«Ça nous a rappelé Samuel Paty»: une enseignante victime de diffamation après avoir montré une œuvre du XVIIe siècle à ses élèves

Par Emmanuelle Bourdy
12 décembre 2023 12:13 Mis à jour: 12 décembre 2023 17:46

Une enseignante de français a été victime de diffamation de la part de certains élèves pour avoir montré une œuvre du XVIIe siècle lors d’un cours sur l’art.

Dans le collège Jacques-Cartier à Issou (Yvelines), les professeurs ont décidé d’exercer leur droit de retrait ce vendredi 8 décembre, après que leur collègue de français a été diffamée. Cette dernière avait simplement montré une toile datant du XVIIe siècle, dans laquelle cinq femmes nues sont représentées.

« Quelques parents vindicatifs, qui préfèrent croire la parole de leurs enfants »

Après avoir vu l’œuvre de Giuseppe Cesari intitulée Diane et Actéon, ce jeudi 7 décembre, certains élèves de sixième ont été choqués et l’affaire a pris des proportions énormes, rapporte Actu.fr. Ces élèves ont détourné le regard, ne voulant pas voir la nudité des femmes représentées dans le tableau, cela allant à l’encontre de leurs convictions religieuses.

Étant avec leur professeure principale durant l’heure qui a suivi ce cours sur l’art, les élèves ont exprimé des « réactions extrêmement fortes », précisent nos confrères. Ils ont notamment accusé leur enseignante d’avoir tenu des propos racistes et d’avoir voulu mettre des élèves musulmans mal à l’aise en les interrogeant sur cette peinture. Il est ressorti de cette discussion qu’il s’agissait d’accusations infondées envers l’enseignante incriminée.

« Elle n’a jamais dit ça, mais le mal est fait. Nous avons affaire à quelques parents vindicatifs, qui préfèrent croire la parole de leurs enfants plutôt que la nôtre », a expliqué une enseignante, tout en appelant à « protéger » sa collègue.

« On a très peur pour notre collègue »

Cette affaire a de nouveau porté un coup au sein du corps enseignant. « On a très peur pour notre collègue, ça nous a rappelé Samuel Paty », s’est inquiété un professeur auprès de nos confrères. C’est pourquoi les enseignants ont décidé d’exercer leur droit de retrait ce vendredi 8 décembre. La veille, ils ont donc informé les parents et les élèves qu’aucun cours ne serait dispensé ce jour-là.

Il faut préciser que dans le collège Jacques-Cartier, qui compte 656 élèves, cet incident n’est pas le premier. Depuis la rentrée de septembre, au moins quatorze autres ont été relevés, dont des agressions, des atteintes à la laïcité, du racisme ainsi que des menaces de mort. En comparaison, sur l’ensemble de l’année scolaire précédente, seulement trois incidents avaient été relevés.

Le chef d’établissement tire la sonnette d’alarme

Et cette dénonciation calomnieuse s’inscrit dans une longue liste de faits de diffamation émanant d’élèves et de parents d’élèves, à l’encontre du personnel de l’établissement. Le 1er décembre dernier, le principal du collège a d’ailleurs fait mention de ceux-ci au directeur académique adjoint des services de l’Éducation nationale.

Actu.fr, qui a pris connaissance de ce courrier, précise que des membres du personnel ont été « accusés de propos injurieux, d’insultes et de menaces envers des élèves », et même « d’agression sexuelle ou encore de non-assistance à personne en danger ». La lettre fait aussi état de situations de mal-être des élèves, « qui explosent en raison d’insultes, de menaces, de violences physiques, de traitements dégradants ou humiliants ».

Elle alerte d’autre part sur les « remises en cause quotidiennes des pratiques pédagogiques, avec contestation de plus en plus systématique des réponses apportées et de la notation ». « La parole s’est libérée avec le sondage sur le harcèlement scolaire décidé par le ministre. Mais on n’a pas les moyens de gérer seuls ces situations, alors qu’il y a des urgences qui ont besoin de réponses immédiates », est-il encore mentionné dans la lettre, qui évoque même « un courrier de menaces de mort et de viol circulant entre élèves ».

Le 8 décembre dernier, le directeur académique adjoint des services de l’Éducation nationale n’avait toujours pas répondu à cette missive.

« On manque de tout »

« On manque de tout », se désole une enseignante, à bout. Le collège aurait besoin de personnel supplémentaire, notamment d’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), d’assistants d’éducation (AED), et d’au moins une conseillère principale d’éducation à plein temps, détaille-t-elle, ajoutant qu’il n’y a pas un seul jour sans qu’elle « retrouve une collègue en pleurs en salle des profs » et « pas un jour sans un acte d’incivilité ».

Une autre enseignante, qui a vu la situation se dégrader « à vitesse grand V », renchérit en pointant « le prof bashing », c’est-à-dire le fait de dénigrer de façon systématique les enseignants, ainsi que le discours parental prônant « l’enfant roi ». « On ne veut pas prendre nos élèves en otage, on les aime, mais on a vraiment besoin d’aide et de moyens supplémentaires pour faire face à cette situation », réclame-t-elle, car pour l’heure, le corps enseignant a vraiment l’impression « d’être abandonné par le rectorat ».

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