L’OMS est appelée à déclarer une « urgence climatique et sanitaire » mondiale

Le débat sur le changement climatique doit désormais se transformer en une "crise climatique" accompagnée d'une "urgence sanitaire". C'est ce que demandent 13 scientifiques qui ont rédigé un appel à l'ONU, aux politiques et aux experts de la santé. Ils demandent à l'OMS de déclarer l'état d'urgence sanitaire mondial si possible avant son assemblée annuelle en mai 2024. L'appel a été publié par plus de 200 revues spécialisées

Par Reinhard Werner
9 novembre 2023 08:16 Mis à jour: 9 décembre 2023 08:21

Dans plus de 200 revues spécialisées dans le domaine de la santé, 13 scientifiques ont publié un appel fin octobre. Celui-ci s’adresse à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi qu’aux chefs d’État et de gouvernement et aux autorités sanitaires. L’appel porte sur le changement climatique. Étant donné que celui-ci a un impact considérable sur la santé humaine dans le monde entier, l’OMS devrait déclarer une « urgence sanitaire » mondiale.

L’appel à l’OMS pour un état d’urgence sanitaire a été lancé par le British Medical Journal

Le rédacteur en chef du BMJ (British Medical Journal), Kamran Abbasi, est à l’origine de cet appel. Il est motivé par l’Assemblée générale mondiale de l’OMS qui se tiendra à Genève en mai de l’année prochaine.

L’appel a été publié sous forme d’éditorial dans le BMJ lui-même, mais aussi dans « The Lancet« , JAMA, le « Dubai Medical Journal » et des revues médicales d’Inde et d’Afrique de l’Est. Les auteurs s’offusquent notamment du fait que le changement climatique et ses implications pour la santé ne soient pas discutés ensemble.

La 28e conférence mondiale sur le climat se déroule actuellement à Dubaï (Émirats arabes unis) du 30 novembre au 12 décembre 2023. Et l’année prochaine, la 16e conférence des parties de l’ONU sur la biodiversité sera au programme. La Turquie sera l’hôte de cette dernière. Les deux événements sont organisés par des organisations de l’ONU, mais concernent des domaines différents. Le texte stipule que les crises climatiques et naturelles doivent être déclarées comme une seule et même crise. Celle-ci doit être « abordée conjointement afin d’éviter une catastrophe ».

Quel est le rapport entre le changement climatique et la santé humaine ?

Le changement climatique serait donc autant la cause de dommages à la nature et à la biodiversité que de problèmes de santé publique. Les changements climatiques entraîneraient une hausse des températures, une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, mais aussi la pollution de l’air et la propagation de maladies infectieuses.

La pollution affecte la qualité de l’eau, favorise l’acidification des mers et augmente le nombre de maladies transmissibles. De plus, la qualité et la quantité des fruits de mer en souffrent. Les pays et les couches de population les plus pauvres sont les plus touchés.

Les conséquences de l’appauvrissement de la biodiversité sont perceptibles au quotidien

De manière générale, la perte de biodiversité détériore également la qualité de l’alimentation. Un autre effet négatif se manifeste également dans le développement de médicaments issus de substances actives naturelles.

Parallèlement, les changements dans l’utilisation des terres favorisent des contacts plus étroits entre des dizaines de milliers d’espèces, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela favorise l’échange d’agents pathogènes et, par conséquent, l’apparition de nouvelles maladies et pandémies.

Les scientifiques ont également dénoncé l’urbanisation croissante, qui empêche les gens de se connecter à la nature. Celle-ci pourrait pourtant réduire le stress, la solitude et la dépression. En outre, il manque de plus en plus de surfaces de base de qualité qui pourraient filtrer la pollution de l’air et faire baisser la température de l’air et du sol.

En décembre 2022, la conférence sur la biodiversité des États membres de l’ONU avait pris une décision sur la conservation effective des espaces naturels. Cette décision concerne au moins 30% des terres, des côtes et des océans de la planète d’ici 2030, mais les engagements sont restés distincts de ceux de la conférence sur le climat et ne sont souvent pas respectés.

Les experts de la santé « bénéficient d’une grande confiance de la part du public »

La déclaration d’une urgence sanitaire mondiale par l’OMS pourrait, ajoute-t-on, favoriser une harmonisation des différents processus de la Conférence mondiale sur le climat (également appelée Conference of the Parties, COP) qui se tient chaque année. Les conventions respectives devraient faire pression pour une meilleure intégration des plans nationaux sur le climat et la biodiversité. L’OMS devrait, dans la mesure du possible, déclarer l’état d’urgence sanitaire mondial avant son assemblée annuelle en mai 2024, selon l’appel.

L’intérêt de cette demande est notamment d’étayer l’urgence de la question par l’autorité d’experts de la santé. Ces derniers « jouissent d’une grande confiance de la part du public et ont un rôle central à jouer pour faire passer ce message important », explique Kamran Abbasi.

L’OMS n’a pas de souveraineté jusqu’à présent – le traité sur la pandémie pourrait changer la donne

Depuis 2005, l’OMS a la possibilité de déclarer des urgences sanitaires internationales. Plus de 190 pays membres avaient donné cette autorisation à la sous-organisation de l’ONU. Cette décision a été prise à la suite de l’épidémie de SRAS en 2002 et 2003 et de l’épidémie de grippe aviaire en 2004.

En cas d’urgence sanitaire internationale, l’OMS déclare une situation d’urgence sanitaire mondiale. Si tel est le cas, les pays membres ont surtout des obligations de notification et d’information. Ces obligations s’appliquent aussi bien entre eux qu’envers l’OMS elle-même.

Jusqu’à présent, l’OMS ne peut pas imposer d’obligations souveraines à ses pays membres. Cela pourrait changer avec le projet de traité de l’OMS sur les pandémies. Les critiques de l’accord prévu pour 2024 font remarquer que les changements apportés permettraient de remplacer les recommandations de l’OMS aux gouvernements des pays membres par des décisions ayant valeur de loi. Les constitutions nationales et les parlements démocratiques seraient ainsi mis à mal. On craint également que l’extension des pouvoirs de l’OMS ne restreigne la liberté d’expression.

Toutefois, des critiques s’élèvent contre le traité. Ce sont surtout les pays les plus pauvres qui ne veulent pas céder leur souveraineté.

La Bavière a introduit des dispositions d’urgence de grande portée en 2020

Plusieurs États ont fondé leurs dispositions relatives aux mesures de quarantaine, à la fermeture des frontières, aux avertissements aux voyageurs, aux mesures de sensibilisation ou à la vaccination sur les recommandations de l’OMS. Dans la loi bavaroise sur la protection contre les infections (BayIfSG) – limitée dans le temps – du 17 mars 2020, le ministre-président ou le ministre d’État compétent s’est vu accorder le droit de déclarer une « urgence sanitaire ».

Ce droit était certes limité dans l’espace et dans le temps, mais il était néanmoins lié à des autorisations souveraines de grande envergure. Les autorités pouvaient, si nécessaire, imposer des mesures pour garantir l’approvisionnement en matériel et les capacités en personnel. Ce droit s’étendait jusqu’aux confiscations et aux ordres de production donnés aux entreprises.

Les critiques de l’OMS lui reprochent de fournir aux États des justifications pour des mesures autoritaires sous le couvert de la protection de la santé, même en dehors de son propre pouvoir souverain. Les systèmes de crédit social pourraient également s’appuyer sur la pratique de recommandation d’institutions semblables à l’OMS.

Première urgence de santé publique mondiale déclarée en 2014 pour la polio

Jusqu’à présent, l’OMS avait parfois décrété des urgences sanitaires locales ou internationales. La plus connue était celle concernant la pandémie de la maladie de Corona, déclarée le 30 janvier 2020 et valable jusqu’en mai 2023.

L’organisation a également déclaré une urgence sanitaire mondiale en 2014 pour la poliomyélite. En raison de la faible importance de la maladie en Europe, cette décision n’a eu que peu de conséquences dans l’UE.

L’OMS a déclaré des urgences sanitaires régionales en 2009 pour la grippe porcine au Mexique et aux États-Unis, en 2014 en Afrique de l’Ouest pour l’Ebola, en 2016 pour le virus Zika en Amérique latine et en 2019 pour Ebola en République démocratique du Congo.

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