L’Ukraine dans l’oubli

20 janvier 2017 07:55 Mis à jour: 24 janvier 2017 02:24

On a souvent l’impression que le monde occidental n’arrive à se focaliser que sur un conflit à la fois.

Et on constate régulièrement qu’une nouvelle question émerge soudain et monopolise les médias. Nous avions « Miss Printemps arabe » en 2011 ; « Miss Crise des réfugiés » (à nouveau candidate) se partageait le titre avec « Miss Nucléaire iranien » en 2015 ; en 2016 « Miss Tensions en mer de Chine » était en compétition avec « Miss Nucléaire coréen » pour la place d’honneur. La gagnante d’aujourd’hui est sans nul doute « Miss Guerre civile en Syrie ». Où donc est passée notre favorite de l’année 2014, « Miss Ukraine » ?

Il semble que les Occidentaux aient placé « Miss Ukraine » dans la catégorie « trop compliquée ». Après s’être débattus avec la réalité brutale de l’annexion revancharde de la Crimée et après avoir en vain essayer de punir la Russie au moyen de chétives sanctions économiques, après s’être embourbés dans d’affligeantes résolutions durant d’interminables discussions internationales, il ne restait plus qu’à hausser les épaules et détourner son regard.

Prendre les mesures adéquates face à l’agression de Poutine aurait nécessité que l’OTAN se salisse les mains et envoie un nombre incalculable de soldats, mieux valait prendre ses jambes à son cou.

Toujours est-il que ce problème ne peut être relayé au second plan, car l’Ukraine se situe en plein cœur de l’Europe centrale et y constitue, avec ses 44, 5 millions d’habitants (Crimée incluse), le pays le plus important en termes de population.

Analyse rapide des impératifs : L’Ukraine est devenue indépendante après l’effondrement de l’URSS en 1990. Suite à quoi son économie s’est écroulée et la corruption bien implantée parmi les autorités continuait à prospérer. Malgré cela elle n’a cessé de chercher le soutien de l’UE et de l’OTAN.

Pourtant, en novembre 2013, le président Viktor Ianoukovitch, refuse soudain de signer l’accord d’association avec l’UE sur lequel on réfléchit depuis 2007, pour se rapprocher de la Russie. Les Ukrainiens expriment leur colère par une série de manifestations et d’émeutes (Euromaïdan) en février 2014. Finalement Ianoukovitch doit s’enfuir en Russie et Petro Poroshenko prend sa place. Il conserve son statut de président jusqu’à aujourd’hui.

Moscou intervient pour occuper la Crimée. Une action légitimée par un référendum risible en mars 2014 – dénoncé par l’Assemblée générale des Nations Unies comme étant parfaitement illégal (Poutine s’en moque, c’était prévisible).

Pendant ce temps la Russie continue à exercer une pression non assumée dans le pays en envoyant des soldats cagoulés et armés jusqu’aux dents en aide aux insurgés, que les Ukrainiens qualifieront ensuite (ironiquement) de « petits hommes verts ». L’armée russe nie, alors, avoir un lien quelconque avec eux. Ils envahissent les régions situées à l’est de l’Ukraine et aux rebelles prorusses de s’emparer du territoire en créant un « gouvernement » indépendant.

Depuis deux ans et demi les trêves et les cessez-le-feu se multiplient, il ne s’agit là que de pauses permettant de respirer un instant, de reprendre des forces (des deux côtés) pour mieux se battre à nouveau, en aucun cas on ne se dirige vers la paix. La plus récente trêve, fin décembre, vient d’être violée à la mi-janvier.

De leur coté, les Européens ont imposé des sanctions économiques qui semblent dérisoires et qui deviennent de plus en plus impopulaires, notamment en France, car l’idée de reprendre des échanges rentables avec Moscou est plus séduisante qu’un bras de fer inefficace (autre illustration d’un capitalisme qui n’hésite pas à faire entrer le loup dans la bergerie), et il est probable que le renouvellement des sanctions prévues pour mai soit suspendu.

Les dirigeants ukrainiens essayent quant à eux de se rapprocher de l’UE et de l’OTAN. Par exemple :

– En janvier 2016, l’Ukraine se joint à la Zone de Libre-Échange Approfondi et Complet (ZLEAC) avec l’Union européenne, afin de moderniser et de développer son économie, la gouvernance et l’État de droit aux critères de l’UE ;

– En mai 2016, le président Poroshenko signe un « Bulletin de défense stratégique ». On prévoit que d’ici à 2020 les entraînements, opérations et la doctrine de l’armée correspondent aux normes de l’OTAN.

Mais c’est surtout au monde occidental de faire des efforts, car cet esprit de représailles russe, où la Crimée n’est qu’un exemple parmi tant d’autres (plus proche géographiquement), continuera tant qu’il ne sera pas retenu.

  • Il faut que l’UE renouvèle ses sanctions en mai. Leurs effets sont discutables mais elles fonctionnent et Moscou préférerait sans aucun doute qu’elles soient levées ;
  • L’Occident doit continuer à mettre la pression sur Kiev pour que l’Ukraine entreprenne des réformes économiques et le nettoyage de la corruption au sein de son gouvernement. Seules de telles mesures sociales et politiques scelleront l’engagement du pays à tendre vers la démocratie ;
  • Il faut encourager l’armée ukrainienne à repousser les insurgés. En théorie, l’Ukraine a la deuxième plus grande armée d’Europe (seule l’armée russe est plus grande). D’autre part l’armée russe n’est plus l’Armée rouge des années 1980, prête à écraser ses adversaires avec une invasion de chars par la trouée de Fulda. Elle possède quelques unités de forces spéciales, mais il ne s’agit plus des formations blindées massives du passé. Un entraînement militaire supervisé par l’OTAN, pourrait au moins nettoyer l’Ukraine orientale des succédanés russes. La Crimée reste une autre question.

Les défis de l’Ukraine sont très clairs. Il faut surtout une réponse occidentale ferme pour soutenir un allié qui en est digne.

David T. Jones, haut responsable retraité du Service extérieur des États-Unis, a publié plusieurs centaines de livres, d’articles, de rapports et d’analyses sur les relations bilatérales entre les États-Unis et le Canada et sur la politique étrangère dans sa globalité. Au cours d’une carrière de plus de trente ans, il s’est spécialisé sur certaines problématiques politico-militaires et a servi de conseiller pour deux chefs d’État-major des armées des États-Unis.

Les avis exprimés dans cet article sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux d’Epoch Times.

Version originale : The Ukraine: A Forgotten Foreign Affairs ‘Pin Up’

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