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L’accord qui devrait remanier le commerce et la géopolitique dans le Caucase du Sud

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Le président américain, Donald Trump (au c.), son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliyev (à g.) et le Premier ministre arménien, Nikol Pashinian (à dr.) montrent le texte de l’accord signé dans la salle Est de la Maison-Blanche, le 8 août 2025.

Photo: Andrew Harnik/Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

Le 8 août, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont signé une déclaration commune, soutenue par les États-Unis, qui vise à mettre fin à des décennies de conflit entre les deux pays du Caucase du Sud.
Accueillis par Donald Trump à la Maison-Blanche, le Premier ministre arménien, Nikol Pashinian, et le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, ont également signé un deuxième accord ouvrant la voie à un corridor de transit régional mis en place avec l’assistance des États-Unis.
Baptisé « Trump Route for International Peace and Prosperity – TRIPP » (La voie de Trump pour la paix et la prospérité internationales), ce corridor terrestre reliera l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan – l’enclave qui partage la frontière avec la Turquie et qui est séparée par l’Arménie du territoire principal de l’Azerbaïdjan.
Selon l’analyste géopolitique Ana Maria Evans, le tracé prévu « pourrait entraîner des changements géopolitiques, économiques et sécuritaires importants dans la région et bien au-delà ».
« Une route commerciale efficace entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie pourrait permettre aux deux pays de jouer un rôle de premier plan dans les chaînes d’approvisionnement mondiales », a expliqué à Epoch Times Mme Evans, professeure à l’université catholique portugaise à Lisbonne.
Mamuka Tsereteli, chercheur principal du Centre commun américano-suédois de l’Institut d’Asie centrale et du Caucase et du Programme d’études sur la Route de la soie, a noté que le TRIPP était susceptible de créer des opportunités à long terme « pour une connectivité libre et ouverte entre la Grande Asie centrale, l’Europe et la Méditerranée via le Caucase du Sud ».
S’adressant aux journalistes lors de la cérémonie de signature, Donald Trump a décrit le corridor prévu comme « une zone de transit spéciale qui permettra à l’Azerbaïdjan d’avoir pleinement accès à son territoire du Nakhitchevan en respectant complètement la souveraineté de l’Arménie ».
Il a ajouté que l’Arménie « créait également un partenariat exclusif avec les États-Unis pour développer ce corridor, qui pourrait s’étendre sur une période allant jusqu’à 99 ans ».
« Nous prévoyons un développement important des infrastructures par les entreprises américaines », a poursuivi M. Trump. « Elles sont bien impatientes d’aller dans ces deux pays. »
Peu avant la signature des accords, un haut responsable de la Maison-Blanche a déclaré aux journalistes qu’un consortium serait probablement chargé de gérer les infrastructures et l’administration du TRIPP.
M. Tsereteli a précisé à Epoch Times que l’accord sur le corridor était un cadre général et que « de nombreux détails restaient à régler ».
Il a néanmoins décrit le rôle des États-Unis dans le projet de transit comme une « avancée géopolitique » qui établirait une « présence américaine à long terme dans la région ».
Toutefois, a-t-il ajouté, « la participation des États-Unis dans le projet doit encore être clarifiée ».
Stimuler le commerce
L’idée d’un corridor terrestre reliant l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan via l’Arménie a été évoquée de manière intermittente au cours des cinq dernières années.
Elle a été proposée pour la première fois par l’Azerbaïdjan et la Turquie, qui l’ont baptisée « corridor de Zangezur » – et ce, après la guerre de 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, au cours de laquelle ce dernier, avec le soutien de la Turquie, a repris le contrôle de la région disputée du Haut-Karabakh.
La Turquie, qui partage une frontière courte – mais importante – avec le Nakhitchevan, considère le tracé envisagé comme un moyen de projeter son influence vers l’Est en créant un pont terrestre vers l’Azerbaïdjan, son allié de longue date, et vers la mer Caspienne.
D’après Mamuka Tsereteli, ce projet, malgré les rivalités historiques entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie utilisées par la Russie pour préserver son influence dans les deux pays, « supprimera les barrières artificielles au commerce et au transit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, ainsi qu’entre la Turquie et l’Arménie ».
Le projet offrira également « de multiples options de transport : de la mer Caspienne à l’Arménie via l’Azerbaïdjan, puis, en traversant le Nakhitchevan, vers la Turquie, ou via l’Azerbaïdjan et la Géorgie, vers la Turquie ou les ports géorgiens de la mer Noire ».
Pour l’Azerbaïdjan, a poursuivi M. Tsereteli, le TRIPP apportera « un énorme avantage économique en permettant un accès direct à l’enclave du Nakhitchevan de la manière la plus rentable possible, ce qui stimulera le développement économique interne ».
La Turquie, quant à elle, « deviendra un pôle d’attraction encore plus important pour le commerce et le développement économique du Caucase du Sud, y compris pour l’Arménie, stimulant ainsi les perspectives de croissance de l’Arménie ».
De plus, a indiqué M. Tsereteli à Epoch Times, « l’Arménie bénéficiera de garanties de sécurité pour son intégrité territoriale grâce à la présence commerciale américaine sur son territoire ».
De son côté, Ana Maria Evans a convenu que le corridor prévu « stimulerait l’intégration économique » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan après des décennies d’hostilité mutuelle.
En ce qui concerne les implications régionales plus larges du TRIPP, Mme Evans a noté « que des opérations de transit stables avec des procédures réglementaires et douanières rationalisées […] augmenteront également la capacité de transport du ‘Corridor central’, réduisant ainsi les temps et les coûts de transit entre la Chine et l’Europe ».
Le « Corridor central », également connu sous le nom de Route internationale de transport transcaspienne, est une route commerciale reliant le port chinois de Lianyungang à l’Europe de l’Est.
Long de 6500 à 7000 kilomètres, selon des sources, ce corridor traverse le Kazakhstan, la mer Caspienne et la région du Caucase du Sud via l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie, sans passer par la Russie et l’Iran.
Pékin considère le « Corridor central » comme faisant partie de son titanesque programme « Initiative Ceinture et Route », souvent qualifié de « nouvelles routes de la soie », qui vise à renforcer l’influence géopolitique de la Chine dans le monde entier et, en particulier, à étendre l’influence chinoise en Asie centrale et dans le Caucase du Sud.
Contourner les adversaires
Selon la Maison-Blanche, le TRIPP permettra aux marchandises de transiter par la région du Caucase et l’Asie centrale sans passer par la Russie, l’Iran ou la Chine.
« Les perdants ici sont la Chine, la Russie et l’Iran », a déclaré aux journalistes un haut responsable de la Maison-Blanche avant la signature des accords.
« Le gagnant est l’Occident. Ce que cela apportera aux entreprises américaines et aux ressources énergétiques à travers l’Europe sera extrêmement puissant. »
Mme Evans a convenu que la Chine, la Russie et l’Iran « pourraient ne pas être satisfaits de la présence américaine et des droits de location sur le corridor prévu, qui devrait devenir un nœud essentiel de la chaîne d’approvisionnement Est-Ouest ».
« Les investissements américains dans les infrastructures de transport du corridor contribueront à la diversification de la chaîne d’approvisionnement, réduisant ainsi la dépendance excessive à l’égard de la Russie et de la Chine », a-t-elle commenté.
« La Chine, par exemple, verra probablement ses investissements dans le port géorgien d’Anaklia sur la mer Noire [qui fait partie du ‘Corridor central’] assurer une partie du commerce inférieure à celle initialement prévue. »
Mme Evans a décrit le projet TRIPP comme « un revirement inattendu et bienvenu en tenant compte de la stratégie commerciale et diplomatique de la Chine qui vise à dominer le transport et la logistique à travers son ‘Initiative Ceinture et Route’ ».
« L’investissement américain [dans la route de transit prévue par l’accord entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan] représente une action innovante en matière de politique étrangère qui contrebalancera l’influence de la Chine et de la Russie sur la logistique mondiale de l’approvisionnement », a affirmé Ana Maria Evans.
Elle a indiqué que, même si cela prendra du temps, « une fois opérationnelle, la nouvelle route réduira davantage les volumes de transport le long du ‘Corridor nord’ soumis aux sanctions et permettra à avoir une présence américaine aux portes de l’Iran ».
Une autre route de transit reliant la Chine à l’Europe, le « Corridor nord » – l’un des principaux axes de « l’Initiative Ceinture et Route » – traverse la Russie et la Biélorussie voisine.
Depuis que Moscou a lancé son invasion de l’Ukraine en 2022, l’Occident a imposé de nombreuses sanctions à la Russie visant à décourager le commerce le long du « Corridor nord ».
S’il voit le jour, le TRIPP traversera le sud de l’Arménie, juste au nord de la frontière iranienne, ce qui pourrait également compliquer les liens entre la Russie et l’Iran.
Le 27 juillet, Ali Akbar Velayati, conseiller du guide suprême iranien Ali Khamenei, a déclaré que la route de transit développée par les États-Unis couperait le lien de l’Iran avec la région du Caucase et « imposerait un blocus terrestre à l’Iran et à la Russie dans le sud de la région ».
Mamuka Tsereteli a considéré cette déclaration comme une « réaction émotionnelle ».
« L’Iran, bien qu’affaibli par ses choix idéologiques et géopolitiques, restera un acteur important dans la région à l’avenir », a-t-il dit.
Il a expliqué que le commerce entre l’Iran et la Russie « repose principalement sur des corridors établis à travers la mer Caspienne, ainsi qu’à travers l’Azerbaïdjan via le ‘Corridor de transport international Nord-Sud’ ».
Encore en cours de développement, le « Corridor de transport international Nord-Sud » est un autre corridor commercial qui, une fois achevé, assurera la liaison, via l’Azerbaïdjan ou la mer Caspienne, entre la Russie, l’Iran et l’Inde.
Le 9 août, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que la réconciliation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan devait être fondée sur « le respect inconditionnel des priorités des parties et des États voisins ».
« L’implication d’acteurs non régionaux devrait contribuer à renforcer le programme de paix et non à créer des difficultés supplémentaires et des lignes de division », a-t-elle fait remarquer dans ses propos cités par l’agence de presse d’État russe TASS.