Les jeunes chômeurs férus de jeux vidéos : un nouveau phénomène de société

14 décembre 2016 11:00 Mis à jour: 4 avril 2021 13:32

Beaucoup de jeunes hommes âgés de 21 à 30 ans ont choisi de sortir du marché du travail et passent de plus en plus de temps à jouer aux jeux vidéo. Ils ne sont toutefois pas des laissés-pour-compte déprimés de la nouvelle économie. Cela paraît étonnant, mais ils affirment être plus heureux que les hommes de leur âge qui travaillent et les hommes plus âgés au chômage.

Lawrence Summers, ex-économiste en chef de la Banque mondiale et ex-secrétaire du Trésor américain, a récemment écrit qu’il prévoit que la réalité virtuelle incitera un plus grand nombre de jeunes gens à renoncer au marché du travail si la tendance actuelle se maintient.

Erik Hurst, un macroéconomiste de la Booth School of Business de l’Université de Chicago, et Alan Krueger, professeur d’économie et d’affaires publiques à l’Université Princeton, citent des recherches indiquant que les jeux vidéo sont maintenant tellement captivants qu’ils peuvent empêcher les hommes d’aller au travail. Sans doute, ces hommes aiment tellement ce passe-temps qu’il leur importe peu d’être considérés comme des personnes dépravées vivant dans le sous-sol de leurs parents ou recevant l’assistance sociale.

Le fait que les jeunes d’aujourd’hui semblent avoir un profond et constant cynisme et un manque de confiance envers la société en général pourrait expliquer pourquoi il est plus facile pour eux de s’en distancer.

Il s’agit d’un changement récent et profond. En 2000, les jeunes hommes sans travail et peu qualifiés étaient généralement mécontents. Ce n’est plus le cas, bien que ce soit vrai pour les hommes sans emploi plus âgés qui sont moins enclins à prendre une manette.

L’étude de M. Krueger, Where Have All the Workers Gone ? (Où sont passés tous les travailleurs ?), souligne que les hommes sans emploi plus âgés démontrent « un bas niveau de bien-être émotionnel au quotidien […] et trouvent relativement peu de sens à leurs activités de tous les jours ».

Pour les hommes plus jeunes, les jeux vidéo captivants sembleraient être seulement une partie du problème, alors que le comportement humain et les normes sociales changeantes ne s’expliquent pas aussi facilement.

Cyniques et sceptiques

Le fait que les jeunes d’aujourd’hui semblent avoir un profond et constant cynisme et un manque de confiance envers la société en général pourrait expliquer pourquoi il est plus facile pour eux de s’en distancer.

Le cynisme chez les jeunes a été documenté dans des sondages de Harvard et Gallup l’an dernier. Des chercheurs des Universités de Géorgie et de San Diego State ont aussi découvert qu’entre 1972 et 2012, les Américains ont beaucoup perdu confiance les uns envers les autres et envers les institutions en général, donc envers les médias de l’information, les entreprises, les organisations religieuses, l’establishment médical, le Congrès et la présidence.

L’étude a déterminé que la génération Y est la plus cynique de toutes les générations.

Il est facile de voir un scénario où les jeunes sont repoussés par une société qu’ils jugent corrompue et séduits par des jeux vidéo de plus en plus captivants. Le problème est que ces jeux vidéo ne sont pas nécessairement inspirants pour les jeunes attirés par ceux-ci.

Prenons, par exemple, la prolifération de la pornographie en ligne et qui apparaît de plus en plus dans les jeux vidéo.

L’American College of Pediatricians met en garde contre la pornographie en ligne qui peut augmenter l’insensibilité envers les femmes, banaliser le viol et l’infidélité et les inciter à renoncer au mariage ou à fonder une famille.

Tout cela avant l’arrivée en puissance de la réalité virtuelle et de l’invention de stations de plaisir par un hédoniste inspiré par le film La Matrice.

Toutes ces tentations en ligne éveillent nos désirs humains les plus primitifs. Pensez au sentiment palpable du pouvoir et de la méchanceté que l’on peut ressentir en tuant des hommes et des femmes dans un paysage virtuel. Nous avons tendance à mettre de côté la conscience, mais les gens ont encore une base de moralité et nous payons le prix en ce qui concerne notre propre estime lorsque nous prenons plaisir à faire des choses que nous considérons normalement comme ignobles.

Toutes ces tentations en ligne viennent en partie du fait qu’ils offrent un monde défini où les gens peuvent essayer, échouer, s’améliorer et réussir. Le chemin est clair, excitant et réalisable, contrairement au monde réel dans lequel il semble plus difficile de « s’élever d’un niveau ».

Sur le plan émotionnel, les jeux vidéo viennent remplacer les réussites dans le monde réel. Ils viennent également satisfaire un certain besoin de communauté, puisque beaucoup de jeux ont une dimension sociale.

Jeu contre joué

J’ai déjà interviewé un jeune homme qui avait navigué avec succès la nouvelle économie numérique. Il démontrait ce qui est nécessaire pour réussir dans le monde d’aujourd’hui : motivation intrinsèque, entrepreneuriat et volonté de prendre des risques.

Il a fondé une entreprise qui vend des pièces d’auto faites sur mesure et fabriquées à Taiwan. Il est également un futurologue amateur, il observe les tendances et fait des prédictions.

Comme plusieurs, il voit le monde d’aujourd’hui comme un monde de bonnes occasions pour ceux qui ont les habiletés et le caractère nécessaires. Quant à ceux pour qui ce n’est pas le cas, ce n’est pas si pire.

Il spécule que dans un avenir proche, une personne pourrait passer ses journées dans la réalité virtuelle, sans se soucier de la misère noire dans laquelle elle pourrait vivre, et en subsistant en consommant des boissons protéinées relativement abordables et faciles à préparer.

Dans son esprit, il ne s’agit pas d’une vision dystopique.

Vivre dans des logements subventionnés, ou même vivre dans la rue, pourrait être une vie acceptable s’il est possible de s’attacher un téléphone intelligent au visage et de devenir n’importe quoi, n’importe où, avec n’importe qui.

La plupart des gens remettraient probablement en question la dignité de vivre ainsi. On pourrait même se demander quel est le sens de l’existence si nous sommes réduits à la distraction numérique infinie ?

Des recherches sur les effets neurologiques des jeux vidéo ont trouvé que les amateurs souffrent d’un niveau de compassion plus bas et d’un cerveau moins développé.

Il est maintenant tellement facile et éhonté de s’adonner à nos désirs les plus vils que les économistes tentent d’en mesurer les effets sur la disponibilité de la main-d’œuvre.

Cela devrait donner matière à réfléchir.

C’est considéré vieillot et presque offensant de nos jours de discuter de la morale et du contrôle de soi. Nous vivons à une époque où le bonheur est sa propre récompense, si vous pouvez l’obtenir à bas prix sans blesser autrui, en général personne ne s’y oppose.

C’est là où la réalité virtuelle ne livre pas la marchandise.

C’est parce qu’il s’agit plus d’une drogue que d’une satisfaction digne de sens, plus de distraction que de joie véritable. Pis encore, la réalité virtuelle pourrait même endommager le caractère de notre société.

Des recherches sur les effets neurologiques des jeux vidéo ont trouvé que les amateurs souffrent d’un niveau de compassion plus bas et d’un cerveau moins développé.

Entre-temps, le neuroscientifique Richard Davidson de l’Université du Wisconsin a utilisé des machines et des capteurs de résonance magnétique pour effectuer des recherches sur des adeptes de méditation, dont des moines bouddhistes.

M. Davidson et d’autres scientifiques ont découvert que le calme qui vient avec des aspirations à la compassion est relié de près au contentement et autres émotions positives. Selon l’activité cérébrale, ceux qui acceptent la souffrance comme une facette inévitable de la vie et qui aspirent à l’éveil sont les personnes les plus heureuses au monde.

Tandis que nous pouvons tourner en ridicule les jeunes hommes qui passent leurs journées à jouer aux jeux vidéo dans le sous-sol de leurs parents, il est important de faire plus que sous-peser les conséquences économiques de la perte de main-d’œuvre. Nous devons considérer comment notre société n’a pas réussi à convaincre ces gens qu’il vaut la peine de faire un effort pour vivre dans ce monde.

Parce que si nous ne prenons pas un instant pour regarder le monde que nous créons et les possibilités que nous offrons à ceux qui le rejettent, le sous-sol dans lequel chaque génération descend pourrait être plus obscur que le précédent.

 

Version originale : Winning games, losing life

 

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