Parler aux bébés, une clé dans le développement du langage

Par John Spencer, University of East Anglia
19 juin 2023 16:48 Mis à jour: 19 juin 2023 16:48

Le fait de parler à votre bébé ou à votre jeune enfant façonne la structure de son cerveau. C’est ce que montre une étude que nous avons menée, mes collègues et moi-même, et qui a été publiée dans The Journal of Neuroscience.

Pour la réaliser, nous avons recruté 163 enfants âgés de six mois ou 30 mois. Ces jeunes participants ont été équipés chacun d’un petit enregistreur audio dans un gilet spécialement conçu à cet effet pendant un à trois jours.

Nous avons enregistré toutes les données linguistiques qui leur parvenaient, quand les adultes leur parlaient, parlaient entre eux, ou que les enfants assistaient à des échanges entre leurs frères et sœurs. Au total, nous avons enregistré plus de 6200 heures de conversation.

Nous avons également étudié le développement du cerveau de ces enfants. A l’heure habituelle de leur coucher, ils se rendaient avec leur famille à l’hôpital le plus proche et étaient installés dans une « salle de sommeil ». Une fois qu’ils étaient endormis, l’équipe de recherche les transportait dans un appareil d’IRM.

L’enfant portait un casque anti-bruit et un chercheur le surveillait dans la pièce. Heureusement, la plupart des enfants ne se sont pas réveillés pendant les 40 minutes que durait l’examen.

Développement du cerveau enfantin

Les scanners cérébraux que nous avons réalisés se sont concentrés sur un élément appelé myéline, qui se développe autour des cellules nerveuses du cerveau, rendant plus efficace la communication entre celles-ci. Nous nous sommes particulièrement intéressés à la quantité de myéline dans les zones du cerveau associées au traitement du langage.

La question était de savoir si les enfants qui étaient plus confrontés au langage oral avaient plus de myéline dans les régions du cerveau traitant les langues, ce qui supposerait des capacités de traitement du langage plus sophistiquées.

Cette hypothèse a été confirmée : les enfants de 30 mois qui avaient entendu plus de mots prononcés par des adultes proches pendant la période d’enregistrement avaient plus de myéline dans les régions du cerveau liées au langage. Il est intéressant de noter que cette relation était assez spécifique, se manifestant dans les régions du cerveau liées au langage, mais pas dans d’autres régions impliquées par exemple dans le mouvement ou la sensation.

Pour échanger avec un tout-petit, appuyez-vous sur la situation présente. (Pexels)

Parler à son enfant, c’est donc littéralement façonner son cerveau.

Nous avons également constaté que les mots prononcés par les adultes ont une incidence sur les enfants de six mois, mais ici, la relation s’inverse : les enfants de six mois qui ont entendu plus de mots ont moins de myéline dans les régions du cerveau liées au langage.

Les raisons de cet effet ne sont pas encore claires. L’une des possibilités est que ce soit lié aux différences de développement du cerveau au cours des premières années de la vie. Au cours de la première année, le cerveau est occupé par la croissance de nouvelles cellules, de sorte que le fait d’entendre beaucoup de langage peut accélérer la croissance du cerveau. Les recherches suggèrent que cette croissance du cerveau peut en fait ralentir la formation de la myéline. À l’âge de deux ou trois ans, en revanche, le cerveau se concentre sur la croissance de la myéline, de sorte qu’une grande quantité d’informations entraîne une grande quantité de myéline.

Cela suggère que le fait d’entendre parler a autant d’importance à six mois qu’à 30 mois, mais que cela affecte le cerveau de manière différente parce qu’il en est à une autre étape de son développement.

Bavarder en continu avec un enfant de six mois – qui ne comprend clairement pas tout ce que vous lui dites – peut paraître étrange. Mais, petit à petit, heure par heure et jour par jour, tout cela se conjugue et finit par faire sens.

Comment s’y prendre pour parler aux tout-petits

Bien entendu, les bébés et les jeunes enfants peuvent être exposés à la parole de différentes manières : quand on leur lit des histoires, qu’on leur chante des chansons ou qu’on discute autour d’eux. Les parents peuvent se demander si certaines de ces situations ont plus de bénéfices que d’autres.

Il semblerait qu’au début de la vie d’un enfant, c’est la quantité des échanges qui compte beaucoup. Des recherches ont montré que les enfants élevés dans des environnements riches en langage peuvent avoir une longueur d’avance dans le développement du langage. Toutefois, cet avantage provient de conversations qui s’adressent directement à l’enfant, et non de celles qui se déroulent simplement autour de lui.

Mais à mesure que les enfants grandissent, la qualité peut prendre le dessus. Des « conversations » de qualité, où l’enfant et la personne qui s’occupe de lui se passent la parole, semblent être très utiles.

L’une des principales caractéristiques de ces conversations est qu’elles sont contingentes, c’est-à-dire que ce que vous faites et dites dépend de ce que fait l’enfant et vice versa. Ainsi, lorsque votre enfant montre un petit train, que vous dites « train ! » et que l’enfant dit « tchou tchou », vous réagissez l’un à l’autre de manière contingente. Il est prouvé que ces types d’interactions contingentes posent les bases de l’apprentissage du langage.

Un bon moyen d’entamer ces conversations est de remarquer ce à quoi votre enfant joue et d’y participer. Nommez les objets avec lesquels il joue, soulignez les couleurs et les formes, mimez les bruits. Tout cela l’aidera à maintenir son attention et à faire le lien entre les mots et les objets.

Parlez donc à votre enfant. Partez de ce qui l’intéresse. Jouez ensemble avec les mots. Vous pourrez ainsi l’aider à développer ses capacités linguistiques, tout en vous amusant.The Conversation

Article écrit par John Spencer, Professor in Psychology, University of East Anglia.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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