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L’Europe de Rick Steves : le lion, le lac et les ponts de Lucerne

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Couvert et orné de peintures, le pont de la Chapelle de Lucerne zigzague au-dessus de la Reuss.

Photo: Dominic Arizona Bonuccelli, Rick Steves’ Europe

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Durée de lecture: 7 Min.

Jolie, immaculée et lovée au bord d’un lac, avec en toile de fond un panorama montagneux spectaculaire, Lucerne demeure depuis longtemps la capitale touristique de la Suisse. Dès l’époque romantique, au XIXe siècle, la ville figurait déjà parmi les étapes incontournables du « Grand Tour » européen, attirant des personnalités telles que Mark Twain ou la reine Victoria. Aujourd’hui encore, avec sa vieille ville pittoresque, ses deux ponts de bois emblématiques, ses musées de renom, une salle de concert ultramoderne et son célèbre Lion mourant, elle continue de s’imposer dans tout itinéraire helvétique.

Pour qui n’a jamais mis les pieds en Suisse, Lucerne – que l’on écrit aussi Luzern – offre une séduisante impression de « je pourrais vivre ici », tant l’art de vivre urbain y paraît unique et typiquement helvétique. Des autobus ponctuels et silencieux sillonnent la cité, des passerelles piétonnes enjambent une rivière cristalline, tandis que les bateaux de croisière glissent avec élégance sur les eaux du lac des Quatre-Cantons.

Se promener simplement dans ses rues impeccables, traverser ses ponts ou embarquer pour une balade sur le lac suffit à faire le bonheur d’une journée. Mais la ville propose bien plus. Les amateurs d’art se pressent à la Collection Rosengart, riche en œuvres de Picasso ; les passionnés de mécanique trouvent leur bonheur au Musée suisse des transports ; quant aux férus de géologie, ils explorent avec enthousiasme le Jardin des glaciers.
Lucerne, des ponts chargés d’histoire et de symboles
Lucerne n’était à l’origine qu’un modeste village de pêcheurs installé sur la Reuss, là où la rivière s’échappe du lac des Quatre-Cantons. Dès le XIIIᵉ siècle, avec l’essor du trafic entre l’Europe du Nord et du Sud passant par le col du Gothard, la localité se transforme en un centre commercial animé. Cette effervescence entraîne la construction de deux ponts couverts en bois, devenus aujourd’hui les emblèmes de la ville.

Au XIVᵉ siècle, le Pont de la Chapelle (Kapellbrücke) est édifié de manière singulière : il traverse la rivière en biais afin de relier les fortifications de la cité. Sous sa charpente sont suspendues une centaine de peintures hautes en couleur datant du XVIIᵉ siècle, illustrant des scènes historiques et religieuses. On y trouve des vues de Lucerne vers 1400, des portraits de ses deux saints patrons, ainsi que l’étrange figure d’un géant légendaire. Ce dernier remonte au Moyen Âge, lorsque des habitants prirent des ossements de mammouth fraîchement découverts pour des restes humains.

L’autre pont emblématique, le Pont des Moulins (Spreuerbrücke), recèle lui aussi de précieuses peintures du XVIIᵉ siècle. Le fameux géant y réapparaît, encadré par les bannières bleu et blanc de la ville et du canton, placées sous le double aigle du Saint-Empire romain germanique — rappel du statut de cité libre accordé par l’empereur. À l’envers, le visiteur découvre le Jour du Jugement, une vision de la fin des temps, avec les âmes promises tantôt au paradis, tantôt à l’enfer.

Le Lion, les reflets du lac et l’audace contemporaine
Autre site emblématique de Lucerne, le Monument du Lion (Löwendenkmal) constitue une halte incontournable. Ne serait-ce que parce qu’une fois de retour chez soi, la question revient inévitablement : « As-tu vu le lion ? » Gratuit et accessible du lever au coucher du soleil, l’imposante sculpture – dix mètres de long pour six de haut – est directement taillée dans une paroi rocheuse, au-dessus d’un bassin qui ajoute au recueillement du lieu.

Malgré l’afflux régulier de groupes de touristes, un instant de calme ici émeut profondément. On y voit un lion majestueux, appuyé sur un bouclier, la tête penchée, des larmes roulant sur son mufle. Dans son flanc, le fragment d’une lance, qui l’achève lentement. Le sculpteur a subtilement aligné l’arme brisée aux stries de la roche, comme pour suggérer une pluie de projectiles s’abattant sur l’animal. Cette figure poignante rend hommage aux mercenaires suisses morts ou exécutés en défendant le roi de France pendant la Révolution française. Une inscription latine sculpte la mémoire : Helvetiorum fidei ac virtuti — « À la fidélité et au courage des Suisses ».

Mais Lucerne n’est pas seulement un musée à ciel ouvert. La ville affiche aussi une architecture contemporaine marquante, à l’image du Centre de culture et de congrès, imposant cube vitré coiffé d’un large toit plat qui surplombe le quai. L’eau du lac y circule littéralement : elle est pompée, acheminée à travers la structure, puis restituée plus loin. En longeant le bâtiment, on aperçoit ces canaux à ciel ouvert qui le traversent de part en part.

L’une des plus belles manières d’appréhender Lucerne reste toutefois le bateau. Le lac des Quatre-Cantons, avec ses 114 km², déploie à chaque recoin un nouveau cadrage de cimes déchiquetées et de collines verdoyantes, dont les reflets turquoise varient au gré de la lumière. Trente-cinq escales jalonnent ses lignes régulières : de la courte boucle d’une heure autour du « port » de Lucerne jusqu’à la croisière complète de six heures vers l’extrémité du lac. Certaines traversées se muent en dîners ou en circuits touristiques, mais la plupart fonctionnent à la manière d’un réseau de transport, permettant de débarquer, visiter, puis reprendre un autre bateau. Les esprits romantiques privilégieront les majestueux bateaux à aubes, témoins d’une autre époque.

Avec ses paysages théâtraux, ses ponts de bois pittoresques et son efficacité urbaine toute contemporaine, Lucerne s’impose comme l’un des joyaux de la Suisse. Nul séjour helvétique ne saurait être complet sans une immersion dans le charme citadin du pays — et Lucerne, à ce jeu, brille sans doute d’un éclat particulier.
Rick Steves (www.ricksteves.com) écrit des guides sur l'Europe, anime des émissions de voyage à la télévision et à la radio publiques et organise des voyages en Europe. Cet article est tiré de son nouveau livre, For the Love of Europe. Vous pouvez envoyer un courriel à Rick à l'adresse rick@ricksteves.com et suivre son blog sur Facebook. ©2022 Rick Steves. Distribué par Tribune Content Agency, LLC.

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