Les besoins du plus grand nombre ne l’emportent pas sur les droits du petit nombre

Par Bruce Pardy
1 mai 2020 16:01 Mis à jour: 1 mai 2020 16:01

Le 30 juin 1979, Georgette Malette a été gravement blessée dans un accident de la route près de Kirkland Lake, dans l’Ontario. À l’hôpital, le médecin traitant a estimé qu’elle avait besoin d’une transfusion sanguine pour survivre. Cependant, Georgette Malette était témoin de Jéhovah. Elle était inconsciente mais portait une carte qui précisait qu’elle ne devait en aucun cas recevoir de transfusion sanguine. Le médecin a tout de même procédé à la transfusion, jugeant qu’il était de sa responsabilité professionnelle de procéder à une transfusion pour lui sauver la vie.

Georgette Malette s’est finalement complètement rétablie et a poursuivi le médecin pour avoir effectué une transfusion sans son consentement. La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le médecin était responsable même si son diagnostic médical était correct. Chacun a la liberté de faire ses propres choix en matière de soins médicaux, a déclaré la Cour, « même si ces choix peuvent paraître imprudents ou insensés aux yeux des autres ». L’expertise du médecin n’était pas pertinente, car la question n’était pas d’ordre médical. Personne ne peut ignorer vos souhaits, même s’ils conduisent à votre mort. Dans le droit commun, le droit de disposer de son propre corps l’emporte sur le droit à la survie.

Les travaux sur un vaccin covid-19 sont en cours, bien que certains professionnels de la santé doutent qu’un tel vaccin soit développé prochainement, voire jamais. Toutefois, si un tel vaccin est mis au point, la question la plus urgente sera de savoir si la vaccination devra être obligatoire. Lors d’une conférence de presse le 28 avril, le Premier ministre Justin Trudeau a refusé d’exclure l’idée.

Les responsables de la santé publique pourraient bien y être favorables. Les vaccins nous protègent tous, dira-t-on. Nous devons parvenir à une immunité collective pour isoler les personnes vulnérables dont le système immunitaire est affaibli et qui ne sont pas en mesure de tolérer le vaccin. Le plus grand bien, diront ils, exige que les personnes en bonne santé se soumettent.

Malheureusement, ces experts et la foule qui « obéit à la science » font la même erreur que le médecin de Georgette Malette : ils croient que la science détient la réponse. En fait, la question n’est pas médicale, mais juridique et philosophique. La question de savoir si une législation rendant la vaccination obligatoire serait constitutionnelle au regard de la Charte des droits et libertés est ouverte, mais elle serait sans aucun doute en contradiction avec le principe de loi commun selon lequel vous avez une autonomie sur votre propre corps, même lorsque votre vie est en jeu. Ce principe ne change pas en fonction de la personne. Les besoins du plus grand nombre ne l’emportent pas sur les droits du petit nombre, ou de l’unique.

Le 28 avril, la presse canadienne a publié un sondage en ligne Leger dans lequel 60 % des personnes interrogées sont favorables à une vaccination obligatoire contre le coronavirus, tandis que 40 % s’y opposent. Le sondage en ligne n’était pas aléatoire et ne prétendait donc pas représenter fidèlement l’opinion de la population canadienne. Cependant, une majorité pourrait bien être en faveur de la vaccination obligatoire. Si c’est le cas, il faut les ignorer. Les droits protègent les individus contre les caprices de l’opinion publique. Les autres personnes sont libres de vous informer, de vous cajoler et de vous persuader, mais la souveraineté sur votre propre corps signifie que vous seul pouvez décider.

Certes, les droits ne sont pas absolus, mais ils sont limités par les droits des autres. La liberté de balancer votre poing s’arrête là où il frappe quelqu’un au visage. La liberté d’expression protège les opinions impopulaires, mais pas les discours diffamatoires. Mais dire que les droits sont limités par les droits des autres est une chose bien différente que de dire qu’ils sont soumis à l’intérêt général. Imaginez, par exemple, que cinq de vos voisins aient besoin d’une transplantation d’organe pour survivre. Ils vous prennent comme donneur : le foie, les poumons, le cœur et deux reins. Heureusement, aucun fonctionnaire n’est habilité à vous enlever la vie, même si cela permet d’en sauver cinq autres. Vous avez le droit de ne pas être touché sans votre consentement, quels que soient les coûts et les avantages sociaux. Votre vie et votre corps vous appartiennent. Les droits de l’un l’emportent sur les besoins du plus grand nombre.

La vaccination est différente, insisteront les experts. Nous ne vous ôtons pas la vie ni ne vous causons de tort, mais nous vous protégeons, vous et les autres. Les vaccins sont efficaces, et le risque d’effets secondaires est faible. Nous ne devons pas donner raison aux ignorants qui pensent que les risques que présentent les vaccins l’emportent sur leurs avantages. Vous ne sacrifiez rien pour le bien commun et pourtant, le bien commun sera servi. À notre avis, proclameront-ils, les avantages sociaux l’emportent de loin sur les risques encourus dans chaque cas particulier.

Ce n’est pas à eux de juger. Le principe d’autodétermination n’a rien à voir avec l’efficacité des vaccins, tout comme il n’a rien à voir avec l’efficacité des transfusions sanguines. Georgette Malette avait le droit de refuser des transfusions parce qu’elle n’en voulait pas, et non parce qu’elles ne pouvaient pas fonctionner. Le médecin de Georgette Malette avait raison de dire qu’elle avait besoin de transfusions pour survivre, mais évaluer cet avantage face au non-respect de ses convictions était un calcul que seule Georgette avait le droit de faire. Il en va de même pour nous tous.

La vraie question est de savoir qui est responsable de votre vie ? Même en période de pandémie, la réponse devrait être vous.

Bruce Pardy est professeur de droit à l’université Queen’s.

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