L’assassinat d’un agriculteur « lanceur d’alerte », en Corse, suscite l’indignation

Photo: PASCAL POCHARD-CASABIANCA/AFP via Getty Images
Un producteur d’huiles essentielles présenté par l’association Anticor comme « lanceur d’alerte dans l’affaire des fraudes » agricoles en Corse a été assassiné lundi soir sur son exploitation près d’Ajaccio, suscitant une indignation unanime dans l’île ensanglantée par quatre assassinats depuis janvier.
Pierre Alessandri, 55 ans, installé depuis 1993 à Sarrola-Carcopino (Corse-du-Sud), a été « blessé par arme à feu » lundi peu après 19h00 sur son exploitation d’agrumes, a indiqué Nicolas Septe, procureur de la République d’Ajaccio.
Transporté dans la soirée à l’hôpital d’Ajaccio dans un état grave, ce père de famille y a succombé à ses blessures.
« Les premières investigations permettent de relever la trace d’au moins un tir certain porté dans le dos de la victime », a précisé le procureur mardi, ajoutant qu’une autopsie était prévue jeudi.
« Plusieurs pistes sont exploitées (…) pour déterminer le mobile de (cet) acte criminel qui a manifestement fait l’objet d’actes préparatoires », a-t-il poursuivi, indiquant avoir ouvert une enquête pour « assassinat » confiée à la gendarmerie.
La distillerie détruite par un incendie criminel
La distillerie de l’agriculteur avait été détruite par un incendie criminel en avril 2019, alors que ce nationaliste était secrétaire général pour la Corse-du-Sud du syndicat agricole corse « Via Campagnola », membre de la Confédération paysanne.
Au moment de cet incendie, jamais élucidé, la piste privilégiée par le procureur de l’époque avait été « celle d’une réaction violente liée aux positions syndicales de Pierre Alessandri ».
La section corse de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) regrette mardi que cet incendie criminel soit « demeuré impuni », qualifiant « ce manque de justice » d’« insupportable ».
La Confédération paysanne s’est dite « en deuil » après avoir appris « avec horreur » le meurtre de l’agriculteur, qui avait également été en 1992 un membre fondateur du syndicat nationaliste étudiant « Ghjuventù Paolina », avant de rejoindre « Via Campagnola ».
L’affaire des fraudes aux subventions européennes
Pierre Alessandri, candidat à la présidence de la chambre d’agriculture de Corse-du-Sud en 2019, avait notamment été l’un des seuls syndicalistes agricoles à se féliciter de la tenue de contrôles sur l’attribution des aides agricoles européennes.
« Il était un des lanceurs d’alerte dans l’affaire des fraudes aux subventions européennes en Corse », a rappelé dans un communiqué l’association anticorruption Anticor, dénonçant une « tragédie » qui « s’inscrit dans un climat de pratiques mafieuses et corruptives qui gangrènent le territoire corse ».
Après avoir appris « avec stupeur l’assassinat de Pierre Alessandri », la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a assuré dans un message publié sur X que « la violence, le recours aux armes, n’ont pas leur place dans notre pays ».
« Nous ne laisserons jamais les forces obscures ruiner l’avenir de nos enfants », a promis sur X Jean-Baptiste Arena, nouveau président de la chambre d’agriculture de Corse, qui a remporté en février l’élection à la tête d’une liste associant les syndicats « Mossa Paisana » et « Via Campagnola » face à la liste des dirigeants sortants soutenue par la FNSEA et les Jeunes agriculteurs.
Les partis autonomistes « Femu a Corsica » et « Parti de la nation corse » (PNC) ainsi que le parti indépendantiste « Core in Fronte », dont Pierre Alessandri avait été membre lorsqu’il s’appelait le « Rinnovu », lui ont rendu hommage mardi, saluant un « travailleur honnête » et un « patriote enraciné dans sa terre ».
Pour Léo Battesti, membre fondateur du collectif antimafia « Maffia no, a vita iè », « c’est un symbole d’intégrité et du militantisme agricole vertueux qui a été abattu » et « un coup dur porté à la Corse de la créativité et du travail par ceux qui, par la terreur, veulent la dominer ».
Le quatrième assassinat depuis le début de l’année
« Toute la Corse paye malheureusement le prix du sang : voyou, criminel mais aussi, et c’est bien plus grave, étudiante, simple citoyen et homme de bien. (…) Il est grand temps de rompre cette spirale criminelle », s’est indigné François-Xavier Ceccoli, député divers droite de Haute-Corse et producteur de clémentines.
Il s’agit du quatrième assassinat depuis le début de l’année en Corse. Un cinquième homicide a eu lieu à Borgo (Haute-Corse) début février mais dans un contexte familial.
Avec « 18 homicides et 16 tentatives d’homicides » en 2024 pour 355.000 habitants – l’équivalent de la population de Nice -, la Corse se place « au premier rang national en la matière », a rappelé récemment le préfet de Corse, Jérôme Filippini.

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