Retour à Berratham En résonance avec l’actualité politique

19 octobre 2015 11:00 Mis à jour: 18 octobre 2015 23:35

Le théâtre de Chaillot présente jusqu’au 23 octobre la dernière création d’Angelin Preljocaj et de l’écrivain Laurent Mauvignier, Retour à Berratham, un spectacle bouleversant sur les souvenirs des guerres. Angelin Preljocaj nous offre là « une tragédie épique contemporaine » .

Retour à Berratham, créé pour la Cour d’honneur du Palais des papes au Festival d’Avignon, retourne dans les salles de théâtre.

Le texte de Laurent Mauvignier, écrit suite à une commande du chorégraphe, traite des blessures de l’après-guerre, des traces laissées par les conflits, sujets souvent négligés après la couverture média massive de l’éclat des bombes et du sifflement des balles.

Trois comédiens, une femme et deux hommes, lisent le texte alors que les danseurs l’interprètent en parallèle comme un écho.

Des mouvements en réponse aux mots

Dans Retour à Berratham, Angelin Preljocaj donne une vision pluridimensionnelle aux traces laissées par les conflits.

C’est l’histoire d’un jeune homme qui revient à Berratham après la guerre à la recherche de celle qu’il aime, Katja. Il ne reconnaît plus rien. Et en cherchant Katja, il se retourne sur son enfance, son passé. Ainsi la narration alterne passé et présent.

La transfiguration des êtres et des lieux est présente à travers les gestes, les corps et les mots. Comme des souvenirs qui viennent et reviennent, émergeant de la mémoire, toujours les mêmes et pas tout à fait les mêmes : avec des images et des pensées obsédantes, Preljocaj multiplie la résonance de ces fragments qui hantent la mémoire dans chaque scène, non seulement par le jeu des mots et des gestes mais également en clonant la même scène avec un décalage.

Le résultat est poignant. Les images banales qu’on voit à la télé et auxquelles nous sommes déjà devenus insensibles reprennent leur gravité. Hypnotisé par les scènes, le spectateur ne peut plus échapper aux événements, obligé de réfléchir, de vivre l’angoisse des autres.

L’histoire réaliste et crue est celle de toutes les guerres, des voyous des bas-fonds qui prennent le pouvoir et font la loi, des amours séparées, des terres brûlées, des exécutions, des viols. La souffrance et la terreur règnent, et malgré tout cela, la tentation de survivre et de se reconstruire.

Retour à Berratham n’est pas la première rencontre entre le chorégraphe et l’auteur. Poussé par la volonté d’explorer les mouvements humains tout autant que les mots, Angelin Preljocaj crée en 2012 Ce que j’appelle oubli d’après le récit de Mauvignier.

À la magnifique interprétation des danseurs et des comédiens à la fois puissante et lyrique, féroce et douce, s’ajoute la scénographie de l’artiste Adel Abdessemed, un plasticien présenté dans d’importantes collections internationales telles que le Centre Georges Pompidou à Paris, le musée d’Israël à Jérusalem, la Fondation François Pinault à Venise, ou encore la Fondation Yuz à Shanghai.

Une étoile en néon éteinte surplombe des barbelés, des voitures brûlées, des sacs-poubelle, des barreaux de prison parmi lesquels le jeune homme ère en quête de ses souvenirs et de son amour.

Des moments qui restent gravés dans la mémoire

Plusieurs moments forts marquent le spectacle : l’arrivée du jeune homme qui a échappé à la guerre rejeté par les siens dans la ville hanté par ses fantômes, le groupe de danseuses ressemblant à un chorus grec, le mariage forcé de Katja inspiré de traditions balkaniques avec une grande crinoline noire qu’on lui enlève peu à peu pour la laisser dans les barreaux de sa jupe ou plutôt de son mariage, les duels entre les hommes et surtout cette scène d’amour merveilleuse qui clôture l’histoire, de Katja et du jeune homme, avant la guerre.

Angelin Preljocaj a le don exceptionnel de faire jaillir de ses héroïnes – encore de nos jours – une tendresse étonnante et émouvante. Katja, farouche et sauvage dans son mariage, rappelant l’élue dans Le Sacre du Printemps, peut aussi être douce et fragile dans la scène d’amour jusqu’à nous faire monter les larmes aux yeux.

Les danseurs et les danseuses ont une présence forte et dégagent une rare beauté. Preljocaj nous présente dans Retour à Berratham une danse épurée, lyrique et puissante tout à la fois.

 

Infos pratiques

Retour à Berratham

Chorégraphie et mise en scène Angelin Preljocaj

Texte Laurent Mauvignier

Commande d’écriture Angelin Preljocaj

Scénographie Adel Abdessemed

Jusqu’au 23 octobre

Théâtre National de Chaillot

1 place du Trocadéro Paris 16e

01 53 65 30 00

Tarif plein : 39 €

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