Programme de stabilité 2023-2027: une trajectoire des finances publiques pleine d’invraisemblances

Par Victor Fouquet
20 mai 2023 09:02 Mis à jour: 20 mai 2023 09:02

Conformément au Pacte de stabilité et de croissance de 1997, la France a transmis à la Commission européenne, avant la fin du mois d’avril, son programme de stabilité présentant sa trajectoire des finances publiques pour les années 2023 à 2027. C’est opaque et (très) peu crédible.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) impose à l’exécutif de transmettre ce programme au Parlement au plus tard 15 jours avant sa présentation à Bruxelles. Or le débat n’a été inscrit à l’ordre du jour du Sénat et de l’Assemblée nationale qu’au mois de mai. C’est la deuxième année consécutive que la LOLF est ainsi bafouée, et c’est d’autant plus regrettable qu’elle a trait à l’essence même du Parlement et de la démocratie représentative : le vote de l’impôt et le contrôle de la dépense publique. À l’heure où l’Union européenne s’apprête à réformer ses règles de coordination budgétaire pour une entrée en vigueur en 2024, la désinvolture de ce procédé fragilise encore plus la France, car c’est peu dire que la trajectoire des finances publiques présentée à la Commission manque de crédibilité.

Aucun document ne permet de retracer les dépenses des différentes administrations publiques.

S’agissant du scénario de croissance, tout d’abord. Le Gouvernement maintient sa prévision présentée à l’automne dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP qui, rappelons-le, n’a pas été adopté par la représentation nationale) : 1,7% de croissance annuelle, alors que le consensus des économistes prévoit 1,4%. S’agissant du scénario de consommation, ensuite. Le Gouvernement mise sur un rebond de la consommation à un rythme de 1,6%, contre 1,1 % pour le Consensus Forecasts. S’agissant du déflateur du PIB, enfin. Le Gouvernement l’estime à 5,4% en 2023, alors que les conjoncturistes de la Banque de France et du FMI tablent, eux, sur 3%. L’écart par rapport au PLPFP est de près de deux points, soit 50 milliards d’euros de PIB pour 2023, et soit plus de 13 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Quels que soient les indicateurs, l’hypothèse macroéconomique retenue par le Gouvernement est toujours la plus optimiste, c’est-à-dire aussi la plus fragile…

Sur le volet recettes et sur la prévision d’évolution des prélèvements obligatoires, les baisses d’impôts récemment annoncées au profit des classes moyennes ne trouvent aucune traduction dans le programme de stabilité. Quant au volet dépenses, la cible pour 2027 présentée voici quelques mois seulement à l’occasion du PLPFP est déjà nettement revue à la hausse à hauteur de 30 milliards d’euros, dont 12 milliards au seul titre de la charge de la dette, qui deviendrait alors le premier poste de dépense du budget de l’État. L’augmentation des dépenses courantes serait en fin de compte de l’ordre de 18 milliards d’euros, sans que l’on sache à quelles politiques les crédits supplémentaires seraient affectés. En effet, aucun document accompagnant le programme de stabilité ne permet de retracer les dépenses des différentes administrations publiques. Et si la France parvenait malgré tout à repasser sous la barre des 3% de déficit à l’horizon 2027, ce serait au prix de, comme l’indique le programme de stabilité, l’excédent des collectivités territoriales de 0,5 point de PIB, scénario qui ne s’est jamais réalisé par le passé. Une opacité et un défaut de crédibilité qui ne sont pas de nature à rassurer nos partenaires européens ni nos prêteurs.

Article écrit par Victor Fouquet. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.

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