La Chine met en garde contre l’éclatement de l’Europe

Par Anders Corr
27 avril 2022 17:00 Mis à jour: 27 avril 2022 19:26

Alors que le président russe Vladimir Poutine intensifie la guerre en Ukraine en l’accompagnant de menaces de guerre nucléaire et d’atrocités commises par ses troupes à Boutcha et dans d’autres endroits de l’Ukraine, la Chine poursuit son soutien diplomatique à la Russie en l’accompagnant d’avertissements d’un possible éclatement de l’Union européenne (UE).

Le 18 avril, le Global Times, journal officiel chinois réputé proche du pouvoir, a lancé cette idée sous la forme d’un « avertissement amical », et ce, après que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que les Ukrainiens étaient prêts à mener une guerre de dix ans contre la Russie. Une telle guerre, a mis en garde le plus nationaliste des porte-paroles de Pékin, pourrait conduire à l’éclatement de l’Europe et à son contrôle par les États-Unis.

« C’est exactement l’aide économique et militaire continue des États-Unis et de l’OTAN qui permet de prolonger le conflit militaire, encourageant l’Ukraine à mener une guerre de dix ans », affirme l’auteur anonyme du Global Times.

Après une « décennie sanglante » de guerre autour de l’Ukraine, « l’Europe, empêtrée dans une guerre, perdra complètement son autonomie en matière de sécurité et deviendra totalement dépendante du parapluie américain. Elle devra faire face à une crise décennale d’énergie, de nourriture, de réfugiés et d’inflation. Des troubles sociaux apparaîtront. Le bloc [UE] pourrait même éclater à cause de cette question ».

Après avoir annoncé le partenariat « sans limites » entre Pékin et Moscou, destiné à dissuader l’Occident, le régime chinois a récemment laissé entendre que les violences en Ukraine sont apparemment entièrement la faute de l’Amérique capitaliste maléfique et de ses chiens de garde de l’OTAN.

Le Parti communiste chinois (PCC) cherche ainsi à détourner le blâme et à utiliser des menaces et des tactiques d’intimidation contre l’Europe pour saboter sa réaction commune avec l’Amérique sur la question de l’Ukraine. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi.

Ensemble, les deux superpuissances démocratiques et leurs alliés comme le Japon et Taïwan constituent – du point de vue économique et de plus en plus aussi militaire – le meilleur espoir du monde libre pour s’opposer aux plans de Pékin et Moscou qui visent à s’étendre territorialement et à créer un « nouveau type » de relations internationales.

On peut voir, selon les exemples de l’Ukraine et du Xinjiang en Chine, que le « destin commun » envisagé par Pékin ne sera pas du gâteau. Au mieux, il s’agira d’un développement économique sous un contrôle totalitaire du type de celui qui crée en Chine des villes fantômes et des promoteurs immobiliers en défaut de paiement. Au pire, des génocides et des guerres civiles apparaîtront sur tous les continents, lorsque les citoyens de pays anciennement démocratiques résisteront au type de néocolonialisme que le PCC inflige aux Ouïghours du Xinjiang. La deuxième situation pourrait suivre la première. Nous devons tous nous réveiller pour éviter le risque que cela nous arrive.

À court terme, les stratèges de Pékin souhaitent que l’Union européenne cède aux exigences russes et fasse pression sur Zelensky pour qu’il concède le contrôle de toute l’Ukraine à Moscou. Cela renforcerait la crédibilité des menaces de Pékin envers Taïwan et rendrait l’unification forcée de cette île démocratique avec l’État-parti chinois plus probable et avec moins d’efforts.

Le dirigeant chinois Xi Jinping et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’entretiennent par le biais de vidéoconférence avec le président du Conseil européen et le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères lors du sommet UE-Chine au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles, le 1er avril 2022. (Olivier Matthys/POOL/AFP via Getty Images)

Cela enlèverait également une source majeure de gêne diplomatique au régime chinois, qui attire de plus en plus l’attention à cause de sa non-volonté de dénoncer les violences flagrantes de l’armée russe.

Toutefois, malgré l’avalanche de désinformation anti-ukrainienne, Moscou et Pékin ont mal estimé la fermeté de l’engagement de Bruxelles, de Washington et de Londres à soutenir l’Ukraine dans sa lutte contre l’invasion sanglante de Poutine. Nous ne sommes pas dupes.

Comme l’a noté Didi Tang dans le Times de Londres du 19 avril : « Pékin tente de semer la division en Occident en exploitant toute différence entre les politiques européenne et américaine de soutien à l’Ukraine. Pékin craint qu’un front uni ne nuise à ses ambitions… »

De plus en plus, des journalistes bien informés comme M. Tang parlent ouvertement de la stratégie de division et de conquête élaborée par Pékin pour atteindre l’hégémonie mondiale. Ce fait est bien encourageant, mais il est insuffisant pour arrêter le PCC.

Pékin prend des notes sur la situation en Ukraine et révise en conséquence ses plans d’invasion de Taïwan. Selon une source militaire chinoise citée par Nikkei Asian Review le 20 avril, les planificateurs militaires chinois prévoient d’envahir Taïwan dans un délai de sept jours – le temps qu’il faudrait aux marines américains stationnés à Okinawa pour obtenir la permission de Washington de débarquer et de soutenir militairement la démocratie insulaire. Pour dissuader l’Occident – étant donné la puissance démontrée des armes défensives occidentales utilisées contre les envahisseurs russes en Ukraine – Pékin accroît son arsenal nucléaire.

En d’autres termes, le PCC prévoit de menacer les pays occidentaux d’une guerre nucléaire afin de les empêcher de protéger Taïwan. La Russie fait actuellement allusion à une menace similaire, afin d’arrêter l’afflux de matériel militaire aux forces ukrainiennes.

Pékin et Moscou tentent donc d’utiliser leurs armes nucléaires non seulement comme une force de dissuasion, mais aussi comme une force de contrainte. Ils veulent contraindre les démocraties du monde entier à se plier à leur volonté. Et, si on leur en donne la moindre chance, ils le feront.

Tout cela pour dire que la démocratie – dont l’Amérique, l’Europe, le Japon et leurs pays alliés sont les plus grands défenseurs au monde – compte sur l’unité de ces pays et, plus encore, sur le maintien de la pression des sanctions économiques sur Moscou et sur des livraisons d’armes aux courageux défenseurs de l’Ukraine.

Mais pensons au-delà de la guerre actuelle. Après tout, le cas de l’Ukraine représente une leçon à tirer des conséquences de la dissuasion inadéquate à une invasion militaire. Les Ukrainiens finiront par gagner la guerre, mais seulement après avoir perdu d’innombrables vies et subi la destruction des dizaines de villes sous les bombes de Poutine.

Le maintien de la démocratie et de la liberté dépend d’une dissuasion efficace, et elle ne peut être garantie que par la force. La dissuasion dans le cas de Taïwan est actuellement inadéquate, ce qui invite l’invasion de Pékin. Pour prévenir cette triste éventualité et protéger la démocratie au niveau mondial, il faut donc renforcer la défense de Taïwan par la mise en place préventive de moyens défensifs efficaces et adéquats.

Dr Anders Corr est directeur de Corr Analytics Inc., éditeur du Journal of Political Risk. Il a effectué des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et il est l’auteur de The Concentration of Power (2021), de No Trespassing et a édité Great Powers, Grand Strategies.

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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