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La menace américaine de sanctions contre les partenaires commerciaux de la Russie suscite une réaction mitigée

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Un puits de pétrole appartenant à Yukos à Prirazlomnoye, à l'extérieur de Nefteyugansk, en Russie.

Photo: TATYANA MAKEYEVA/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Le président américain Donald Trump a durci sa position envers la Russie cette semaine, s’engageant à fournir à Kiev des équipements militaires « haut de gamme » qui seront payés par les alliés de Washington au sein de l’OTAN.
Le 14 juillet, il a également menacé d’imposer des droits de douane allant jusqu’à 10  % aux pays qui continuent de commercer avec la Russie – en particulier ceux qui achètent son pétrole – si Moscou ne parvient pas à accepter un cessez-le-feu avec l’Ukraine dans les 50 prochains jours.
« Aussi satisfaisant que puisse paraître le revirement de Donald Trump sur la Russie pour le reste du monde, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît », a déclaré à Epoch Times Julien Mathonnière, économiste des marchés pétroliers chez Energy Intelligence, basé aux États-Unis.
« Les droits de douane secondaires imposés aux pays dépendant des importations de pétrole russe pourraient coûter à la Russie près de 200 milliards de dollars de recettes, s’ils sont pleinement mis en œuvre et appliqués », a-t-il précisé. « Mais c’est un grand SI. »
Donald Trump, qui a été réélu grâce à ses promesses de mettre rapidement fin à la guerre en cours entre la Russie et l’Ukraine, a lancé son ultimatum lors d’une réunion le 14 juillet à Washington en présence du secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte.
S’adressant aux journalistes le lendemain, M. Rutte a averti que les pays qui continueraient à avoir des échanges commerciaux avec la Russie pourraient être frappés « très durement » si M. Trump mettait sa menace à exécution.
« Si vous vivez actuellement à Pékin ou à Delhi, ou si vous êtes président du Brésil, vous devriez peut-être vous pencher sur cette question, car elle pourrait vous toucher de plein fouet », a déclaré le chef de l’OTAN à l’issue d’une réunion avec des sénateurs américains.
« Veuillez téléphoner à Vladimir Poutine [le président russe] et lui dire qu’il doit sérieusement envisager les négociations de paix », a-t-il ajouté. « Sinon, cela se retournera massivement contre le Brésil, l’Inde et la Chine. »
Comme la Russie, les trois pays mentionnés par M. Rutte sont tous membres fondateurs du groupe des BRICS, la Chine et l’Inde représentant désormais les deux principaux importateurs de pétrole brut russe.
Le mois dernier, le Brésil était le troisième plus grand acheteur de produits pétroliers russes, derrière la Turquie et la Chine, selon le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur basé à Helsinki.
Sanctions secondaires
Depuis que la Russie a envahi l’est de l’Ukraine début 2022, les États-Unis et l’Union européenne ont imposé de multiples sanctions à la Russie et aux entreprises russes.
Le 18 juillet, les membres de l’UE ont convenu d’un 18paquet de sanctions, qui comprend des mesures punitives visant spécifiquement le secteur énergétique russe.
Bruxelles et Washington se sont toutefois abstenus, jusqu’à présent, d’imposer des sanctions aux pays tiers qui continuent de commercer avec la Russie.
Moscou a ainsi pu réaliser des centaines de milliards de dollars de recettes en vendant son pétrole à des acheteurs avec lesquels elle est en bons termes, la Chine et l’Inde étant en tête de liste.
« Malgré les sanctions, le pétrole russe n’a jamais quitté le marché », a déclaré à Epoch Times Carole Nakhle, fondatrice et PDG de Crystol Energy, une société de conseil basée au Royaume-Uni.
L’introduction de nouvelles sanctions contre la Russie, a-t-elle noté, « aura certainement des conséquences négatives pour l’économie [russe], mais elles ne la paralyseront pas ».
« La nouvelle série de sanctions pourrait décourager certains acheteurs, mais il est peu probable que d’autres soient dissuadés », a déclaré Mme Nakhle.
Si elle était mise en œuvre, l’imposition de droits de douane sur les principaux partenaires commerciaux de la Russie – une pratique appelée sanctions secondaires – constituerait un changement de politique important.
Le 15 juillet, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a minimisé la menace de Donald Trump d’imposer des sanctions secondaires si Moscou ne respectait pas le délai de cessez-le-feu de 50 jours.
« Le nombre de sanctions annoncées contre nous est déjà sans précédent », a-t-il indiqué dans des propos cités par l’agence de presse russe TASS. « Je suis convaincu que nous y parviendrons. »
M. Lavros a également ajouté que « des sanctions viennent d’être imposées par l’Union européenne […] et des tentatives sont faites pour impliquer les États-Unis dans cette affaire ».
Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump a parlé à Vladimir Poutine par téléphone à plusieurs reprises pour apaiser les relations et obtenir un cessez-le-feu.
Moscou a cependant jusqu’à présent résisté aux appels de Donald Trump en faveur d’une trêve inconditionnelle en Ukraine, où les forces russes continuent de progresser sur le champ de bataille.
S’adressant à TASS le 15 juillet, Malek Dudakov, un éminent commentateur politique russe, a déclaré que la menace de Donald Trump d’imposer des sanctions secondaires devrait être considérée en grande partie comme « une tentative de repousser la pression des ‘faucons’ de Washington ».
« Donald Trump essaiera d’utiliser cet élément comme un levier dans le processus de négociation, et rien de plus », a indiqué M. Dudakov à l’agence de presse.

Un panneau affiche le prix de l’essence à plus de 6 dollars le gallon dans une station-service d’Alhambra, en Californie, le 18 septembre 2023. (Frederic J. Brown/AFP via Getty Images)

Les marchés sont stables
Les marchés mondiaux, quant à eux, n’ont pas été perturbés par l’avertissement de Donald Trump à Moscou, les prix du pétrole ayant légèrement baissé immédiatement après l’annonce.
« Jusqu’à présent, les traders ont ignoré l’annonce en partant du principe que M. Trump change tout le temps d’avis », a précisé M. Mathonnière.
« Ils évoquent également le risque que cette politique se retourne contre les prix du pétrole, que le président Trump souhaite maintenir à un niveau bas. »
« L’élément clé à surveiller sera de savoir si les gros acheteurs – comme la Chine, l’Inde et la Turquie – envisageront d’augmenter leurs achats de brut russe et de produits pétroliers dans les semaines à venir pour aider à remplir les stocks dans le délai de 50 jours », a-t-il expliqué.
La Chine et l’Inde importent actuellement environ 2 millions de barils de pétrole brut russe par jour, selon M. Mathonnière, tandis que la Turquie importe environ 300.000 barils par jour.
« Et ils ont acheté à prix réduits », a-t-il souligné.
« Si vous les empêchez de le faire, ils devront acheter ailleurs et leur coût d’approvisionnement sera probablement plus élevé », a-t-il ajouté, « même après que l’OPEP-plus a augmenté l’offre plus rapidement que prévu ».
Créée en 2016, l’OPEP+ comprend les 12 membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), ainsi que 10 autres pays producteurs de pétrole, dont la Russie.
« Il faut également noter que la Chine ne se soucie peut-être pas vraiment des sanctions américaines et pourrait continuer à acheter du brut [russe], même si l’Inde et la Turquie ne le font pas », a indiqué M. Mathonnière.
« Cela signifierait que des volumes plus importants seraient disponibles pour la Chine avec une remise plus importante. »
Le 17 juillet, Hardeep Singh Puri, le ministre indien du pétrole, a rejeté la menace potentielle que représentent pour son pays les sanctions secondaires annoncées par Donald Trump.
« Je ne suis pas du tout inquiet », a déclaré M. Puri. « Si quelque chose arrive, nous nous en occuperons. »
« L’Inde a diversifié ses sources d’approvisionnement [énergétique] et nous sommes passés […] d’environ 27 pays auprès desquels nous achetions auparavant à environ 40 pays aujourd’hui. »
Selon un porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères, la stratégie d’approvisionnement énergétique de New Delhi est principalement guidée par ce qui est disponible sur le marché international et par les « circonstances mondiales dominantes ».
Avec Reuters