Une Ouïghoure demande à Emmanuel Macron de faire libérer sa mère persécutée en Chine

Par David Vives
9 février 2019 01:29 Mis à jour: 30 mars 2023 12:13

Quand elle était jeune, Gulhumar Haitiwaji rêvait de la France. Son rêve s’est réalisé le jour où elle a quitté la province chinoise du Xinjiang pour s’installer à Paris en 2004 avec ses parents et sa sœur.

« Dans la tête de la jeune fille de 14 ans que j’étais, la France, c’était la tour Eiffel, les belles femmes, les belles rues, les beaux immeubles. Quand je suis arrivée, j’étais très, très heureuse », raconte-t-elle.

La mère de Gulhumar a décidé de garder la nationalité chinoise pour rester en contact avec sa famille et son travail en Chine. Elle a également bénéficié d’un congé sans solde à l’usine où elle était ingénieure en mécanique. Bien qu’elle se soit rendue plusieurs fois en Chine au cours des dernières années, son mari et ses filles sont restés dans leur nouveau pays d’accueil.

Grandir en France a apporté plein de souvenirs joyeux à Gulhumar. Elle a appris le français en moins d’un an, a suivi un cursus régulier, et travaille maintenant dans une bijouterie de luxe. Mais quelques mois après son mariage en août 2016, sa vie a pris un tournant tragique.

Les parents de Gulhumar Haitawaji (photo de la famille Haitiwaji)

« Ma mère a reçu un appel de son ancien patron, en Chine. C’était un de nos amis. Il a dit que ma mère devait venir le voir pour signer des papiers qui lui permettraient de présenter une demande pour sa pension de retraite. La première fois, il n’en a parlé que brièvement au téléphone. Par la suite, il n’a pas arrêté d’appeler pendant toute une semaine. »

Gulhumar se souvient que sa mère avait un très mauvais pressentiment à ce sujet. Sa famille l’a convaincue d’aller en Chine, car elle pourrait se reposer après le mariage de sa fille, et elle a finalement décidé de prendre l’avion pour Pékin. Mais une fois arrivée, la police a confisqué son passeport. Elle a été arrêtée et placée dans une minuscule cellule pendant 24 heures, sans nourriture, sans eau ni même rien sur quoi s’assoir.

Quand on lui a permis d’appeler sa famille en France, se souvient Gulhumar, « sa voix tremblait. Elle a révélé que la police lui avait pris son passeport et qu’à son arrivée au bureau de son ancien patron, des policiers l’attendaient. C’était un piège depuis le début ».

La répression des Ouïghours vivant à l’étranger

Les Ouïghours sont une minorité ethnique principalement de confession musulmane sunnite qui vit dans le nord-ouest de la Chine depuis des millénaires. Depuis 1949, à la suite de l’arrivée au pouvoir en Chine du Parti communiste chinois (PCC), les Ouïgours sont victimes d’une violente répression de leur culture, de leur croyance et de leur langue, tout comme les Tibétains, les chrétiens et les pratiquants de Falun Gong. Dès le début, le PCC a utilisé le prétexte de la revendication de l’indépendance du Turkestan oriental, soutenue par l’Union soviétique, pour justifier sa répression contre le peuple ouïghour.

Voir aussi :

Uyghur Muslims Restricted in China, New Report Says (Les musulmans ouïghours sont soumis à des restrictions en Chine, affirme un nouveau rapport)
A Closer Look at ‘China’s Mandela’ : Mao Zedong Recognized Xinjiang Autonomy (Regardons de plus près la « Mandela de la Chine» : Mao Zedong reconnaît l’autonomie du Xinjiang)

Selon Gulhumar, au cours des derniers mois, il y a eu une vague d’arrestations d’Ouïghours vivant hors de Chine, et sa mère n’était qu’une victime parmi tant d’autres.

Au cours d’un entretien avec la police, Mme Gulbahar a découvert la raison de son arrestation. On lui a montré une photo de sa fille prise à Paris pendant une manifestation ouïghoure. Mme Gulbahar elle-même n’a jamais été impliquée dans des activités dissidentes.

« Ma mère pleurait au téléphone, disant que je n’aurais jamais dû aller à cette manifestation. Je me suis souvenue que j’avais tenu un bouquet de fleurs pour quelqu’un pendant quelques secondes seulement avant qu’on me le reprenne. Puis un photographe français a pris une photo avec ma permission, et la photo a été diffusée dans les médias sociaux. C’est ainsi que le Parti communiste chinois nous a finalement trouvés », se souvient Gulhumar.

A l’étranger, la répression du PCC vise, entre autres, à infiltrer les communautés ouïghoures et à intimider leurs membres.

Un camp de rééducation dans le Xinjiang, en Chine. (Tuwaedaniya Meringing /Getty Images)

« Le gouvernement chinois a vraiment peur lorsque vous devenez quelqu’un de bien, une personne éduquée ou si vous avez une croyance religieuse. Il essaie alors de vous persécuter. »

« Si vous lisez des livres, si vous avez de l’influence sur les gens, si vous dites quelque chose de bien lors d’un repas ou si vous essayez de sensibiliser les gens, c’est très dangereux. »

« Vous pouvez être sûrs que l’un de vos amis va vous dénoncer au Parti. Voilà à quel point le gouvernement chinois a peur de son propre peuple. »

« Je suis sûre qu’ils ont demandé à ma mère d’espionner pour la police chinoise. Je connais ma mère, c’est une femme très droite, elle n’a rien à se reprocher, alors elle a probablement refusé tout ce qu’ils lui auraient demandé de faire », a précisé Gulhumar.

Pendant des mois, Gulhumar n’a eu aucune nouvelle de sa mère. Elle a finalement appris qu’elle avait été envoyée dans un camp de rééducation. Sa tante lui donnait des nouvelles de temps en temps. Gulhumar a ajouté que sa tante lui avait expliqué : « Ta mère va bien, elle mange de la viande. »

Par rapport aux informations données par sa tante, Gulhumar Haitiwaji a déclaré : « C’est ridicule. Elle parle comme si un policier était assis à ses côtés et lui disait ce qu’elle doit dire. »

« Le 24 décembre, j’ai appelé ma tante, pour lui demander de souhaiter un bon anniversaire à ma mère. Elle m’a répondu : ‘Ta mère va bien. Je suis allée la voir et elle était en train de fêter.’ »

« C’est comme si ma mère était à l’école. Cela n’avait pas de sens. »

Faire appel au président de la République

Lorsque Gulhumar a demandé où était sa mère, elle n’a jamais eu de réponse. Sa tante n’arrêtait pas de lui parler au téléphone et elles n’ont pas pu avoir une conversation franche.

Gulhumar Haitiwaji a retrouvé un peu d’espoir en 2017, lorsqu’une Ouïghoure canadienne a été libérée d’un camp de prisonniers chinois. Gulhumar est allée lui parler, car elle était dans le même camp que sa mère et la connaissait. Tout comme sa mère, cette femme avait été arrêtée en 2016.

Mais son espoir a été anéanti. Le mari de cette femme a dit à Gulhumar qu’elle était devenue folle. Elle se parlait à elle-même et restait toute la journée debout à côté de la fenêtre en marmonnant les chants patriotiques chinois qu’elle avait été obligée d’apprendre par cœur.

Aujourd’hui, Gulhumar Haitiwaji n’a plus aucun contact avec sa famille dans le Xinjiang ni de nouvelles de sa mère. Elle s’inquiète de ce qui va se passer.

« C’est dur pour moi de penser à l’avenir. Mon mari et moi songeons à avoir un enfant, mais je ne peux pas imaginer notre avenir… si ma mère revient un jour et voit mes enfants, elle serait heureuse, mais ce serait un vrai choc pour elle… Je ne peux lui faire ça. »

« Par conséquent, depuis les deux dernières années, je travaille dur sans penser à rien d’autre. C’est si difficile », confie Gulhumar.

Gulhumar Haitiwaji a refusé de céder aux pressions des autorités chinoises en France et appelle constamment le ministère des Affaires étrangères à l’aider à libérer sa mère.

Elle a lancé une pétition en ligne, qui a été signée par plus de 436 800 personnes. Elle essaie maintenant de contacter Emmanuel Macron pour lui demander d’agir pour libérer sa mère.

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