Walker Evans, le vernaculaire européen dans le cinéma américain

Par Epoch Times
1 juin 2017 09:05 Mis à jour: 1 avril 2021 19:17

L’œuvre de Walker Evans a inspiré la littérature, l’art et le cinéma américain sur plusieurs générations. On peut constater l’influence d’Evans chez les cinéastes, de John Ford en passant par Terrence Malick et Wim Wenders jusqu’à David Lynch et Jim Jarmusch, voire Wayne Wang chez qui l’on trouve aussi cette poésie du vernaculaire.

Pare Lorentz crée entre 1935 et 1937 deux documentaires, The Plow That Broke the Plains et The River, commandés par le Restettlement Administration, traitant la tragédie de l’homme face aux désastres.

Henry Fonda dans Les Raisins de la Colère (capture d’écran).

Le chef d’œuvre de John Ford produit par Zanuck The Grapse of Warth ( 1940) reprend le roman de John Steinbeck contant l’histoires des familles migrantes ayant subi les « Dust Bowl » ( tempêtes de poussière) en Oklahoma alors qu’ils faisaient route vers la Californie pendant la crise économique. Comme Evans et Lange, Ford montre le combat pour la dignité de ces gens qui ont tout perdu. La complexité des compositions, les profondeurs de champs et les gros plans octroient au film cette transcendance qui caractérise les œuvres d’Evans, brossant les portraits des humbles face à la tragédie moderne.

Terrence Malik dans Les Moissons du ciel (1978) utilise lui aussi ces images de l’Amérique : les champs de blé, les ciels changeants, les trivialités du quotidien. Malick pousse le lyrisme à une méditation mélancolique sur l’histoire de l’Amérique.

Les Moissons du ciel traite du monde de l’Amérique rurale. Cette transcendance du vernaculaire dont parle Evans existe pourtant également dans La ligne rouge (1998), où comme chez Evans le vernaculaire fait partie de la démarche artistique en brouillant les codes des films de guerre américain.

Quant à Wim Wenders, il porte lui aussi cette approche européenne dont Evans parle pour décrire l’Amérique : les longues routes, les stations services, les grands panneaux… sans parler de la réflexion sur la photographie et le cinéma qui est au cœur de ses films notamment dans Alice dans les villes (1974) et dans Paris Texas (1984).

Dans Corner of Felicity and Orange Streets de Walker, les personnes ne sont présentes que par allusion. L’image d’une absence qui constitue une présence comme elle apparaît dominante chez Wenders, et qu’on retrouve également chez Jim Jarmusch, mais aussi chez Wayne Wang dans Smoke (1995) quand le héros prend en photo le même coin de rues pour mesurer le temps qui passe. Wenders, Jarmush, Wang Walker et Atget laissent souvent la place à l’imaginaire du spectateur pour reconstituer ce qui n’est pas filmé.

Walker Evans, License Photo Studio, New York 1934 © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art. Photo : © The J. Paul Getty Museum, Los Angeles
Affiche de Smoke. William Hurt (à g.) et Harvey Keitel (à d.), en 1995.

Jim Jarmusch amène lui aussi ce point de vue européen dans le cinéma américain, dans la poésie qu’il confère aux espaces publiques et aux trivialités. La poésie de l’ordinaire est poussée chez Jarmusch jusqu’à une ode dans son dernier film Paterson 2016, un hommage à la Beat Génération – les enfants de la crise économique des années 30.

Jarmusch fasciné par la Beat Generation est inspiré par Robert Frank, disciple et protégé d’Evans qui a été inspiré lui-même par le Français Eugène Atget.

Rue des Prêtres Saint-Séverin, photo Eugène Atget.
Walker Evans Houses and Billboards in Atlanta 1936 © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art. Photo : © 2016. Digital Image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence

La liste est encore longue sans oublier David Lynch et son Interview Project dans lequel il donne voix aux visages anonymes de petites villes au bord des routes américaines, des rencontres qu’on trouve déjà dans son film Une histoire vraie (1999).

Walker Evans, Self-Portrait in Automated Photobooth, années 1930 ; © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art. Photo : © The Metropolitan Museum of Art

Walker Evans, Centre Pompidou
Expositions du 26 avril 2017 au 14 août 2017, de 11h à 21h ou de 11h à 23h
Nocturnes jusqu’à 23h tous les jeudis soirs.

Voir aussi : Walker Evans, le secret de la photographie. Entretien avec Leslie Katz, édition Établie par Anne Bertrand.

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