Une purge spectaculaire
Les neuf comprennent certains des officiers les plus haut placés de l’APL : le vice-président de la Commission militaire centrale (CMC) He Weidong, l’ancien chef du Département du travail politique de la CMC Miao Hua, ainsi que plusieurs ex-commandants de théâtre et chefs de corps, dont Lin Xiangyang du Commandement du théâtre Est, Wang Houbin de la Force des fusées et Wang Chunning de la Police armée populaire.
Selon le ministère de la Défense, ces officiers sont accusés de « violations disciplinaires » et de « crimes graves présumés liés à l’exercice de leurs fonctions ».
Cependant, les médias d’État chinois ont rapidement laissé entendre que l’affaire allait au‑delà. Le quotidien officiel de l’APL, le PLA Daily, a publié un éditorial reliant la purge au « legs toxique » de deux anciens vice‑présidents déchus de la CMC — Guo Boxiong et Xu Caihou — évincés de leurs fonctions il y a une décennie.
Si la corruption constitue l’accusation formelle, l’éditorial reproche aussi aux généraux d’avoir « trahi leur mission originelle », « perdu les principes du Parti » et « gravement miné la confiance du Parti et de la CMC ». Dans le langage politique chinois, il ne s’agit pas d’argent, mais de loyauté : qui, au sein de l’armée, suit encore Xi sans condition ?
Les hommes de Xi se seraient-ils retournés contre lui ?
La plupart de ces généraux ont été promus personnellement par Xi. Plusieurs ont servi au sein de l’ex‑31e Groupe d’armée, stationné au Fujian, où Xi a construit sa carrière politique initiale. Miao Hua et Lin Xiangyang ont même travaillé directement sous ses ordres durant cette période. D’autres, tels que He Weidong et Qin Shutong, ont eux aussi gravi les échelons au sein du 31e Groupe d’armée et ont longtemps été considérés comme les responsables militaires les plus loyaux à Xi.
Xi n’ayant pas de véritable expérience militaire, il s’est longtemps reposé sur la loyauté des généraux aujourd’hui purgés pour asseoir son contrôle sur l’APL. Dès lors, est-il logique que Xi purge ses propres protégés ?
Certains observateurs suggèrent qu’ils auraient formé des factions ou manifesté une loyauté insuffisante. Mais cela paraît peu probable. Dans le système du Parti communiste chinois (PCC), l’armée n’initie pas de coups d’État et suit strictement les ordres du Parti. De Mao Zedong à Xi Jinping, « le Parti commande au fusil » est une règle intangible.
Si ces généraux avaient réellement conspiré contre Xi, cela constituerait un défi sans précédent à son autorité. Or, au regard de leurs parcours et de leurs réseaux, ils avaient peu à gagner à se dresser contre l’homme qui leur avait tout donné.
Une épuration politique déguisée en anticorruption
Une explication plus plausible est que la purge reflète des luttes de pouvoir internes — voire que d’autres, au sein de l’appareil, s’emploient à démanteler le réseau militaire de Xi.
Autre hypothèse : si la corruption est réellement la cause, elle soulève un problème d’une autre nature. La corruption dans l’armée chinoise est depuis longtemps systémique, et la campagne anticorruption de Xi était censée y remédier. Si ses plus proches alliés sont désormais ceux qui chutent, cela suggère l’inverse : la concentration des pouvoirs entre les mains de Xi aurait simplement engendré de nouvelles formes de corruption, enracinées dans la loyauté personnelle et une autorité sans contrepoids.
La référence des médias d’État au « legs toxique » de Guo Boxiong et Xu Caihou est particulièrement révélatrice. Ces hommes ont été purgés il y a plus de dix ans, au début du mandat de Xi. Depuis, chaque opération anticorruption dans l’armée a été conduite sous sa houlette. Si, après plus d’une décennie de purges, des éléments « toxiques » subsistent, c’est que la campagne dite « anticorruption » de Xi a échoué.
La fin du mythe d’un PCC capable de « se réformer lui‑même »
Cet échec dépasse la question de la corruption. Il sape au cœur la prétention du PCC à « se réformer de l’intérieur ».
En 1945, lors d’une célèbre conversation avec le pédagogue Huang Yanpei, Mao Zedong affirmait que la démocratie était la clé pour briser le cycle dynastique d’ascension et de déclin qui a hanté l’histoire chinoise. Après la prise du pouvoir en 1949, toutefois, Mao remplaça cette idée par la « révolution permanente », qui culmina dans la Révolution culturelle, désastreuse et brutale.
La campagne anticorruption de Xi était, en somme, la dernière tentative du PCC de perpétuer le mythe de l’« auto‑réforme » — la croyance que le Parti peut se purifier sans contre‑pouvoirs externes ni limites institutionnelles.
Or, cette nouvelle purge montre que la corruption persiste ; elle semble réapparaître plus vite qu’elle ne peut être éradiquée. Si les personnes nommées par Xi commettent les mêmes soi‑disant crimes que leurs prédécesseurs, c’est que le problème tient principalement au système du PCC lui‑même, et non aux seules défaillances morales individuelles.
Le titre de Xi en tant que président de la Commission militaire centrale lui confère un contrôle absolu sur les forces armées. Si la moitié de ses plus hauts généraux se révèlent « corrompus » ou « déloyaux », cette responsabilité lui incombe pleinement. En centralisant l’autorité, Xi a assumé la totalité de la redevabilité et du risque. L’affirmation du PCC selon laquelle il peut se réformer lui‑même s’avère fausse, et son système apparaît irréparable.
Michael Zhuang a contribué à la rédaction de cet article.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.