Permettre aux enfants de parler de la spiritualité à l’école ferait partie du processus naturel de développement

Par Nathalie Dieul
25 juin 2019 16:32 Mis à jour: 3 février 2023 15:43

La recherche suggère que la spiritualité peut être un processus naturel de développement – qu’est-ce que cela signifie pour les écoles laïques ?

« Je crois en la réincarnation parce que c’est tout simplement logique », s’est exclamé Jesse, 10 ans, au milieu d’un cours qui portait sur tout sauf la réincarnation.

Ce n’était pas la première fois qu’un de mes élèves abordait un sujet lié à la spiritualité ou à la religion. En fait, au cours de mes années d’enseignement, j’ai constaté que la plupart de mes élèves étaient à la fois curieux et désireux de discuter de ces sujets – une sorte d’énigme alors que les écoles les considèrent généralement comme des sujets tabous.

Il est toutefois intéressant de noter que les scientifiques commencent à constater que, tout comme le développement cognitif, physique et émotionnel, la spiritualité peut aussi être un processus de développement universel – ce qui, étant donné que l’enseignement est guidé par le développement de l’enfant, soulève la question suivante : la spiritualité peut-elle jouer un rôle dans l’éducation laïque ?

Qu’est-ce que la spiritualité ?

Avant d’aller plus loin, je tiens toutefois à reconnaître pleinement à quel point le sujet de la spiritualité dans l’éducation peut être source de divisions et s’avérer délicat à aborder pour des raisons très légitimes. C’est pourquoi j’approche le sujet sous un angle scientifique.

Pour commencer, il n’y a pas de consensus définitif entre les chercheurs au sujet de la séparation entre spiritualité et religiosité. Cependant, de manière générale, la spiritualité est considérée comme des croyances, des pratiques et des expériences qui façonnent et créent une façon de connaître et de vivre qui peut ou non s’inspirer de rituels, de traditions et de doctrines religieuses. Une personne hérite souvent de sa religion, mais fait le choix conscient de pratiquer la spiritualité en cherchant des réponses sur elle-même, l’univers et le sens de la vie.

Alors que de nombreux scientifiques suggèrent que la spiritualité est un processus de développement, ils ne s’entendent pas sur la façon dont ce processus se déroule. Certains suggèrent que nous sommes nés avec une capacité spirituelle qui est cultivée (ou non) à travers l’interaction avec les parents, les enseignants et/ou notre culture. D’autres pensent que le développement spirituel se fait par étapes à mesure que nous intégrons nos sentiments et nos actions à nos croyances.

Pour déterminer s’il existe un processus universel de développement de la spiritualité, le Search Institute – dirigé à l’époque par Peter Benson, expert en développement positif des jeunes – a collaboré avec des scientifiques du monde entier pour étudier les croyances et pratiques spirituelles et religieuses des jeunes. Le Search Institute a tiré sa définition de la spiritualité d’un article publié en 2003 dans la revue Applied Developmental Science :

« Le développement spirituel est le processus de croissance de la capacité humaine intrinsèque du dépassement de soi, dans lequel le moi est intégré dans quelque chose de plus grand que lui-même, y compris le sacré. C’est le ‘moteur’ du développement qui propulse la recherche de la connectivité, du sens, du but et de la contribution. Il est façonné à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des traditions, des croyances et des pratiques religieuses. »

Près de 7 000 personnes âgées de 12 à 25 ans, originaires d’Australie, du Cameroun, du Canada, de l’Inde, de la Thaïlande, de l’Ukraine, du Royaume-Uni et des États-Unis, ont participé à l’étude qui comprenait des sondages, des groupes de discussion et des entrevues en profondeur. L’échantillon représentait un large éventail de milieux scolaires et socioéconomiques et toutes les grandes religions, ainsi que le paganisme, le sikhisme, la spiritualité autochtone ou traditionnelle, l’athéisme, l’agnosticisme, d’autres religions ainsi que celles qui ne s’identifiaient pas comme des religions.

Ce qu’ils ont trouvé suggère fortement qu’il existe un processus de développement spirituel qui transcende les frontières de la culture et de la religion et qui n’exige pas nécessairement un engagement dans des pratiques religieuses.

Par exemple, environ 64 % des personnes de l’échantillon ont indiqué qu’ils poursuivaient activement leur développement spirituel sans adhérer fermement à un cheminement religieux – plus de la moitié ayant déclaré que leur identité spirituelle s’était développée au cours des deux dernières années. Leurs principaux moyens de croissance spirituelle consistaient à créer des relations positives par le biais de croyances et d’actions à caractère sociable (bonnes et utiles), à découvrir le sens de la vie, à pratiquer la pleine conscience et à aligner leurs actions sur leurs valeurs.

Les résultats suggèrent également que la majorité des jeunes seraient heureux d’avoir l’occasion d’explorer le sujet de la spiritualité dans un cadre sécuritaire, bienveillant et sans jugement.

Qu’est-ce que cela signifie pour l’enseignement ?

Nombreux sont ceux qui considèrent que le seul but de l’école est le développement cognitif. Pourtant, tout enseignant compétent vous dira que chaque élève est un « ensemble » de pensées, d’émotions, de croyances, de familles, de cultures, d’économies, etc. (et aussi, potentiellement, de spiritualité), qui influencent directement l’apprentissage d’un élève. Par exemple, la science a clairement déterminé que les aptitudes sociales et affectives d’un enfant ont une incidence sur sa réussite scolaire.

Alors voilà donc la question délicate : si la spiritualité est effectivement un processus de développement universel, de quelle manière les enseignants peuvent-ils tenir compte de ce processus dans leur classe où la séparation de l’Église et de l’État est primordiale ? Il est intéressant de noter que de nombreux enseignants le font probablement déjà – sans même s’en rendre compte.

Si nous utilisons la définition du développement spirituel donnée ci-dessus, alors les enseignants qui :

  • offrent à leurs élèves des expériences d’émerveillement à travers l’art, la musique, la nature ou l’étude de gens exceptionnels aident leurs élèves à se connecter à quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes ;
  • enseignent des compétences à caractère sociable comme la gratitude, la compassion, l’empathie, la pleine conscience et l’altruisme aident leurs élèves à développer des relations positives ;
  • relient le contenu de leurs cours à la vie des élèves et qui prennent le temps de connaître et de développer les intérêts et les passions de leurs élèves, les aident à développer une raison d’être et une finalité.
  • intègrent l’apprentissage par le bénévolat dans leur programme d’études donnent aux élèves l’occasion d’apporter une contribution valable à la société et de développer leur empathie et leur compassion pour les autres.

Comment parler de spiritualité avec les élèves ?

Mais qu’en est-il de la conclusion selon laquelle les jeunes sont profondément intéressés à discuter de spiritualité ? Lorsque les élèves abordent ces sujets, le fait de comprendre que la spiritualité peut être un facteur de développement peut aider les enseignants à réagir de manière respectueuse et à appuyer le processus de croissance des élèves.

Par exemple, une simple réponse à la nouvelle croyance de Jesse pourrait consister à lui demander d’abord comment il en est arrivé à cette conclusion, puis à valider sa façon de voir les grandes questions de la vie comme étant une chose positive et naturelle à l’instar de beaucoup de gens.

Un exemple plus formel est le programme Passageworks développé par feu Rachael Kessler. Après des années d’écoute des histoires et des questions des élèves, Mme Kessler a écrit dans son livre The Soul of Education (L’âme de l’éducation) que « certaines expériences, indépendamment des croyances religieuses ou de l’affiliation, ont eu un effet puissant sur le développement spirituel des jeunes ».

Ces expériences ont été vécues à travers les besoins de connexion, de silence, de sens, de joie, de transcendance (parfois mystique, mais aussi par le biais de disciplines artistiques, d’athlétisme, d’études ou de relations) et d’initiation à la prochaine étape de la vie des élèves. Passageworks aide les enseignants à créer un environnement de classe dans lequel les élèves se sentent en sécurité pour explorer ces besoins.

La spiritualité dans l’éducation est un domaine potentiellement controversé, et pourtant les récentes découvertes scientifiques sur le développement spirituel nous encouragent, à tout le moins, à nous poser la question : faut-il s’y intéresser ? Peut-être est-il pertinent de préciser qu’il n’existe aucune réponse définitive sur le sujet – seulement de grandes questions.

Par Vicki ZAKRZEWSKI, avec Greater Good Magazine

Vicki Zakrzewski, Ph.D., est directrice de l’éducation au Greater Good Science Center. Cet article a été publié pour la première fois dans le Greater Good Magazine en ligne.

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