Reconnaissance et indemnisation des maladies professionnelles : un parcours du combattant pour les victimes selon la Cour des Comptes

Paris le 16 février 2022, la façade de la Cour des Comptes.
Photo: STEPHANE DE SAKUTIN/AFP via Getty Images
La Cour des Comptes tire la sonnette d’alarme : le système français de reconnaissance et d’indemnisation des maladies professionnelles décourage les victimes et présente des failles importantes. Dans un rapport publié vendredi, l’institution pointe du doigt un dispositif labyrinthique qui peine à remplir sa mission.
« La complexité du dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles et les contraintes liées aux procédures n’en facilitent pas l’appropriation par les médecins et peuvent décourager de nombreuses victimes », tranche sans ambages la Cour des Comptes. Le constat est sévère : alors que l’Assurance maladie propose des indemnisations spécifiques pour les pathologies liées au travail, pouvant aller jusqu’à une rente viagère, le chemin pour y accéder ressemble à un véritable parcours d’obstacles.
Un système opaque qui dissuade une partie des malades
Les maladies concernées sont diverses : cancers provoqués par l’exposition à des substances toxiques, troubles musculo-squelettiques qui représentent la majorité des cas, ou encore affections psychosociales comme les burn-out, en constante augmentation. En 2023, plus de 85.000 maladies professionnelles ont été officiellement reconnues. Pourtant, ce chiffre ne reflète qu’une partie de la réalité, car ces pathologies restent massivement sous-déclarées.
Des démarches administratives lourdes et parfois absurdes
La lourdeur administrative constitue le premier obstacle majeur. Les victimes doivent rassembler une multitude de documents, sans possibilité de transmission numérique. Le comble de l’absurde ? Lorsqu’un patient souffre d’atteintes symétriques, par exemple aux deux épaules, il doit remplir deux fois le même questionnaire, tout comme ses employeurs successifs. La Cour des Comptes appelle donc à une simplification urgente et à la dématérialisation complète du processus.
Des tableaux de référence hétéroclites et lacunaires
La complexité s’aggrave avec l’existence d’un système « dual » particulièrement confus. En théorie, les maladies professionnelles devraient être indemnisées automatiquement lorsque la situation du patient correspond à un tableau préétabli. Ces tableaux, au nombre d’une centaine pour le régime général, détaillent la nature de la pathologie, les professions à risque et le délai entre le diagnostic et l’exposition. Si tous les critères sont réunis, le remboursement devrait être immédiat.
Mais voilà : ces tableaux sont hétéroclites, mal actualisés, et présentent des lacunes béantes. Les troubles psychosociaux, par exemple, n’ont tout simplement pas de tableau dédié. Pour pallier ces insuffisances, une procédure complémentaire existe depuis trois décennies, permettant à des médecins d’évaluer chaque situation individuellement.
Une justice à plusieurs vitesses
Cette procédure alternative est aujourd’hui « saturée », avec un délai moyen de traitement dépassant six mois. Mais le plus troublant reste les disparités territoriales flagrantes révélées par la Cour des Comptes. Selon votre région de résidence, vos chances d’obtenir une reconnaissance varient considérablement : en Bourgogne-Franche-Comté, moins d’un cinquième des dossiers complémentaires sont approuvés, tandis qu’en Bretagne, plus des deux tiers obtiennent un avis favorable.
Cette inégalité territoriale soulève de sérieuses questions sur l’équité du système et l’application homogène des critères d’évaluation sur l’ensemble du territoire national. Comment justifier de telles différences pour des situations médicales comparables ?
Face à ce constat accablant, la Cour des Comptes appelle à une refonte en profondeur du système pour le rendre plus accessible, plus rapide et plus juste envers les victimes de maladies professionnelles.
Avec AFP

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