sans raison apparente, mettre en pièces une chaise sur le dos voûté d’un détenu.

Le camp de travail fixait des quotas de production incroyablement élevés pour chaque détenu, laissant souvent peu de place au repos. Henry Yue, qui était l’un des travailleurs les plus rapides du camp, dormait parfois une demi‑heure seulement pour réussir à atteindre son quota.

Pour garder espoir, il comptait le temps qui le séparait de sa libération en minutes. Il a fini par sortir, après avoir été un esclave pendant 18 mois et fabriqué des produits vendus ensuite en Corée du Sud. Il se considère néanmoins comme l’un des plus chanceux. D’autres ont les mains déformées ou ont perdu leurs ongles à force de travail.

« Ils vous traitent comme des animaux », explique Henry Yue, qui vit aujourd’hui à New York, à Epoch Times. À cette époque, le chef du Parti communiste chinois (PCC) Jiang Zemin avait donné carte blanche au personnel pénitentiaire pour utiliser tous les moyens possibles afin d’amener les pratiquants de Falun Gong à abandonner leur croyance.

« Ruinez leur réputation, mettez‑les en faillite financièrement et détruisez‑les physiquement », avait déclaré Jiang Zemin au moment de lancer la persécution sur l’ensemble du pays. À l’époque, il avait déclaré vouloir éradiquer le Falun Gong en trois mois. Il n’y est pas parvenu, bien qu’il ait persécuté près de 70 à 100 millions de pratiquants de Falun Gong en les détenant, les torturant, les harcelant, les privant de revenus ou en les tuant pour leurs organes. (Suivre la persécution sur faluninfo.net)

Une « ère de terreur »

Jiang Zemin est mort le 30 novembre, à l’âge de 96 ans.  C’est un des plus grands violateurs des droits de l’homme que l’histoire ait jamais connue.

Mais tant que le système de persécution mis en place par lui continuera de fonctionner, il est peu probable que les témoignages de souffrance comme celui d’Henry Yue se fasse entendre. Tant que son héritage persiste, le climat général de terreur enduré par les pratiquants de Falun Gong depuis 23 ans ne prendra pas fin.

Entre septembre et octobre de cette année, plus de 2000 pratiquants ont été harcelés ou arrêtés, dont environ 150 âgés de 80 ans ou plus, selon Minghui, une organisation basée aux États‑Unis qui suit la persécution. Ces chiffres ne représentent que la partie émergée de l’iceberg.

« Dans une certaine mesure, c’est la fin d’une ère de terreur et d’horreur », déclare pour Epoch Times Levi Browde, directeur exécutif du Centre d’information sur le Falun Dafa.

Jiang Zemin « est le cerveau qui a créé un réseau mafieux d’acolytes » pour persécuter la population. Maintenant qu’il est mort, Levi Browde espère que tous ceux « qui ont encore un peu de conscience » se réveilleront.

Des millions de victimes

Le Falun Gong comprend des enseignements moraux ancrés dans les principes de vérité, de compassion et de tolérance, ainsi qu’un ensemble d’exercices de méditation. Une fois introduit au public en 1992, il est très rapidement devenu extrêmement populaire. À l’époque près d’un chinois sur treize pratiquait le Falun Gong, et beaucoup affirmaient que cette pratique était extrêmement bénéfique pour le corps et l’esprit.

Sur une photo datant du milieu des années 1990, des pratiquants de Falun Gong font leurs exercices dans un parc non loin de la ville de Guangzhou. (Minghui)

Mais pour Jiang Zemin, cette croissance fulgurante était perçue comme une menace pour son contrôle autoritaire, son pouvoir durement acquis en envoyant des chars sur les étudiants de la place Tiananmen en 1989.

En juin 1999, Jiang Zemin a donc créé un organe extrajudiciaire, de type Gestapo, connu sous le nom de « Bureau 610 ». La seule mission du Bureau 610 était d’éradiquer le Falun Gong. La persécution a commencé un mois plus tard. Une propagande visant à diffamer le Falun Gong a envahi les ondes, la presse écrite et les panneaux d’affichages communautaires. La police s’est alors mise à traquer les pratiquants.

Pour ceux qui persistaient dans leur conviction, tout était menacé : leur famille, leur carrière, leur liberté, leur vie.

Henry Yue était dans la vingtaine, mais il gagnait déjà bien sa vie en tant que responsable dans une coentreprise japonaise de vêtements pour enfants. Il touchait jusqu’à 1000 yuans (142 dollars) par mois, ce qui, à l’époque, le plaçait parmi les meilleurs salariés de la ville de Tianjin.

En octobre, Henry Yue s’est rendu sur la place Tiananmen pour demander aux autorités de revenir sur leur décision d’anéantir le Falun Gong.

Une fois de retour chez lui, deux policiers l’attendaient, l’ont arrêté et lui ont fait subir une séance d’électrocution à la matraque d’une quarantaine de minutes. Lorsque l’un d’eux s’est accidentellement électrocuté lui‑même, ils se sont arrêtés.

C’est alors qu’Henry Yue, qui avait toujours considéré les agents de police comme des travailleurs indispensables contribuant à la sécurité de la population, a sombré dans le désespoir.

« Face à un groupe qui ne voulait que s’améliorer, ils pouvaient encore être si impitoyables », explique‑t‑il. « Ils persécutaient les personnes gentilles par ordre de l’État. »

Rassemblement de pratiquants de Falun Gong pour protester contre la persécution orchestrée par Jiang Zemin, au siège des Nations Unies à New York, le 8 septembre 2000. (Avec l’aimable autorisation de Levi Browde)

Le feu vert de l’Ouest

Levi Browde, alors ingénieur logiciel à New York, a commencé cette pratique spirituelle à l’automne 1998 après avoir remarqué qu’elle avait transformé son meilleur ami et collègue de travail en une personne plus gentille et plus attentionnée. Bientôt, les exercices lents du Falun Gong ont remplacé sa routine de gym d’une heure chaque matin.

Selon lui, cette pratique montre la voie à suivre pour « être la personne que l’on veut être » dans un monde où souvent « les divers complexes de la nature humaine prennent le dessus ».

« C’était très libérateur », explique‑t‑il.

Peu de temps après la persécution, l’ami qui l’a initié la pratique a découvert que sa mère en Chine, également pratiquante, avait disparu. Il s’est alors senti concerné de près par la persécution.

Levi Browde lors d’une conférence de presse devant le bâtiment du département d’État à Washington, le 20 février 2002. (Avec l’aimable autorisation de Levi Browde)

Levi Browde et d’autres ont alors commencé à faire du porte‑à‑porte pour informer les gens de ce qui se passait en Chine. Il a également suivi les déplacements de Jiang Zemin pour protester lors de ses visites à l’étranger, en Ukraine, en Lituanie, et lors de deux voyages aux États‑Unis en 2000 et 2002.

À l’époque, explique Levi Browde, il avait l’impression de « nager à contre‑courant ».

L’Occident, qui venait d’accueillir la Chine au sein de l’Organisation mondiale du commerce l’hiver précédent, était « désespéré » de faire entrer le pays communiste dans l’arène politique mondiale ‑ même au prix de ses valeurs et de ses principes juridiques ‑ et les responsables chinois le savaient, explique‑t‑il.

Il se souvient d’une altercation avec deux fonctionnaires chinois en octobre 2002, lors d’une manifestation précédant la rencontre de Jiang Zemin avec George W. Bush (alors président), à Crawford, au Texas. George W. Bush devait faire visiter son ranch à Jiang Zemin, ce que Levi Browde décrit comme un « énorme coup en termes de relations publiques pour le PCC sur la scène mondiale ».

« Il s’agissait de montrer que le PCC était l’égal des États‑Unis, et pas seulement sur le plan politique et financier. Nous avons donc estimé qu’il était de notre devoir de nous assurer que les gens comprennent que ce personnage accueilli par notre président ici au Texas était un tyran. »

Alors que lui et des centaines d’autres pratiquants se rassemblaient sur la route menant au ranch, deux fonctionnaires sont sortis d’une voiture du consulat chinois et ont commencé à les prendre en photo. Lorsque les pratiquants s’y sont opposés, pour des raisons de sécurité liées au fait que certains avaient de la famille en Chine, un des fonctionnaires chinois est allé chercher un chapeau de cow‑boy Stetson dans la voiture, l’a mis et s’est dirigé vers eux, les bras croisés.

Le message, selon Browde, était le suivant : « Vous ne pouvez rien me faire. »

« C’est là où j’ai réalisé pour la première fois que les responsables chinois réussissaient à obtenir tout ce qu’ils voulaient dans notre pays. »

Rassemblement au siège des Nations Unies à New York, le 8 septembre 2000. (Avec l’aimable autorisation de Levi Browde)

Le vent tourne

C’était il y a plus de 20 ans et le vent a tourné depuis.

Les prélèvements forcés d’organes sur les pratiquants de Falun Gong emprisonnés, font l’objet d’une condamnation croissante de par le monde.

Parallèlement, au cours des dernières années, les manœuvres menaçantes du régime à l’égard de Taïwan, l’emprisonnement massif des musulmans ouïghours dans la région du Xinjiang, la répression de Hong Kong et la politique zéro Covid implacable commence à réveiller les populations sur ce qu’est le régime chinois et la menace qu’il représente.

Veillée organisée au parc Victoria, à Hong Kong, le 4 juin 2020. Sur les pancartes, il est écrit : « Le ciel détruira le Parti communiste chinois ». (Song Bilung/Epoch Times)

Après la mort de Jiang Zemin, les médias d’État chinois ont été inondés d’éloges funèbres à son égard. Dans une notice nécrologique officielle, le Parti, sans mentionner l’incident précisement, a salué la fermeté de Jiang Zemin lors des manifestations de Tiananmen en 1989.

Si les louanges des médias chinois n’ont pas surpris les pratiquants de Falun Gong, celles des médias occidentaux les ont choqués. Les grands médias du monde libre ont globalement salué le rôle supposé de Jiang Zemin dans « l’essor économique » de la Chine.

Selon Henry Yue, les médias ont blanchi Jiang Zemin de tous ses crimes.

Non seulement l’ancien dirigeant a déchaîné toute la force de l’État contre des gens innocents, mais son règne a également engendré une corruption endémique qui imprègne désormais tous les aspects de la société chinoise, poursuit‑il.

En 2015, Henry Yue, qui a été arrêté une demi‑dizaine de fois au total, a été un des premiers de son comté à déposer une plainte sous son vrai nom auprès de la plus haute instance juridique chinoise pour demander que Jiang Zemin soit traduit en justice. En l’espace d’un an et demi environ, le nombre de plaintes similaires déposées contre l’ancien dirigeant pour les préjudices subis du fait de la persécution a atteint les 210.000.

Dans le camp de travail, Henry Yue avait souhaité la mort de Jiang Zemin, mais son ressentiment s’est dissipé depuis longtemps.

« Nous n’avons pas d’ennemis », dit‑il.

Henry Yue regrette toutefois que Jiang ne puisse être poursuivi pour ses crimes.

Il se demande également ce qu’éprouvent les Chinois. En 2011, les rumeurs de la mort de Jiang Zemin circulant à Hong Kong auraient incité certains habitants à acheter des feux d’artifice en guise de célébration.

« Pour eux, c’était quelque chose qu’ils attendaient avec impatience », explique Henry Yue.

Manifestation contre la politique zéro Covid, à Pékin, le 28 novembre 2022. (Noel Celis/AFP via Getty Images)

La mort de Jiang Zemin ajoute des incertitudes politiques à Pékin, confronté à de nombreux défis intérieurs et extérieurs.

Pour Levi Browde, les manifestations contre les confinements qui ont récemment éclaté dans toute la Chine s’inscrivent dans le cadre d’une tendance croissante de la population chinoise à « être plus lucide » sur l’histoire et les abus du régime.

Cette prise de conscience, explique‑t‑il, se développe depuis des années, en partie grâce aux efforts déployés par les pratiquants sur le terrain pour informer les gens de la persécution.

Ces dernières années, son organisation a relevé des actes de courage de différents niveaux, y compris des villages entiers signant des pétitions en utilisant leur vrai nom pour demander la libération des pratiquants de Falun Gong détenus.

« C’est sans précédent – un groupe de personnes signant de leur vrai nom une pétition et l’envoyant au gouvernement sur une question que le PCC prend très au sérieux comme le Falun Gong. »

« Donc, s’ils sont assez courageux pour faire cela, ils devraient être assez courageux pour faire d’autres choses, comme dire non aux confinements. »

« À un moment donné, cela atteindra un point critique. »

Frank Fang a contribué à cet article.

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