Quand l’État fait la manche, c’est peut-être pour nous voler

Par Jean-Philippe Delsol
7 avril 2020 16:40 Mis à jour: 7 avril 2020 16:40

L’État a mis en place un fonds de solidarité pour attribuer aux travailleurs indépendants et libéraux en difficulté une subvention de 1500€ susceptible d’être portée à 2 000€ dans certains cas.

Pour alimenter ce fonds à hauteur des 2 milliards estimés nécessaires, le ministre de l’Action publique fait appel à la générosité. « Je lance un grand appel à la solidarité nationale, dit-il. Beaucoup de particuliers ou d’entreprises nous demandent comment participer et nous aider. Tous ceux qui le souhaitent pourront le faire prochainement, via une plateforme de dons que nous allons mettre en ligne. Pour ceux qui le peuvent, notamment pour les entreprises dont l’activité continue ou qui sont le moins affectées, c’est une façon d’apporter leur contribution à l’effort de solidarité de la nation envers ceux qui sont dans les situations économiques les plus difficiles ».

De la même manière, les employés à domicile peuvent bénéficier d’une forme de chômage technique leur allouant 80% de leur salaire net.

Mais l’Urssaf incite elle-aussi à la solidarité en demandant à ceux qui le peuvent de maintenir la rémunération de leurs employés et de les déclarer normalement comme n’importe quel mois quand bien même ils n’auraient pas travaillé ou de compléter le salaire des salariés mis en chômage technique à hauteur des 20% de salaire restant qu’elle n’indemnise pas.

Mais attention : si vous déclarez et maintenez l’intégralité du salaire de votre salarié, vous n’êtes pas éligible à la prise en charge des heures non réalisées par votre salarié. Vous ne pouvez donc pas être remboursé des 80% que l’État aurait pris en charge si vous aviez mis votre salarié au chômage technique. Autrement dit, si vous complétez les 20% manquants, il faut que vous fassiez l’effort de la totalité ! Et vous supporterez les charges sociales sur la totalité ! La bêtise de l’administration est incommensurable !

L’idée de demander au contribuable une participation volontaire n’est pas nouvelle. Mais malgré les vœux de quelques doux utopistes, elle n’a jamais donné d’heureux résultats.

En octobre 1789 l’Assemblée constituante appela tous les habitants à verser une contribution extraordinaire et patriotique égale au quart de leurs revenus, en précisant que, « pleine de confiance dans les sentiments d’honneur de la nation française », il ne serait « fait aucune recherche ni inquisition pour découvrir si chacun a fourni une contribution conforme aux propositions ci-dessus indiquées ». Cette contribution fut un échec total. Au cours du XIXe siècle, l’appel aux dons patriotiques fut plusieurs fois renouvelé, en 1848, puis en 1871-1872 au moment de l’occupation du territoire par les troupes prussiennes. Les échecs se renouvelèrent aussi.

Une nouvelle tentative de contribution volontaire eut lieu en 1926 pour sauver l’État de ses dettes monstrueuses en considérant qu’un tel geste serait « conforme au génie même de la République ». Mais le génie était sans doute tari car la collecte fut négligeable, de moins de 1% des recettes fiscales de l’année 1927. Cette idée d’impôt volontaire ne sert souvent que la communication comme celle du maire de Terville en Moselle qui a imaginé en 2016 un impôt purement volontaire dans sa commune sans que celui-ci ait encore vu le jour.

Édouard Philippe a dit ce 2 avril que la relance de l’économie « ne passera pas par une augmentation des impôts ». Mais chacun sait que les promesses ne sont bonnes que pour ceux qui les reçoivent ! Après tant de dépenses publiques, si ça n’est pas demain, c’est après demain que la tentation fiscale reviendra sur la scène. Restons vigilants.

Docteur en droit et licencié ès lettres, Jean-Philippe Delsol est avocat au Barreau de Lyon spécialisé en droit des sociétés et fiscalité internationale. Fondateur du cabinet Delsol Avocats, il est Président de l’IREF.

Auteur de plusieurs livres, dont « A quoi servent les riches », il est un interlocuteur privilégié des médias sur les sujets touchant à la fiscalité, au patrimoine et à l’entreprise. Autres ouvrages publiés : Au risque de la Liberté (FX de Guibert, 2007), Pourquoi je vais quitter la France (Tatamis, 2013), Anti-Piketty (libréchange, 2015), L’Injustice fiscale (Desclée de Brouwer, 2016).

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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