Vers un amour idéal: «L’amour meurt dans le temps»

Atteindre l'intérieur: ce que l'art traditionnel offre comme réflexion sur nous-mêmes

Par Eric Bess
14 juin 2022 21:00 Mis à jour: 14 juin 2022 22:22

Le mot « amour » est un terme que nous utilisons sans réserve. Nous sommes tous coupables de l’utiliser à tout‑va pour désigner des choses que nous apprécions tout au plus. Dès qu’un nouvel air entraînant passe à la radio, nous nous exclamons : « J’adore cette chanson ! » Traditionnellement, l’amour était considéré comme une chose éternelle, au‑delà de toute description. Des Grecs, par exemple, nous vient le concept de l’amour platonique, qui n’est en rien une basse passion mais s’oriente vers la contemplation de l’idéal. Avons‑nous perdu tout intérêt pour la compréhension d’un amour transcendant et idéal ?

Le tableau intitulé L’amour meurt dans le temps du peintre académique français Édouard Bernard Debat‑Ponsan, expose les malheurs qu’entraîne l’amalgame entre l’amour et la passion.

Dans un ovale, Édouard Debat‑Ponsan dépeint quatre personnages sur une barque. Éros s’appuie à l’extrême droite. Il couvre son visage avec son avant‑bras droit, en larmes peut‑être, dépité par la situation sûrement.

Devant Éros se trouve une jeune femme allongée, apparemment sans vie, qui représente l’amour mort. Elle a les mains croisées alors que ses cheveux et ses vêtements tombent dans l’eau.

Derrière la jeune femme, un jeune homme en détresse s’agrippe désespérément au passeur et le supplie de lui rendre son amour. Le passeur reste indifférent à ses supplications et accomplit son devoir, qui est de mener le bateau à destination.

Le passeur représente le Temps – Cronos, le père des heures, traditionnellement représenté comme un homme âgé avec des ailes – mais ce pourrait aussi être Charon, le passeur de l’Achéron (ou du Styx dans certains récits ultérieurs) qui mène les morts vers les enfers.

Quoi qu’il en soit, la représentation est explicite : l’amour meurt.

« L’amour meurt dans le temps », 1878, par Édouard Bernard Debat-Ponsan. Huile sur toile, 114,5 cm x 146 cm. Minneapolis Institute of Art. (Domaine public)

Vers un amour idéal

Le tableau montre un type spécifique d’amour en déperdition : l’amour passionné. La présence d’Éros-enfant fait allusion à ce type d’amour.

Dans la mythologie grecque, Éros (sous les traits d’un jeune adulte) était initialement une des cinq divinités primordiales. Représentant l’union non sexuée, il est à l’origine de la création de l’univers. Plus tard, apparaît le type de l’Éros‑enfant, dont le rôle est moins puissant. Globalement, il obéit aux autres divinités pour saboter les décrets du ciel et de la terre et condamner les dieux et hommes à d’incontrôlables passions.

Ici, l’Éros‑enfant symbolise la passion du jeune homme pour la jeune femme sans vie, son amour. Il souhaite qu’elle revienne, mais en vain.

Le jeune homme ne regarde pourtant pas du tout la femme sans vie. C’est au passeur qu’il s’accroche des deux bras. Il essaie de stopper le vieillard sombre dans son effort pour ramer.

En d’autres termes, il n’est pas vraiment préoccupé par le bien‑être de la femme, il est dans un combat contre le temps, remplit d’une colère pathétique.

Il n’est pas rare de faire l’amalgame entre l’« amour » et la passion, ce désir égocentrique et égoïste. Le partenaire n’est qu’un moyen, un objet, de satisfaction personnelle.

C’est ce que représente le tableau.

Le passeur représente la fin de la passion, éphémère, condamnée à disparaître, incapable par nature de s’ancrer dans la durée.

Le tableau nous invite à laisser tous les déboires de l’amour passionnel et à contempler l’amour idéal qui peut résister à l’épreuve du temps. N’est-il pas aussi subtilement question de lever les malentendus culturels sur cette question ?

L’art a la capacité incroyable de montrer ce qui ne peut être vu, afin que nous puissions nous interroger : « Qu’est-ce que cela signifie pour moi, pour les autres ? » « Comment cette œuvre a-t-elle influencé le passé et comment pourrait-elle influencer l’avenir ? » « Qu’est-ce que cela suggère à propos de l’expérience humaine ? » Voilà quelques-unes des questions explorées dans la série « Atteindre l’intérieur: ce que l’art traditionnel offre comme réflexion sur nous-mêmes ».

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