«Allô bonsoir»: l’escroquerie au faux conseiller bancaire décryptée au tribunal

Par Epoch Times avec AFP
1 avril 2023 11:40 Mis à jour: 1 avril 2023 16:49

« Oui allô bonsoir… je vous appelle concernant une alerte sur votre carte bleue ». L’enregistrement de la voix mielleuse de Rayan A. retentit dans la salle d’audience, et dans le box, le grand gaillard jugé pour escroquerie au faux conseiller bancaire n’en mène pas large. « Vous êtes très poli, très bien, très pro », lance, presque admiratif, le président Guillaume Daieff après l’audition des enregistrements.

Ils datent de septembre 2021, quand les policiers avaient placé des micros dans les chambres d’hôtels de luxe que cette bande de jeunes vingtenaires louaient pour « être tranquilles » afin de pratiquer ces escroqueries « au allô », une des nombreuses arnaques qui fleurissent sur internet. Tous avaient été arrêtés peu après. Ils sont aujourd’hui dix devant le tribunal de Paris pour leurs rôles – divers – dans cette affaire.

Comment fonctionne l’arnaque ?

L’arnaque consiste à acheter sur internet des fichiers clients (données personnelles et numéro de carte bancaire, date de validité, code à trois chiffres), puis à usurper grâce à la technique du « spoofing » le numéro d’appel de la banque, pour se faire passer pour des agents anti-fraude.

Comme le montre les enregistrements de Rayan A., les escrocs maîtrisent les codes et sont bien renseignés. Les victimes n’y voient que du feu, valident des achats en ligne, ou des transferts d’argent vers des comptes ouverts uniquement pour réceptionner les fonds, ensuite transférés ailleurs ou retirés en liquide dans des distributeurs.

Rayan A., 25 ans, cheveux noirs gominés retenus en chignon, petite barbe pointue, ne reconnaît que les escroqueries aux achats en ligne, à l’aide de son ami d’enfance Ulysse O., assis à côté dans le box. Sur les enregistrements, on entend ce dernier lister des potentielles victimes – « elle, tu l’as appelée ? » – ou le pousser à faire « un petit dernier allô » pour finir la soirée. « Je n’ai pas passé de coups de fils mais j’en ai fortement profité », a reconnu Ulysse O., pris dans le tourbillon de « la folie des grandeurs ». C’est lui qui « conseillait » sur les achats à faire. Tous deux insistent, il y a eu beaucoup de tentatives, mais aussi beaucoup d’« échecs ».

En perquisition, les enquêteurs ont retrouvé des sacs de voyage Louis Vuitton, des montres Rolex, des baskets Céline, des jeans Saint-Laurent, des sweat-shirts Dior et énormément d’iPhone dernier cri. Et les victimes, « comment vous choisissez ? », veut aussi savoir le tribunal. « Y a pas vraiment de tactique. La gamme de la carte, ça peut éclairer sur les plafonds de paiement », répond Rayan A., passé par un BTS en management et une école de commerce. « Les noms, la localisation des adresses, ça peut aider ? », pousse le président. « Tout à fait », valide le jeune homme avant d’ajouter : « Le reste, c’est vous et votre chance ».

700 victimes et un préjudice de 2,6 millions d’euros

Le préjudice total a été estimé par les banques à 2,6 millions d’euros. Environ 700 victimes ont été recensées pendant l’enquête, et quelques 150 se sont portées partie civile. Celles qui le souhaitent seront entendues vendredi prochain, mais au premier jour du procès la semaine dernière, l’une d’elle avait déjà affiché son désarroi à la barre. « Je me bats tout seul depuis 2021, ma banque c’est ‘courage, fuyons’ », avait expliqué cet homme vivant d’une pension adulte handicapé, qui a perdu « 4999 euros ». Comme c’est bien lui qui a validé les opérations, sa banque ne l’a pas remboursé.

Ulysse O. a dit avoir été touché par ce témoignage et présenté ses « excuses » aux victimes. « Vous avez honte ? », demande la procureure Fanny Caste à Rayan A., qui acquiesce. « Sans l’intervention de la police, vous en seriez où aujourd’hui ? », poursuit-elle. « Je pense que l’intervention de la police était nécessaire », répond Rayan A. À la fin de son interrogatoire, son avocate lui demande quels sont ses projets futurs. « Je sais utiliser ma parole pour vendre quelque chose », relève le jeune homme, provoquant des rires sur les bancs des avocats des parties civiles. « Pourquoi pas utiliser ça à l’avenir, mais dans quelque chose de recommandable cette fois ».

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