L’Appel de La Rochelle : colère et mobilisation contre les pesticides de synthèse

Des membres des syndicats agricoles FDSEA 72 et Jeunes Agriculteurs (JA) retirent des rayons des produits contenant de l'acétamipride, un pesticide néonicotinoïde, lors d'une opération de protestation dans un supermarché de Mundolsheim, le 20 août 2025.
Photo: FREDERICK FLORIN/AFP via Getty Images
Samedi dernier, les rues de La Rochelle ont vibré d’une colère légitime. Quatre cents citoyens, unis dans un même élan, ont battu le pavé pour exiger l’abandon définitif des pesticides de synthèse. Cette mobilisation, troisième édition de l’Appel de La Rochelle, intervient dans un contexte explosif : la publication cette semaine d’une étude nationale révélant l’exposition alarmante des riverains de vignobles aux produits phytosanitaires.
L’association Avenir santé environnement (ASE), organisatrice de l’événement, porte un message d’urgence né d’un drame humain. Créée en 2018 suite à une série de cancers pédiatriques en Charente-Maritime, elle incarne la détermination de familles qui refusent de subir en silence. Dans la plaine agricole de l’Aunis, proche de La Rochelle, trop d’enfants ont payé le prix fort d’un modèle agricole toxique.
Des slogans qui claquent, un message qui porte
« Arrêtez vos salades », « Cultivons notre avenir », « Aunis maltraité » : les pancartes brandies par le cortège ne mâchaient pas leurs mots. Citoyens ordinaires, proches de victimes, militants associatifs, médecins et élus marchaient côte à côte, rassemblés par une évidence : il faut changer de cap. Parmi eux, Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, apportait le soutien de son parti à cette cause vitale.
Le spectacle de cette diversité sociale témoigne d’une prise de conscience qui dépasse les clivages. Face à la contamination généralisée, les Français refusent de rester spectateurs de leur propre empoisonnement.
Une convention citoyenne pour sortir de l’impasse
Franck Rinchet-Girollet, porte-parole d’ASE, a annoncé une proposition concrète : la création d’une convention nationale citoyenne pour la transition agricole. « Cet outil fait appel à l’intelligence collective », explique-t-il, convaincu que la solution viendra des citoyens eux-mêmes plutôt que des lobbies agrochimiques.
Marine Tondelier abonde dans ce sens : « Je fais confiance aux Français pour se saisir du sujet. La pétition contre la loi Duplomb constitue le plus grand mouvement social de ces derniers mois. Cette longue bataille ne fait que commencer. »
« Il faut sortir de ce modèle qui intoxique »
Les manifestants rejettent toute accusation de stigmatisation des agriculteurs. « Nous ne sommes pas dans une posture d’agri-bashing, nous sommes force de propositions », martèle Benoît Biteau, député écologiste de Charente-Maritime. Marie Toussaint, députée européenne, enfonce le clou : « Il faut sortir de ce modèle qui intoxique. »
Cette nuance est cruciale. Il ne s’agit pas d’opposer consommateurs et producteurs, mais de construire ensemble un modèle agricole respectueux de la santé publique et de l’environnement.
Des preuves scientifiques accablantes
Les manifestants ne marchent pas sur des soupçons, mais sur des faits établis. L’année dernière, l’ASE révélait la présence de pesticides, dont certains interdits, dans les cheveux et urines de dizaines d’enfants de la plaine de l’Aunis. Une région marquée par quinze cas de cancers pédiatriques depuis 2008.
L’étude nationale PestiRiv, publiée lundi, confirme ces craintes à l’échelle du pays. Menée par deux agences sanitaires sur près de 2 700 personnes dans six régions viticoles, elle démontre la surexposition généralisée aux pesticides. Cinquante-six substances ont été détectées dans l’organisme des riverains, transformant ces populations en cobayes involontaires d’une agriculture industrielle.
Refuser d’accepter l’inacceptable
« Il faut créer un rapport de forces », lance Fleur Breteau, fondatrice de l’association Cancer Colère. Son message résonne comme un appel aux armes pacifique mais déterminé. Après la marche, élus, scientifiques, associations et citoyens se sont retrouvés en tables rondes, construisant ensemble les contours d’une alternative crédible.
Cette mobilisation marque un tournant. Elle prouve que les Français refusent désormais d’accepter l’inacceptable : vivre dans un environnement empoisonné au nom de la productivité agricole. Le combat pour une agriculture sans pesticides de synthèse ne fait que commencer, mais il a trouvé à La Rochelle ses premiers bataillons.
Avec AFP

Articles actuels de l’auteur









