L’UE veut doubler la part d’énergies renouvelables d’ici à 2030, le nucléaire toujours écarté

Par Etienne Fauchaire
31 mars 2023 14:28 Mis à jour: 31 mars 2023 14:28

Un accord politique a été conclu ce jeudi par le Parlement européen, la Commission et les États membres de l’UE dans le cadre de la transition écologique et son objectif de réduction nette des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à l’horizon 2030. Celui-ci comprend un objectif juridiquement contraignant : « porter la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale de l’UE à 42,5% d’ici à 2030 ». Les États membres pourront bénéficier d’une réduction de 20% de l’hydrogène renouvelable en réduisant la part d’hydrogène fossile par le biais du recours à l’hydrogène bas carbone produit à partir du nucléaire. En revanche, l’énergie nucléaire reste considérée comme énergie non-renouvelable : une victoire pour ses détracteurs, dont son chef de file, l’Allemagne.

Approuvé jeudi après une longue nuit de négociations par les législateurs européens, cet accord risque de susciter une levée de boucliers au sein d’une partie de l’opinion publique en France.

Un objectif juridiquement contraignant

D’ici à la fin de la décennie, la part des renouvelables dans le mix énergétique européen devra doubler pour atteindre 42,5% de la consommation finale d’énergie contre environ 22% en Europe aujourd’hui (un peu plus de 19% en France). Un très net relèvement par rapport à l’objectif actuel de l’UE pour 2030 (32%).

Dans le cadre de son fameux Plan Vert, la Commission européenne souhaitait accroître la part des énergies renouvelables à 45%, les États membres à 40% : un compromis convenu entre les différents partis a donc été fixé à mi-chemin.

Avant d’avoir force de loi, le texte doit encore être officiellement ratifié par les deux colégislateurs de l’UE, à savoir le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Au regard de l’actuelle composition de l’hémicycle européen, il s’agira probablement d’une formalité.

Une reconnaissance de l’hydrogène issu du nucléaire, le nucléaire toujours classé énergie non-renouvelable

Outre cet objectif contraignant, le texte prévoit de faciliter les procédures d’autorisation pour les nouvelles centrales électriques exploitant des sources d’énergie renouvelables, comme les panneaux solaires ou les éoliennes.

L’accord fait aussi de la biomasse (bois brûlé pour produire de l’électricité) une source « 100% verte », a annoncé l’eurodéputé Markus Pieper (PPE), rapporteur du texte, au grand dam des ONG écologistes qui fustigent vivement cette « bioénergie ».

Troisième point : la nouvelle législation prévoit que tous les États membres dont la part d’hydrogène fossile, dit « gris », consommée est de moins de 23% en 2030 (et 20% en 2035), ont le droit de diminuer leurs obligations d’hydrogène renouvelable à hauteur de 20%.

En d’autres termes, l’hydrogène produit à partir du nucléaire pourra remplacer dans une certaine proportion l’hydrogène renouvelable.

Une ambition qui paraît difficilement atteignable : à ce jour, l’hydrogène en France est produit à 94% à partir d’énergies fossiles (gaz, charbon, hydrocarbures) avec un objectif de production d’hydrogène décarboné fixé à 10% pour l’année 2023.

Pascal Ranfin, eurodéputé macroniste et membre de Renew Europe, s’est néanmoins félicité sur Twitter ce jeudi d’une « reconnaissance spécifique du nucléaire qui n’est ni vert ni fossile ».

Pourtant, il s’agit bel et bien d’une victoire en demi-teinte : comme le souligne Les Échos, « les anti-nucléaires que sont l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg, le Portugal, ou encore l’Espagne peuvent être soulagés que le nucléaire n’ait pas été comptabilisé parmi les renouvelables. »

Von der Leyen, l’Allemagne et 10 autres États membres contre les intérêts nucléaires français

Pour répondre au plan « vert » américain de 400 milliards de dollars de subventions voté à la fin de l’année dernière, l’Inflation Reduction Act (IRA), la Commission européenne a dévoilé le 16 mars sa proposition de texte Net Zero Industry Act (NZIA) visant à ce que d’ici à 2030, 40% des besoins de l’UE pour développer ses technologies, comme des panneaux solaires, des électrolyseurs ou des turbines pour les éoliennes, soient couverts par des capacités industrielles européennes.

Un texte qui liste plusieurs technologies, dont le nucléaire, mais seulement… le « nouveau » nucléaire, c’est-à-dire les « technologies avancées pour produire de l’énergie à partir de nucléaire avec un minimum de déchets et les petits réacteurs modulaires ». En conséquence, le NZIA n’intègre pas l’atome existant que la France souhaite redévelopper.

De surcroît, le « nouveau » nucléaire ne figure dans le texte qu’en qualité de technologie « à émission nette » et non parmi les technologies « stratégiques » présentes dans l’annexe du document qui, elles, « bénéficieront d’un soutien particulier et seront soumises au critère de référence de production nationale de 40 % » en vue de promouvoir l’industrie européenne.

Le 23 mars, l’Élysée a donc demandé aux États membres de décider « une bonne fois pour toutes » si le nucléaire constituait un atout pour la décarbonation de l’industrie européenne.

Nouveau revers pour Paris : le même jour, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré que le nucléaire n’est pas « stratégique ».

Un problème pour la France à l’heure où l’Assemblée nationale a largement adopté en première lecture, le 21 mars, le projet de loi de relance du secteur nucléaire. Un plan qui comprend notamment la construction de six EPR, dont le coût est estimé à 51 milliards d’euros. Aussi, l’atome privé de subventions européennes, le contribuable français se retrouve alors à financer la transition verte des autres pays membres, sans que l’Hexagone ne bénéficie de fonds européens pour sa propre politique énergétique, en dépit des graves besoins de trésorerie d’EDF : la compagnie a enregistré une perte historique de 17,9 milliards d’euros en 2022.

Par ailleurs, la France est attaquée sur ce front par d’autres de ses voisins européens. Mardi dernier, onze pays de l’UE, dont l’Allemagne, ont formé une alliance dans l’intention d’empêcher la France et ses alliés de comptabiliser l’énergie nucléaire dans les objectifs d’énergies renouvelables de l’UE, faisant valoir un obstacle à l’expansion des technologies éoliennes et solaires. Pour Leonore Gewessler, ministre autrichienne de l’Énergie, reconnaître sur un pied d’égalité le nucléaire et les énergies renouvelables s’apparenterait ni plus ni moins à du greenwashing.

Au bout du compte, par cet accord conclu jeudi, c’est donc le « camp des renouvelables » qui l’emporte, ce au même moment où le sentiment pro-nucléaire connaît un essor depuis le début de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique qui s’est ensuivi. Selon une enquête d’opinion conduite par la fondation Robert Schuman publiée le 27 mars, la part de la population allemande qui se déclare favorable ou très favorable au nucléaire a fait un bond de 15 points pour atteindre 44%, quand le soutien à cette source d’énergie est majoritaire chez les Français comme chez les Anglais.

Une hausse constante de la part d’énergies renouvelables

L’objectif précédent de la part du renouvelable dans le bouquet énergétique européen avait été établi en juin 2018 à 32,5%. En juillet 2021, la Commission européenne avait plaidé pour élever ce taux à 40% dans son paquet climat « Fit for 55 » destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Suite au déclenchement de la guerre en Ukraine l’an dernier, elle avait de nouveau proposé une augmentation, cette fois-ci à 45% : une position adoubée par un vote à l’écrasante majorité du Parlement en septembre 2022. Au mois de juin 2022, les ministres de l’Énergie réunis au sein du Conseil de l’UE s’étaient précédemment accordés sur une augmentation de la part des énergies renouvelables à 40%.

En revanche, en décembre 2022, les États membres de l’UE, dont certains étaient sceptiques à propos de l’objectif des 45%, ne sont parvenus à se constituer en majorité que pour soutenir celui des 40%. Si la Pologne, épaulée par d’autres États membres d’Europe centrale et orientale, avait fait la demande de se limiter à ce taux, d’autres pays, comme l’Allemagne, l’Autriche et la Grèce, ont appelé à viser les 45 %, ralliant huit États membres à leur cause.

Par cet accord conclu ce jeudi, la poire a donc été coupée en deux. À quand la prochaine augmentation ?

C’est en tout cas le rêve des écologistes qui désirent un système énergétique basé à 100% sur les énergies renouvelables.

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