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L’examen d’une règlementation tchèque par l’UE concernant les aliments importés pourrait créer un précédent pour l’accord UE-Mercosur

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Un employé du Service de santé espagnol utilise un appareil spécial pour mesurer la température lors d'une inspection de routine d'un conteneur de blancs de poulet en provenance du Brésil et destiné à l'Union européenne.

Photo: Jose Luis Roca/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 13 Min.

Dans le contexte des critiques visant l’accord UE‑Mercosur, un précédent pourrait encourager d’autres États à appliquer une mesure imposant des notifications préalables pour, entre autres, les produits d’origine animale et les pommes de terre.
Jeudi dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a examiné si le décret du ministère tchèque de l’Agriculture — qui oblige à aviser 24 heures à l’avance de l’arrivée de certains aliments à leur destination en République tchèque afin d’organiser une inspection sanitaire — viole le traité sur le fonctionnement de l’UE, qui protège la libre circulation des marchandises et le principe de reconnaissance mutuelle entre États membres. La décision sera déterminante : si le décret est jugé compatible, d’autres pays pourraient instaurer des notifications similaires pour planifier des contrôles sur des produits qu’ils jugent à risque sanitaire accru.

La réponse de la Cour fera jurisprudence pour l’ensemble de l’Union européenne

Selon la Commission européenne, à ce jour aucun État membre, en dehors de la République tchèque, n’applique une telle obligation. En pratique, la mesure concerne actuellement le transport de pommes, de pommes de terre (primeurs et de conservation), de graines de pavot, de compléments alimentaires et de certains aliments d’origine animale (avec des exceptions comme le collagène, le miel ou certains produits de la mer), qui peuvent provenir de pays tiers.
Une entreprise, Pragon, estime que le décret est disproportionné et contraire au droit européen. Après deux questions préjudicielles posées par la Cour suprême administrative tchèque (NSS) sur sa compatibilité avec le droit de l’UE et sans que les juridictions nationales n’aient tranché, l’affaire a été portée devant la CJUE à Luxembourg.
La société fait valoir que l’obligation de notifier les mouvements de marchandises en provenance d’autres États membres impose une charge inutile aux opérateurs.
Les déclarations doivent être transmises 24 heures avant la livraison des marchandises, sous peine d’une amende pouvant atteindre 10 millions de couronnes tchèques (environ 412.000 euros).
Pour Pragon, cette règle n’est pas conforme au principe de libre circulation des marchandises au sein du marché unique, consacré par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Le 19 septembre, avocats et représentants de la Commission européenne, de la République tchèque et de l’entreprise requérante ont défendu leurs positions devant une formation de six juges à Luxembourg.
Le droit de l’UE « empêche‑t‑il une réglementation nationale qui impose aux destinataires de compléments alimentaires d’un autre État membre une obligation générale de notifier, au moins 24 heures à l’avance, leur arrivée au lieu de destination et de fournir les informations requises […] ? », interrogeait la NSS à la Cour de justice.
L’Autorité d’inspection agricole et alimentaire de la République tchèque affirme que la législation est conforme au droit prioritaire de l’UE.
Le représentant du gouvernement tchèque devant la CJUE a défendu le décret, tandis que les représentants de la Commission européenne ont estimé que la mesure n’implique pas un niveau de sécurité alimentaire plus élevé dans la pratique.
La réponse de la Cour fera jurisprudence pour l’ensemble de l’Union européenne.
Le décret contesté est une norme du ministère de l’Agriculture relative aux obligations d’information du destinataire des denrées au lieu de destination. La déclaration se fait exclusivement en ligne et doit indiquer : l’expéditeur des marchandises, la catégorie de produits, le lieu et la date d’arrivée en République tchèque. Les denrées peuvent provenir de l’UE ou de pays tiers.

Des éleveurs espagnols réclament davantage de contrôle pour les produits en provenance de pays tiers

Le président de l’ASAJA Alicante, José Vicente Andreu, a déclaré à Epoch Times que « les frontières de l’Europe sont aujourd’hui une passoire pour des produits non autorisés et des ravageurs qui causent des dommages très graves, et qui sont aggravés par le changement climatique ».
« Ils arrivent par des frontières ouvertes, par des ports où il n’y a pas de contrôle », a affirmé M. Andreu, précisant qu’une fois à l’intérieur d’un pays européen, des produits de faible qualité circulent librement dans la région.
Pour y remédier, selon lui, « les ports recherchent davantage d’opérations et de rapidité ; or, pour un contrôle efficace, il faut imposer des quarantaines et ralentir, ce qui n’est pas fait ».
« La législation européenne n’agit pas directement sur les ports : ceux‑ci relèvent de la compétence des États membres. L’Europe fixe une norme, mais chaque pays décide de l’appliquer dans la zone portuaire ». En pratique, dit‑il, « c’est une passoire », car même si l’Espagne renforçait ses contrôles, « des agrumes arrivent à Rotterdam, au Portugal ou à Marseille et, en quelques heures, sont en Espagne par camion. Il en irait de même pour une orange du Brésil qui arrive avec son parasite, et ce serait une véritable catastrophe ».

Position de l’entreprise demanderesse

Lorsque l’avocat général a demandé si la société contestait uniquement la charge administrative pesant sur son secteur des compléments alimentaires ou le décret dans son ensemble, l’avocat de l’entreprise a répondu : « La norme nous gêne de manière arbitraire. La responsabilité incombe au fabricant ; s’il ne l’assumait pas et ne la garantissait pas, il ne pourrait pas se prévaloir du principe de libre circulation des marchandises ».
Pour Pragon, l’enjeu dépasse ses intérêts commerciaux et touche aux principes fondamentaux du fonctionnement de la libre circulation des marchandises dans l’Union. La règle « impose des obligations indirectes aux fournisseurs d’autres États membres lorsqu’ils livrent des produits sur le marché tchèque », et le délai légal de notification 24 heures avant l’arrivée « est souvent irréalisable sans restreindre la libre circulation des marchandises, car le transport depuis des États voisins peut, dans la pratique commerciale habituelle, s’effectuer en quelques heures, si bien que l’expédition doit être différée ».
Selon l’entreprise, l’obligation de remplir ces déclarations « interfère de manière inacceptable avec le calendrier de libre circulation des marchandises convenu contractuellement entre fournisseur, transporteur et client » et « porte ainsi atteinte directement à la libre circulation des marchandises sur le marché unique de l’UE ».
Pragon ajoute que si d’autres États membres mettaient en place des obligations d’information systématiques et exhaustives similaires, « il en résulterait une violation permanente du principe garanti de libre circulation des marchandises et, sur le marché des denrées alimentaires [compléments alimentaires], potentiellement une rupture irréversible du marché unique de l’UE ».

Position de la Commission européenne

Devant la Cour, le représentant de la Commission européenne a souligné que chaque État membre effectue des inspections et des analyses de risques auprès des entreprises qui produisent ou fournissent des denrées alimentaires et que divers systèmes existent pour partager l’information nécessaire. Il a donc jugé que le décret tchèque et l’obligation de transmission de déclarations « ne sont pas absolument nécessaires » et qu’ils sont contraires au principe de libre circulation des marchandises.
Le représentant a soutenu que les informations exigées pour l’inspection tchèque n’améliorent pas la sécurité alimentaire, mais servent seulement à faciliter l’organisation des contrôles. « D’autres États membres ne disposent pas de mesures similaires ».
Lors de ses observations finales, il a ajouté que « si tous les États membres adoptaient ce comportement, le mouvement des marchandises au sein de l’Union européenne serait considérablement perturbé ».
Il a évoqué plusieurs outils que l’inspection tchèque peut utiliser pour la détection précoce d’aliments défectueux ou l’analyse des risques : le réseau AC Net et les systèmes RASFF, AAC ou FFN.
La question relative au décret fait aussi l’objet d’une plainte déposée auprès de la Commission européenne (PDF), qui a ouvert une procédure (INFR 2016/4222) contre la République tchèque pour manquement au droit de l’UE. Le commissaire a déclaré que la Commission attend l’avis de la Cour de justice.

République tchèque : « il n’y a qu’une santé »

L’avocat représentant la République tchèque, J. Vláčil, a souligné en ouverture que « il n’y a qu’une santé » et que, pour cette raison, les entreprises doivent « supporter davantage d’inconvénients » et assumer le fardeau des déclarations exigées, qui, selon lui, constituent uniquement une « charge administrative marginale ».
M. Vláčil a indiqué que l’Inspection alimentaire avait identifié des secteurs considérés à risque, tels que la viande, les pommes de terre, les pommes, les graines de pavot ou les compléments alimentaires. C’est pourquoi les déclarations ne sont exigées que des entreprises important ce type de produits.

« Les déclarations nous permettent d’effectuer des contrôles sur la marchandise immédiatement après son arrivée en République tchèque, avant qu’elle ne soit mise sur le marché. »

— J. Vláčil, représentant de la République tchèque —

Selon l’avocat, les autorités tchèques ne peuvent savoir quelles marchandises ont été contrôlées dans les autres États membres et quelles marchandises ne l’ont pas été. Il a évoqué des cas d’envois de viandes contaminées par des salmonelles, des problèmes d’anabolisants dans des compléments alimentaires, la présence de métaux lourds ou des niveaux élevés de minéraux.
Tout cela, a plaidé le représentant, légitime la nécessité de surveiller le mouvement des marchandises par le biais des déclarations, qui permettent à l’inspection de planifier en temps utile des contrôles pouvant être réalisés dès l’arrivée des produits en République tchèque, avant leur mise sur le marché.

Quand la Cour statuera‑t‑elle ?

La formation rendra sa décision sous la forme d’une « question préjudicielle », un canal de coopération entre la CJUE et les juridictions nationales ; il ne s’agit pas d’un procès, mais d’une interprétation du droit.
L’avocat général de la Cour de justice devrait publier son avis en novembre et la Cour rendra sa décision sur la question préjudicielle en avril 2026.
Article publié initialement dans la version d’Epoch Times en langue tchèque sous le titre « Soudní dvůr EU posuzuje soulad české vyhlášky s evropským principem „volného pohybu zboží“ ».