Une crise de l’eau abreuve la colère des Bulgares

Par Epoch Times avec AFP
29 janvier 2020 12:00 Mis à jour: 29 janvier 2020 14:56

Forcée à « vivre sans eau, au XXIe siècle, dans un pays de l’Union européenne », Yana Stoyanova ne vitupère pas contre le changement climatique mais accable la mauvaise gestion des pouvoirs publics qui met au régime sec quelque 100.000 habitants d’une cité bulgare.

Depuis trois mois, cette comptable de 36 ans et son mari technicien stockent l’eau dans des bidons et des seaux pour avoir des réserves lorsque les robinets s’arrêtent de couler, de 22h00 à 16h00 le lendemain.

Le couple et ses deux filles n’habitent pas dans une zone isolée de Bulgarie mais à une trentaine de kilomètres de Sofia, la capitale. Leur cité, Pernik, est au cœur d’une crise de l’eau qui exaspère la population du pays le plus pauvre de l’Union européenne.

Situé au pied du Mont Vitocha, le massif qui surplombe Sofia, le barrage de Stoudena est pratiquement vide. Rationnés depuis le mois de novembre, les 97.000 habitants de Pernik et plusieurs localités alentours n’ont accès que six heures par jour à une eau trouble et non potable.

-Des bouteilles d’eau minérale dans la cuisine d’Adelina Ivanova à Pernik, à environ 30 kilomètres de la capitale Sofia alors que plus de 97000 personnes dans la ville ont été soumises à un sévère rationnement de l’eau. Photo de NIKOLAY DOYCHINOV / AFP via Getty Images.

« Mauvaise gestion préméditée »

La pénurie de Pernik a provoqué une mini crise politique: début janvier, le ministre de l’Environnement Neno Dimov a été inculpé pour « mauvaise gestion préméditée » et contraint à la démission. Et le Premier ministre conservateur Boyko Borissov a fait face à  d’âpres débats parlementaires en surmontant mercredi une motion de censure.

Le parquet reproche au ministre démissionnaire d’avoir ignoré les alertes sur le niveau d’eau dans le barrage, d’une capacité de 20 millions de m3, et d’avoir renouvelé les autorisations permettant au groupe sidérurgique bulgare Stomana de s’y approvisionner.

Fief industriel déchu, Pernik a connu le sort des villes de l’ancien espace communiste qui ont vu leur tissu économique se déliter après 1989. L’usine Stomana reste le principal employeur de la commune.

« Victimes de négligence et corruption »

« Nous sommes victimes de négligence et corruption, pas du climat. Il y a trente ans une dizaine d’entreprises – aujourd’hui fermées – fonctionnaient, le niveau de l’eau était suivi au quotidien », et Pernik ne connaissait pas de pénurie, soupire Ivan Dragov, 67 ans, ancien ouvrier du réseau local de distribution d’eau.

L’ancienne maire de Pernik, battue aux élections d’octobre, est également mise en cause pour avoir refusé d’imposer le rationnement en pleine campagne municipale.

Samedi, plusieurs centaines d’habitants ont manifesté leur colère devant le siège du gouvernement à Sofia aux cris de « Démission! », « Assassins », « Mafia! ».

Dans la famille Stoyanov, tout le quotidien est bouleversé par le rationnement: « A notre retour du travail à 19h00, nous courons prendre une douche et tâchons de tout laver jusqu’à l’arrêt à 22h00 », explique Yana.

Elle encourage ses filles de 5 et 9 ans à apprendre l’anglais: « Elles n’ont pas d’avenir ici. Nous les préparons à quitter la Bulgarie dès qu’elles seront adultes », confie la comptable.

Doté d’un jerrican de 60 litres va à une source naturelle

Employé dans une station de service de Pernik, Slavi Gueorguiev, 28 ans, s’est pour sa part doté d’un jerrican à 60 litres qu’il remplit régulièrement à une source naturelle, à sept kilomètres de la ville.

Avec des précipitations de 25% inférieures à la moyenne en 2019, deuxième année la plus chaude dans le monde, la Bulgarie a également pâti de la situation climatique. L’hiver est plus sec que la normale.

La crise de Pernik a aussi mis en lumière l’usure des infrastructures de distribution en Bulgarie, qui laissent s’échapper environ 60% de l’eau avant qu’elle parvienne aux consommateurs. A Pernik, les pertes s’élèvent à 75% dans ces canalisations datant des années 1960-1970.

A cause de cette situation, 315.000 personnes dans ce pays de 7 millions d’habitants sont soumises à des restrictions d’eau régulières, surtout en été.

« Nous ne pouvons pas verser de l’argent dans un tonneau sans fonds », s’est agacé le nouveau ministre de l’Environnement, Emil Dimitrov.

Le gouvernement a promis que 900 millions d’euros seraient utilisés d’ici deux ans pour rénover les canalisations, un chantier évalué à 6 milliards d’euros au total.

Si rien n’est fait pour Pernik, il n’y aura plus d’eau en avril, ont averti les pouvoirs publics. Pour maintenir l’approvisionnement six heures par jour, le gouvernement prévoit de dérouter, via Sofia, de l’eau d’un autre barrage. Reste à installer à temps les 13 kilomètres de tuyaux de ce raccordement.

 

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