« Le chemin de l’espoir ne peut exister qu’à travers une candidature unique de la gauche et de l’écologie en 2027 », affirme la députée PS Anna Pic

Par Julian Herrero
9 janvier 2024 17:29 Mis à jour: 10 janvier 2024 12:11

ENTRETIEN – Dans un entretien exclusif accordé à Epoch Times, la députée socialiste de la Manche, Anna Pic revient sur la situation entre le PS et la Nupes sur l’échiquier politique français, sur les élections européennes à venir et la présidentielle de 2027. Selon elle, « l’acte I de l’alliance » de la Nupes est terminé. L’élue normande estime également que l’Europe est devenue « un enjeu important pour les Françaises et les Français » et défend l’idée d’une candidature unique à gauche en 2027.

EPOCH TIMES : Les événements tragiques du 7 octobre en Israël ont profondément divisé la Nupes. Les communistes ont claqué la porte de l’alliance. À la suite du vote au mois d’octobre d’un moratoire, votre parti a suspendu sa participation à la Nupes. Aujourd’hui, qu’en est-il concrètement de la relation entre les socialistes et l’alliance créée en 2022 ? Y a-t-il toujours des discussions avec les Insoumis ?

ANNA PIC – Le refus, par Jean-Luc Mélenchon, de qualifier le Hamas comme groupe terroriste, nous a contraint à faire le choix du moratoire et il paraît évident que l’acte I de la Nupes est terminé. Nous avons effectivement décidé de suspendre notre participation aux travaux et réunions qui formalisaient, à l’assemblée, le cadre de la NUPES , mais ce moratoire concerne l’alliance en tant qu’entité et non en tant que programme, et nous continuons à défendre les combats que nous avions définis ensemble. Cet accord est un accord de coalition électorale, mais il repose aussi sur un certain nombre d’enjeux programmatiques forts face à ce que nous promettent la droite et l’extrême droite.

Je crois qu’il est absolument essentiel que nous continuions à dialoguer et à être conscients de la nécessité d’alternative de gauche et de l’écologie. Nous avons défendu ensemble l’augmentation du SMIC, le fait que les salaires puissent suivre la courbe de l’inflation pour éviter le décrochage des classes moyennes et populaires – contrairement à la majorité, la droite et l’extrême droite, qui sont systématiquement opposées à l’augmentation des revenus salariés. Nous avons également lutté contre la réforme de l’assurance chômage ensemble, à chaque fois que cela nous a paru nécessaire, nous avons su mettre nos différends de côté pour pouvoir travailler sur les sujets, comme nous l’avons vu sur le projet de loi immigration. Le clivage gauche droite, un temps escamoté, est finalement toujours bien là, il s’agit maintenant de construire un acte II du rassemblement de la gauche et de l’écologie qui ne fracture pas la France et les Français et encore moins les citoyens qui se reconnaissent dans la gauche dans son ensemble.

Le dialogue doit évidemment se poursuivre. Nous avons beaucoup en commun, notamment le fait de pouvoir apporter des réponses en matière de justice sociale. L’acte II ne se fera pas dans les conditions de l’acte I, mais néanmoins, nous savons faire ensemble lorsque c’est nécessaire.

Dernièrement, avec le projet de loi immigration, il y a eu des réunions publiques où nous sommes intervenus ensemble, comme à Saint Ouen par exemple. Il y avait Olivier Faure et Marine Tondelier. Fabien Roussel a, quant à lui, fait un message vidéo. Le mouvement fondé par Benoît Hamon Génération.s était également présent. Nous n’avons jamais cessé de nous parler.

Les élections européennes approchent, elles se tiendront le 9 juin prochain. Selon les derniers sondages, la liste du PS, conduite par Raphaël Glucksmann récolterait entre 9 et 10 % des suffrages, nettement devant les écologistes (entre 6 et 8 %), les Insoumis (6 et 6,5 %) et les communistes (3 %). Comment analysez-vous ces enquêtes d’opinion ? Marquent-elles un ‘retour en force’ des socialistes sur la scène politique, deux après la déception de l’élection présidentielle de 2022 ?

Les sondages nous attribuent autour des 10 % et nous travaillons sans relâche pour faire plus, je suis certaine que ce travail finira par payer. Je ne vous cache pas que j’espère bien plus ! Je ne sais pas si c’est un retour en force des socialistes. D’abord, disons que sur ces cinq dernières années, les socialistes, ont fait un très gros travail autour de ce qui n’avait pas fonctionné durant le mandat de François Hollande, les déceptions, mais aussi nos valeurs fondamentales et ce qui fait que nous sommes un parti capable d’apporter des réponses à la racine. C’est ça la radicalité. Ça n’est pas de cliver ou de parler violemment.

En même temps, nous remarquons que l’extrême droite est en train de remporter des victoires idéologiques. Avec le projet de loi immigration, nous avons vu qu’elle peut tenir le stylo du gouvernement. À ce titre, nous avons à défendre un certain nombre de principes, de valeurs et de fondements. Je crois que les socialistes, l’ont toujours fait. Ils ont toujours parlé de la manière dont on construisait la citoyenneté, mais également l’Europe. Ils ont été en quelque sorte les premiers bâtisseurs de l’Europe. Elle est dans leur identité, au-delà des clivages qui ont pu naître autour de 2005. La récente disparition de Jacques Delors nous le rappelle.

C’est pourquoi je crois qu’aujourd’hui il y a cette reconnaissance des citoyens autour du travail portée par le Parti socialiste et Place publique au parlement européen, avec un chef de file qui en 2019 ne faisait pas l’unanimité, mais qui aujourd’hui semble rassembler ; les élus du groupe ont porté un certain nombre de combats ces dernières années, notamment en matière de féminisme, d’égalité femmes-hommes, d’environnement, d’agriculture, mais aussi d’ingérence étrangère et de lutte contre la montée de l’extrême-droite.

Tous ces sujets, qui sont à la fois européens et nationaux, ont été portés par le groupe S&D et par la délégation française au Parlement européen. Et ce travail qui ne se voit pas beaucoup, est mis en lumière par une situation géopolitique et géostratégique sur laquelle nous avons dit des choses, en lien avec les parlementaires nationaux.

La France insoumise a lancé plusieurs fois des appels pour bâtir une liste commune en vue des élections européennes. Une liste unie à gauche peut-elle voir le jour ?

Nous avons pris acte dès la fin de l’année 2022 qu’il n’y aurait pas de liste commune pour les élections européennes. Les écologistes et les communistes ont été très clairs. Ils ont dit non. Nous avons travaillé longtemps à la possibilité d’une convergence de l’ensemble des partis avec un socle commun à minima. Et le travail des jeunes socialistes, à ce titre a été important. Malheureusement, des divergences de fond demeurent, surtout sur la manière dont les combats doivent être menés et comment les valeurs peuvent être défendues.

Nous sommes allés jusqu’au bout pour tenter de rassembler la gauche, mais les conditions ne sont pas réunies pour qu’il puisse y avoir une liste commune. Maintenant, il faut avancer. Depuis presque 9 mois nous préparons les élections européennes et avons réalisé un travail approfondi sur notre doctrine au sein du parti socialiste. Il s’agit d’un cahier de 60 pages dans lequel ont été définis les grands axes de ce que nous attendons de l’Europe. Un travail qui a été long, fructueux et dynamique et qui a mobilisé contre toute attente. Souvenons-nous que le scrutin de 2019 n’avait pas mobilisé grand monde. Et là, l’Europe est devenue un enjeu pour l’ensemble des Françaises et des Français. L’actualité nous montre que nous avons besoin d’Europe. Nous avons un conflit de haute intensité aux portes du continent et je crois que ça a éveillé dans la conscience de tous, la nécessité d’être ensemble et que la paix n’est jamais assurée.

Dans un entretien à Ouest-France le 2 décembre, l’ancien président de la République François Hollande indiquait qu’il « appuiera la liste socialiste si elle s’élargit à toutes les composantes du PS et à des mouvements extérieurs » comme la Convention, le parti de Bernard Cazeneuve. Quel regard portez-vous sur les propos de l’ancien chef de l’État ? A-t-il, selon vous, un rôle à jouer dans l’avenir du PS ?

François Hollande est une figure de l’histoire du PS. Pour les militants, il est celui qui est parvenu à amener pour la deuxième fois le PS aux responsabilités. Ce qui n’était pas facile quand on sait que depuis le début de la Ve République, la gauche n’a été que peu de temps aux responsabilités. Il a aussi une place particulière dans le cœur des Français parce qu’il est connu et qu’un certain nombre de personnes voient aussi la respectabilité de ses fonctions. Et en tant que militant socialiste, j’espère bien qu’il soutiendra la liste que nous allons constituer. Selon les statuts du parti, les militants doivent soutenir les candidats investis par le parti. Aujourd’hui, au Parti socialiste, il est un militant qui a une expérience et que nous sommes appelés à inviter à témoigner régulièrement lorsque nous travaillons sur un certain nombre de sujets, et il donne son avis.

Vous savez aujourd’hui que sa ligne n’est pas celle arrivée en tête du congrès de Marseille. Nous souhaitons et nous continuerons de nous battre pour le rassemblement de toute la gauche et de l’écologie, aujourd’hui nous sommes en discussion avec Raphaël Glucksman et son parti Place publique et nous souhaitons un Parti Socialiste rassemblé autour de cette liste entérinée par un large vote de ses militants.

Nous continuerons aussi à dire qu’il n’y a pas des gauches irréconciliables, qu’il nous faut trouver le chemin du dialogue permanent. La gauche, c’est l’analyse critique perpétuelle de ce qui a été fait et de ce qui est en place. Nous ne sommes pas des conservateurs, mais des gens qui souhaitent l’émancipation, le progrès social, aider les Français qui travaillent à mieux vivre de leurs revenus. Nous avons tout ça en commun. Mais je crois que pour nous, il est absolument essentiel de rappeler qu’il ne s’agit pas de recommencer ce qui a été fait ni lors de la période Mitterrand, ni lors de la période Hollande. Il est question de construire un nouveau chemin qui permettra de redonner espoir et ce qui nous inquiète tout particulièrement, c’est à la fois, la montée de l’abstention, qui est massive ces dernières années, et la montée de l’extrême droite et de ses démocratures qui sont en train de naître un peu partout.

Nous ne croyons pas qu’un homme fort pourra relever les défis auxquels nous faisons face. Au contraire, seules des solutions construites démocratiquement, collectivement, mais aussi reposant sur des bases scientifiques nous permettront de résoudre un par un les problèmes. Ce que les socialistes veulent, c’est une gauche capable de transformer au quotidien la vie des gens et de répondre dans le même temps aux grands enjeux d’aujourd’hui et de demain comme ceux de l’environnement et de l’énergie.

Pour l’élection présidentielle de 2027, beaucoup à gauche souhaitent qu’il y ait un candidat unique. C’est notamment le cas des écologistes. Qu’en pensez-vous ? Quelle est la position du Parti socialiste sur ce sujet ? Les socialistes seraient-ils prêts à soutenir un candidat qui n’est pas issu de leur rang ?

Il faut trouver les modalités pour que ce candidat puisse apparaître. Mais je le redis, nous souhaitons qu’il y ait un candidat unique qui incarne l’alternance de gauche et écologiste. Nous devons analyser la situation politique telle qu’elle est. Il y a trois blocs : celui de la gauche, le bloc de centre-droit avec la droite et enfin celui composé de la droite extrême et de l’extrême droite. Et nous avons affaire à une majorité présidentielle qui court après une droite extrême, et les Républicains, qui eux aussi, courent depuis des années après le Rassemblement national.

Au bout du compte, nous sommes devant le danger qu’il n’y ait plus dans la tête des gens l’idée de faire barrage à l’extrême droite. Il y a une lente dérive des valeurs qui s’opère. Beaucoup ne voient pas encore que le projet de loi immigration remet profondément en cause les fondements qui ont construit la République. Je crois qu’il nous faut mener la bataille et pour cela, nous avons besoin d’être ensemble et d’être capable de proposer une candidature qui permettra de redonner de l’espoir à tous ceux qui, face à ce constat, ne sauront plus où aller.

Le chemin de l’espoir ne peut exister qu’à travers une candidature unique de la gauche et de l’écologie en 2027. Nous devrons définir avec les autres partis, les modalités de cette candidature. Savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, sur quel programme et éventuellement quel accord de coalition etc… Tout ça est un long travail à mener. Il y a des sujets sur lesquels nous ne sommes pas d’accord, mais nous devons mettre nos différends de côté. Il s’agit d’aller beaucoup plus loin et de trouver des positions qui permettent d’être lisibles et clairs auprès de nos concitoyens. Lorsque ça nous a paru essentiel, nous avons su nous retrouver et travailler ensemble.

Au regard du mandat qui est en train de se dérouler sous nos yeux, je crois qu’il ne faut pas aussi oublier que les élections législatives sont les élections les plus importantes. Le gouvernement est issu de la majorité législative. Il mène ainsi des politiques brutales. Nous l’avons vu avec les 49.3 pendant la réforme des retraites et plus récemment avec le projet de loi immigration dont les bases étaient devenues malsaines. Pour mettre fin à cette brutalité, nous devrons être prêts lors du prochain renouvellement de l’Assemblée nationale.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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