La Chine change sa politique de l’enfant unique, mais cela changera t-il la Chine?

2 novembre 2015 13:51 Mis à jour: 13 novembre 2015 17:11

Le 29 octobre dernier, les hauts dirigeants de Chine ont achevé la Cinquième session plénière du Parti communiste chinois (PCC). Celle-ci devait tracer le chemin d’importantes réformes de l’économie chinoise, censées redresser et assurer le développement du pays pour les cinq prochaines années, et lui permettre de surmonter ses problèmes actuels.

Mais le résultat le plus notable de cette réunion de 4 jours consistait en l’annonce d’un changement qui prendrait au moins 20 ans à porter ses fruits dans la sphère économique – modifier la tristement célèbre politique de l’enfant unique en une politique de « deux enfants ».

« Après une décennie de politique de l’enfant unique, la Chine tourne la page », a posté sur Twitter (qui est interdit en Chine) l’agence du PCC Xinhua. « Tous les couples chinois seront autorisés à avoir deux enfants ».

Les médias d’État affirment que l’assouplissement du contrôle des naissances changera la démographie déséquilibrée de la Chine et améliorera sa situation économique à court et à long terme. Les médias officiels ont également défendu la politique du Parti dans le domaine du contrôle de la population.

Selon plusieurs experts, la politique de « deux enfants » n’amènerait que de légers changements démographiques et ne pourra pas altérer le ralentissement rapide de la croissance économique chinoise.

Les organisations des droits de l’homme soulignent que le PCC n’a pas desserré sa politique draconienne du contrôle de la population, et s’attendent à voir les violations des droits de l’homme dans le domaine de la fécondité se poursuivre.

 Des priorités confuses

Cheng Xiaonong, le PDG du Centre d’études chinoises modernes basé à Princeton, État de New Jersey, et ancien assistant de l’ex-Secrétaire général chinois Zhao Ziyang, trouve que le PCC mélange ses priorités.

« Actuellement, la Chine connaît sa pire récession économique depuis 1978 », a précisé M. Cheng dans une interview téléphonique. « Alors que le bateau est en train de couler, est-ce que le capitaine doit dire aux gens : faites l’amour et nous aurons plus de bébés ? Est-ce la bonne façon de sauver le bateau ? »

Selon Cheng Xiaonong, une telle annonce est bien préoccupante, surtout dans le contexte de la Cinquième session plénière où le Parti devait présenter un plan du redressement de la situation économique de la Chine. « Si la question des bébés devient une priorité, alors cela signifie que le gouvernement n’a pas réellement de choix adéquat et réalisable. C’est là le vrai danger. »

Selon les chiffres officiels, la croissance économique chinoise dans le troisième trimestre de 2015 était au niveau de 6,9%, en dessous de l’estimation annuelle de 7%. Cependant, certains analystes signalent que la performance économique chinoise est à son niveau le plus bas depuis des années – les récents chiffres de la banque Crédit Suisse indiquent un taux de croissance réel à un niveau légèrement au-dessus de 3%.

« Très faible et modeste »

Selon les médias d’État, la politique de « deux enfants » permettrait d’améliorer l’équilibre démographique de la Chine – marquée par le vieillissement rapide de la population et la prédominance des personnes de sexe masculin – et fournirait une solution pour les personnes âgées ayant besoin d’aide.

Selon les dernières données de l’Organisation des Nations Unies, la Chine a un taux de naissance de 1,55 enfant par couple. La moyenne mondiale est de 2,51, tandis qu’aux États-Unis, elle est de 1,89. En 2050, plus de 36% de la population de la Chine, estimée actuellement à environ 1,4 milliard, sera âgée de 60 ans et plus.

Selon le rapport de World DataBank, il y a actuellement 119 hommes pour 100 femmes en Chine. Toutefois, d’après Nicholas Eberstadt, économiste et démographe à l’American Enterprise Institute, la politique de « deux enfants » n’aura un effet économique et démographique que « très faible ».

  1. Eberstadt a ajouté que les pays voisins de la Chine qui ne pratiquent pas le contrôle des naissances, tels que Taiwan, Hong Kong et la Corée du Sud, ont déjà de très faibles niveaux de fécondité, et que le « dommage a déjà été fait ».

D’après cet expert, qui a beaucoup écrit sur les pays de l’Asie de l’Est et de l’ancienne Union soviétique, « on pourrait ne plus vouloir d’enfants en Chine » malgré l’assouplissement du contrôle des naissances. La raison : le taux de fécondité est très faible dans les villes et moins élevé que prévu dans les zones rurales. « Ironiquement, le gouvernement, en étant l’une des raison de cela, ne veut pas abandonner le contrôle de la population ».

William Wilson, ancien principal économiste d’Ernst & Young, arrive à une conclusion similaire. La politique du contrôle des naissances du PCC « ne fera pas beaucoup de différence », a-t-il déclaré dans un entretien téléphonique. Il pourrait y avoir une « augmentation marginale du taux de natalité, mais pas grand-chose ».

Pendant son séjour à Pékin en 2009-2012, William Wilson a constaté que « les jeunes cherchaient à se faire plaisir et ne voulaient pas avoir de grandes familles ». Aujourd’hui, les revenus sont encore bien limités et beaucoup de Chinois ne cherchent pas à avoir plus d’un enfant.

« Il est difficile d’avoir une place à la maternelle, il est difficile de s’inscrire à l’école et il est difficile d’obtenir des soins médicaux… Alors comment pourrions-nous être encouragés à procréer ? », a écrit un internaute de Sina Weibo, un site populaire de micro-blogging chinois.

Big Brother contrôle votre corps

Les organisations des droits de l’homme, qui avaient enquêté sur les atrocités infligées par la politique de l’enfant unique depuis son lancement dans les années 1980, ont résolument condamné cet ajustement introduit par le régime chinois dans ses mesures de contrôle de la population.

Pendant des années, la Commission nationale de la santé et de la planification des naissances du PCC a pratiqué avortements et stérilisations forcés sur les couples qui avaient plus d’un enfant. En raison de la préférence des Chinois pour un enfant de sexe masculin, l’infanticide des bébés de sexe féminin est de fait une pratique assez répandue, ce qui a entraîné l’actuel déséquilibre entre les sexes en Chine.

Cependant, le régime continue d’affirmer que le contrôle des naissances qu’il exerce sur le peuple est pour son bien. « L’objectif ultime du contrôle de la population est de permettre aux gens de vivre une vie meilleure, ainsi que de préserver efficacement les droits civils », écrivait Le Quotidien du peuple, porte-parole du Parti, dans son éditorial après l’annonce de la politique de « deux enfants ».

« Ce n’est pas l’affaire de l’État de réglementer le nombre d’enfants que les gens veulent avoir », a répliqué dans un communiqué de presse William Nee, expert sur la Chine à Amnesty International. « Si la Chine est sérieuse au sujet du respect des droits de l’homme, son gouvernement doit immédiatement mettre fin à ce genre de contrôle punitif imposé sur les décisions des gens d’avoir ou non des enfants. »

En outre, la politique de « deux enfants » n’empêchera pas les fonctionnaires de planification familiale de forcer les femmes enceintes à avorter si elles n’ont pas les documents les autorisant à mettre au monde.

« Les couples doivent toujours avoir un permis de naissance pour le premier et le deuxième enfant. Sinon, ils peuvent être soumis à l’avortement forcé », a souligné dans un e-mail Reggie Littlejohn, fondatrice et présidente de l’ONG internationale Droits des femmes sans frontières.

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