Chine antique : quand la musique et les rituels régulaient la société

23 novembre 2015 14:43 Mis à jour: 17 août 2016 18:46

L’une des toutes premières œuvres répertoriées de la littérature chinoise s’intitule le Classique de la Poésie. Il s’agit d’un recueil de paroles en prose et en vers que Confucius a rassemblé, à l’époque du début de la dynastie Zhou. Cet ouvrage vieux de 3000 ans fait partie des cinq ouvrages des plus grands savants de Chine.

Le premier poème,  Le Cri des balbuzards, décrit le mariage du premier souverain Zhou. Le roi Wen et la reine Tai Si se sont unis au son des flûtes, des tambours et de cloches, qui accompagnaient la célébration. Cette union était considérée comme relevant de la volonté de Shang Di, l’empereur du Ciel.

Confucius admirait la dynastie Zhou, au début de leur ère (1046-770 av. J.C.), pour leur capacité à gouverner avec vertu et pour sa culture qui exprimait la droiture, notamment dans le maintien des règles de politesse ou des convenances, aussi connus sous le nom li (禮) en chinois. Selon la conception chinoise traditionnelle, qui considère la famille (et non pas l’individu) comme l’unité de base de la société, la prospérité d’une maison royale ou impériale repose sur le mariage. Une légende chinoise raconte que le souverain et demi-dieu Fu Xi, reconnu aussi pour sa sagesse, avait fait naître une civilisation après avoir créé les rites du mariage.

Li (禮) fait référence aux rites, aux convenances, aux protocoles. Elle est la troisième des cinq vertus constantes enseignées par Confucius. Cette vertu est très présente dans la théorie de la musique chinoise, comme l’attestent les conversations écrites recueillies par les disciples de Confucius.

Les quatre autres vertus constantes, ou cardinales, sont (= bienveillance, altruisme), (= droiture, justice, équité), (= savoir, sagesse), et (= fidélité, loyauté). La particularité de li (禮) est qu’elle dirige la conduite humaine d’une manière beaucoup plus concrète, par rapport aux autres vertus cultivées dans une sphère plus abstraite.

Tout comme la piété filiale, li (禮) tire son origine de la vénération du ciel. Au début de la dynastie Zhou, et 500 ans avant Confucius, les Chinois vénéraient Shang Di, une divinité du ciel dont le nom a été traduit en Seigneur d’en Haut, et que les missionnaires chrétiens ont réduit à Dieu.

« Guider les gens à travers les rites et la musique »

Gravure datant d'une dynastie antique de Chine, représentant un ensemble exclusivement féminin pratiquant des instruments de musique traditionnels. (Domaine public)
Gravure datant d’une dynastie antique de Chine, représentant un ensemble exclusivement féminin pratiquant des instruments de musique traditionnels. (Domaine public)

Alors qu’en occident l’art du théâtre s’est développé à partir des fêtes données sous la Grèce antique en l’honneur des dieux, la musique et les convenances exprimées en Chine tirent leur origine dans les rituels religieux destinés à maintenir les liens entre le monde humain et le monde des dieux.

La musique a en effet une place centrale dans les rites religieux de la Chine pré-impériale, tout comme elle l’a été dans la culture populaire. Aujourd’hui, dans la langue vernaculaire moderne, le terme li (禮) est galvaudé et en est réduit aux bonnes manières. Cependant, dans la compréhension de l’époque antique, ce terme englobait tous les dieux du panthéon, dans lequel la musique avait sa place.

Sous la dynastie Zhou, les rituels et la musique se sont développés comme deux systèmes indépendants, tout en conservant le lien qui les unit.

Confucius a rassemblé les œuvres du Classique de la Poésie, dans l’espoir de transmettre ces paroles et de pouvoir enseigner indirectement à ses contemporains quelles étaient les traditions et modes de penser des souverains et du peuple Zhou. Par exemple, l’aristocratie Zhou se cultivait à travers la maîtrise des arts de scène, cela faisait partie de la vie de la haute société. Les enfants de la famille royale et de la noblesse devait étudier la musique et la danse classique dès leur plus jeune âge.

Confucius disait que les élites gouvernantes dirigeraient correctement le peuple en cultivant li (禮) et que cela réduirait le recours à des lois et à des politiques répressives. La musique, grâce à sa profondeur et à ce qu’elle fait éprouver d’indicible, pourrait être utilisée pour inculquer et renforcer naturellement les rites entre les gens.

Le mot liyue, qui signifie rites et musique, est un terme courant que l’on rencontre dans la canon confucéen. Cela reflète le rôle que chacun d’eux a joué pour obtenir une culture harmonieuse et équilibrée.

Matière à réflexion pour nos contemporains

Visionnaire pourrait-on dire, le Classique de la Poésie mettait déjà l’homme en garde : lorsque le peuple sera aveuglé par la richesse et l’appât du gain, il perdra sa compassion naturelle et il nourrira des pensées vénales de cruauté, de fraude et pire encore. C’était pour éviter cela que les rois de l’antiquité pratiquaient la musique et les rites, afin de réguler leurs émotions et ainsi cultiver leur cœur. « À travers les rites, la nature humaine est préservée, à travers la musique, l’harmonie est maintenue ».

Dans la Chine moderne, le parti unique d’État promeut l’idéologie communiste. C’est seulement sous le règne du Parti communiste que les trois écoles spirituelles du bouddhisme, du taoïsme et du confucianisme ont été persécutées en même temps. Encore aujourd’hui, au nom de « l’harmonie sociale » et du « maintien de la stabilité », la répression culturelle et spirituelle est renforcée par le déploiement d’agences de police, et justifiée par les porte-parole de la propagande du Parti communiste.

Le prix de cette répression est une banqueroute idéologique – l’identité athéiste et matérialiste du Parti rompt l’héritage de centaines d’années. En pensant aux rites et aux odes que Confucius a admiré, nous pouvons nous souvenir des mots de George Orwell, décrivant une « vitalité que le Parti ne partageait pas et qu’il n’a pas pu tuer ».

Comme on peut le lire dans le roman 1984 de l’auteur britannique : « Les oiseaux chantaient, les prolétaires chantaient, le Parti ne chantait pas ».

 

Version anglaise : Ancient China: When Society Was Regulated With Music and Ritual

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