Pour « briser le silence », un rapport sur les violences de surveillants de prison contre les détenus

Par afp
3 juin 2019 04:00 Mis à jour: 12 juillet 2019 20:58

Quand les agressions, derrière les portes closes des prisons, sont le fait des surveillants : l’Observatoire international des prisons (OIP) publie lundi un rapport sur les violences commises sur les détenus et dénonce le règne de l’« omerta » et de l’« impunité ».

« À l’heure où les violences policières sont régulièrement pointées du doigt, rappelons qu’il est un autre espace, non public, où la légitimité de la violence étatique devrait être questionnée et où aucun débordement ne devrait être toléré : la prison », écrit Cécile Marcel, directrice de la section française de l’OIP.

L’association de défense des droits des détenus dénonce « un système qui permet à ces violences de se perpétuer, quand bien même elles resteraient le fait d’un petit nombre », « un système sur lequel repose une chape de plomb ».

Il a fallu douze mois pour réaliser cette enquête, qui s’appuie sur cent entretiens, la plupart sous couvert d’anonymat avec des détenus, des avocats, des surveillants, des directeurs de prison, des magistrats etc. Il n’existe, explique l’association, aucune donnée officielle, aucune statistique sur le sujet. Impossible donc de mesurer l’étendue de ces violences.

L’OIP a reçu près de 200 signalements en deux ans. Parmi eux : « Ce que je craignais le plus vient d’arriver. Les gardiens sont venus me tabasser, habillés en tenue d’intervention avec casques et boucliers ». Et encore : « Le premier soir au QD (quartier disciplinaire, ndlr), quand ils m’ont frappé, j’ai passé la nuit sans vêtement, sans sweat, rien. J’étais en caleçon sur le matelas, je n’avais ni drap ni couverture ». 

À la prison de Fleury-Mérogis, un surveillant était surnommé Tyson, « parce qu’il frappait comme le boxeur », a raconté une ancienne intervenante.

L’association se défend de nier les agressions subies par les surveillants : « le plus souvent, ces diverses violences s’auto-alimentent ». « Les violences recensées apparaissent dans un contexte de tension, à l’issue d’une altercation, en réponse à une agression ».

L’OIP a relevé des situations « intrinsèquement conflictuelles », comme les fouilles intégrales, à nu, « particulièrement intrusives et attentatoires à l’intimité et donc sources de tensions », ou les placements en cellule disciplinaire à l’issue d’incidents ou d’altercations.

Les détenus les plus vulnérables semblent particulièrement exposés. Figurent parmi eux, les étrangers ne parlant pas français et les personnes atteintes de troubles psychiques – « La parole du gars est déjà décrédibilisée, les surveillants savent qu’ils ne risquent pas grand chose », explique une ancienne intervenante juridique en détention. Les auteurs d’infractions à caractère sexuel seraient également visés.

Pour l’OIP, l’augmentation de la surpopulation carcérale, qui engendre une dégradation des conditions de détention, aggrave le phénomène.

L’association déplore « le secret » qui entoure ces violences. Les auteurs « multiplient les stratégies pour que celles-ci soient tues ». Les détenus, eux, préfèrent se taire « face aux risques de représailles ou de bouleversements dans le cadre de l’exécution de leur peine ». L’esprit de corps entre surveillants favoriserait également cette « omerta ».

« Les violences font très rarement l’objet d’enquêtes et encore plus de décisions de justice ». L’OIP cite un magistrat : « La parole d’un détenu sera toujours dévalorisée par rapport à la parole d’un surveillant ».

Dans la trentaine d’affaires recensées par l’OIP qui ont abouti à une condamnation depuis dix ans, les surveillants ont en majorité écopé de peines de prison avec sursis.

Pour plus de transparence, l’OIP demande, entre autres, la publication de données sur le nombre de poursuites et de condamnations de personnels pénitentiaires. Pour l’association, il faut par ailleurs permettre les saisines individuelles et confidentielles de l’inspection générale de la justice sur le modèle de l’IGPN, la police des polices.

Le directeur de l’administration pénitentiaire, Stéphane Bredin, souligne de son côté que « l’essentiel des violences en détention concerne les violences entre détenus (environ 8 000 cas par an) et celles contre les personnels (environ 4 500 cas) ». 

« J’ai fait introduire une formation spéciale au Code de déontologique » dans le socle commun de formation initiale des surveillants, a-t-il expliqué à l’agence France Presse (AFP).

Il rejette toute impunité, avant d’expliquer qu’il a lui-même dénoncé au parquet trois surveillants pour des violences à la maison d’arrêt de Strasbourg, fin 2018.

D. S avec AFP

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