La poursuite et le meurtre rituel des albinos augmentent au Malawi

10 juin 2016 07:30 Mis à jour: 9 juin 2016 20:54

Selon un rapport d’Amnesty International publié le 7 juin, le Malawi connaît une forte augmentation du lynchage et du meurtre de personnes atteintes d’albinisme. L’ONG en appelle aux autorités pour intensifier leurs efforts pour la protection des albinos.

Le rapport montre que les personnes atteintes d’albinisme sont tuées pour utiliser des parties de leurs corps lors de rituels. Selon Amnesty, les attaques contre les albinos ont augmenté aux cours des 2 dernières années. Quatre personnes et un bébé ont été tués pour le seul mois d’avril de cette année.

« La vague sans précédent d’attaques brutales contre les personnes atteintes d’albinisme a créé un climat de terreur pour ce groupe vulnérable et leurs familles qui vivent dans un état de peur omniprésent, » explique Deprose Muchena, directeur d’Amnesty International en Afrique.

« Les autorités malawites les ont lâchement abandonné, laissant cette population à la merci de bandes criminelles qui les pourchassent pour des parties de leurs corps »  déclare Muchena.
Depuis novembre 2014 au moins 18 personnes ont été tuées, tandis qu’au moins 5 autres ont été kidnappées et n’ont pas été retrouvées.

Les os de personnes atteintes d’albinisme sont vendus à des usages de médecine traditionnelle au Malawi et au Mozambique, selon Amnesty. Ils sont utilisés comme des charmes et des potions magiques dans la croyance qu’ils attirent l’argent et la bonne fortune. Les os des albinos passent aussi pour contenir de l’or.

Le nombre d’albinos tués pour des parties de leur corps est probablement plus élevé, comme de nombreux rituels secrets dans des zones rurales ne sont jamais signalés. Il n’y a également pas de documentation organisée sur les crimes contre les albinos, selon Amnesty.

Un enfant albinos assis entre ses parents dans la région d'autorité traditionnelle de Nkole, district de Machinga au Malawi, le 17 avril 2015. (Gianluigi Guercia/AFP/Getty Images)
Un enfant albinos assis entre ses parents dans la région d’autorité traditionnelle de Nkole, district de Machinga au Malawi, le 17 avril 2015. (Gianluigi Guercia/AFP/Getty Images)

Le rapport montre que les femmes et les enfants sont plus susceptibles d’être victimes des tueries. Parfois les expéditions sont organisés par des membres de la famille ou des proches.

En avril, une des tueries incluait un nourrisson qui a été pris à sa mère alors qu’ils dormaient chez eux. Des morceaux de son squelette, quelques dents et des habits ont été retrouvés quelques jours plus tard sur une colline proche. Cinq hommes, incluant le père de l’enfant, ont été arrêtés pour suspicion de meurtre, selon Amnesty.

Un autre cas implique une jeune femme de 21 ans qui a été trompée par un parent lui faisant croire qu’il lui avait trouvé un travail dans un autre district. Elle a été poignardé à la poitrine et démembrée. Son corps a été trouvé dans une tombe précaire par des fermiers en avril. Au moins 10 hommes ont été arrêtés, incluant son parent.

Ceux qui ont été enlevés sont toujours portés disparus, avec parmi eux un enfant de 2 ans qui a été pris à sa mère de nuit en janvier 2015.

« Nous sommes inquiets de ne pas savoir où est Iblah ou de savoir où se trouve sa tombe » raconte sa grande-tante. « Nous voulons que la vérité se sache. Cet enfant doit être le dernier à disparaître. »

Le rapport aborde également la question du pillage de tombes d’albinos. Au moins 39 cas d’exhumations illégales ont été rapportés aux autorités malawites. Amnesty pense que certains de ces cas pourraient être des assassinats et non pas juste des pillages de tombes. Les autorités ont enregistré au moins 69 cas de violences à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme depuis novembre 2014.

De même, Amnesty a trouvé que les services de police malawites manquent d’un entraînement adéquate et des compétences nécessaires pour enquêter sur des affaires impliquant des albinos. Ils sont aussi préoccupés par le fait que certains officiers de police partagent ces mêmes préjugés répandus dans la société malawite, les amenant à ne pas prendre au sérieux les affaires concernant des personnes atteintes d’albinisme.

Pendant ce temps, le procureur général a admis que les procureurs de police ne connaissent pas les lois appropriées sur les crimes contre les albinos.

Dorothy Mausen, une malawite de 22 ans, travaillant chez elle dans la région d'autorité traditionnelle de Nkole, district de Machinga au Malawi,  le 17 avril 2015. (Gianluigi Guercia/AFP/Getty Images)
Dorothy Mausen, une malawite de 22 ans, travaillant chez elle dans la région d’autorité traditionnelle de Nkole, district de Machinga au Malawi, le 17 avril 2015. (Gianluigi Guercia/AFP/Getty Images)

Au Malawi, il y a entre 7 000 et 10 000 personnes atteintes d’albinisme, beaucoup vivant dans la peur. Il est révélé dans le rapport que les albinos sont discriminés dans tout le pays, aussi bien par des abus verbaux que par l’exclusion des services publiques ou du système éducatif.

De nombreux albinos décèdent également de cancer de la peau en raison d’un manque d’accès aux ressources préventives comme la crème solaire ou au manque d’information sur la maladie.

Les femmes atteintes d’albinisme sont appelées « Machilitso », qui signifie « guérison », étant donné que beaucoup croient qu’avoir des rapports sexuels avec une albinos peut guérir du VIH.

« En grandissant je croyais que je pouvais tout faire. Je suis maintenant très prudente, » a dit une femme atteinte d’albinisme à Amnesty à propos de comment les attaques impactaient sa vie. « Je ne peux pas prendre un ascenseur avec des étrangers. Dans le passé je me déplaçais sans crainte. Après cinq heures du soir je dois rentrer chez moi. Je ne me sens pas en sécurité. »

Un homme albinos a déclaré à Amnesty : « Les gens me disent en face qu’ils vont me vendre. On m’a dit une fois que je valais un million de kwacha (environ 12 000 €). J’ai été attristé par les remarques qui me mettent une étiquette de prix. »

L’ONG a appelé à une meilleure réponse sur les violences à l’encontre des albinos.

« Le temps est venu pour le gouvernement du Malawi d’arrêter de mettre la tête dans le sable et de prétendre que le problème va disparaître, » dit Muchena. « La police a un devoir de protéger tout le monde contre le crime. Ne pas enquêter correctement sur les crimes contre les personnes atteintes d’albinisme entretient un climat d’impunité, un environnement dans lequel des tueries horribles peuvent continuer. »

Version originale : Surge in Albinos Targeted and Killed in Malawi for Rituals: Amnesty

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