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Tchéquie : Andrej Babis entame des consultations après sa victoire « historique » aux législatives

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Andrej Babis, donne une interview lors des élections législatives devant un bureau de vote à Ostrava, en République tchèque, le 3 octobre 2025.

Photo: STRINGER/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Le milliardaire Andrej Babis a marqué les esprits samedi en remportant haut la main les élections législatives tchèques. Avec 34,51% des suffrages, son parti Ano a décroché 80 sièges sur 200 au Parlement, un « résultat historique » selon ses propres mots.
À 71 ans, ce chef d’entreprise autoproclamé trumpiste savoure ce qu’il qualifie de « summum absolu » de sa trajectoire politique, lui qui avait perdu le pouvoir de justesse il y a quatre ans après avoir dirigé le pays entre 2017 et 2021.Dès dimanche, le président Petr Pavel, ancien chef des forces de l’Otan, entamera des consultations avec les différents dirigeants politiques pour tenter de démêler l’écheveau d’une situation complexe. Car si la victoire d’Andrej Babis est indéniable, elle ne lui ouvre pas automatiquement les portes de la chancellerie : il lui manque une majorité absolue pour gouverner seul.
La stratégie du gouvernement minoritaire
Face à cette arithmétique parlementaire délicate, Andrej Babis a déjà tracé sa feuille de route. Il entend former un exécutif monocolore, sans coalition formelle, en cherchant des soutiens ponctuels selon les dossiers. Cette approche audacieuse l’amène naturellement vers des partenaires controversés : le parti d’extrême droite SPD (7,78% des voix, 15 sièges) et la formation de droite « La Voix des automobilistes » (6,77%, 13 sièges).
Le chef d’Ano a d’emblée exclu toute collaboration avec la coalition sortante de centre-droit menée par Petr Fiala, qui termine à la deuxième place avec 23,36% des suffrages (52 sièges). Ce dernier a d’ailleurs renoncé à reconstituer son alliance gouvernementale, actant ainsi sa défaite. Les libéraux de Stan, partenaires de Fiala, complètent le podium avec 11,23% (22 sièges).
L’Ukraine au cœur des inquiétudes européennes
Le programme d’Andrej Babis fait déjà grincer des dents à Bruxelles et Kiev. Sa promesse de campagne est claire : privilégier les Tchèques en augmentant les prestations sociales et en révisant l’aide à l’Ukraine. Le milliardaire envisage notamment de réexaminer l’initiative tchèque de livraison d’obus d’artillerie à Kiev, bien qu’il assure vouloir « discuter » directement avec Volodymyr Zelensky si nécessaire.
Cette posture laisse craindre un alignement sur la Hongrie de Viktor Orban et la Slovaquie, deux pays qui entravent l’aide militaire à l’Ukraine et les sanctions contre Moscou. D’ailleurs, Orban n’a pas tardé à féliciter son allié, saluant sur X « une bonne nouvelle pour l’Europe ». Les deux hommes ont cofondé le groupe parlementaire eurosceptique « Patriotes pour l’Europe », rejoint par d’autres formations nationalistes du continent.
Toutefois, Andrej Babis tempère dans la soirée auprès des médias ukrainiens, affirmant que Prague continuera d’aider Kiev via l’Union européenne. « C’est la façon dont nous allons continuer », précise-t-il, rappelant avoir déjà rencontré Zelensky « trois fois ».
Entre pragmatisme et tentations eurosceptiques
Le discours européen de Babis oscille entre affirmations pro-occidentales et proximité avec les mouvements  souverainistes. « Nous sommes clairement pro-européens et pro-Otan », martèle-t-il, rejetant catégoriquement l’idée d’un référendum sur une sortie de l’UE réclamé par le SPD.
Cette ligne de crête interroge les observateurs. Josef Mlejnek, analyste à l’Université Charles de Prague, se veut rassurant : compte tenu des intérêts commerciaux d’Andrej Babis en Europe occidentale, il n’anticipe pas « un changement fondamental » de politique étrangère. Pour lui, le milliardaire reste avant tout « un homme d’affaires pragmatique » dont le seul objectif est de diriger le gouvernement.
Peter Just, de l’Université métropolitaine de Prague, se montre plus prudent, estimant qu' »il n’est pas certain que la rhétorique pro-occidentale restera longtemps ». Le président Pavel avait d’ailleurs rencontré Andrej Babis en début de semaine pour évoquer les risques de conflits d’intérêts liés à son empire chimique et alimentaire, alors que des poursuites pour fraude aux subventions européennes pèsent toujours sur lui.
Une vague politique qui traverse l’Europe
La victoire de Babis s’inscrit dans un mouvement plus large qui secoue le continent européen. Marine Le Pen, figure de proue du Rassemblement national français, n’a pas manqué de saluer ce résultat, affirmant que « partout en Europe, les partis patriotes sont appelés au pouvoir par les peuples ». Cette lecture commune des différentes formations patriotiques européennes témoigne d’une coordination croissante entre ces mouvements.
Le défi pour Andrej Babis sera désormais de transformer cette victoire électorale en gouvernement stable, tout en maintenant l’équilibre délicat entre ses engagements de campagne et les réalités géopolitiques et économiques qui lient la Tchéquie à l’Union européenne et à l’Otan. Les prochains jours de négociations avec le président Pavel seront déterminants pour l’avenir politique du pays.
Avec AFP