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Le plan de l’UE pour interdire les véhicules essence et diesel déraille-t-il ?

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Une Volkswagen Passat R et une Golf GTI sont exposées dans le centre de stockage de la marque à Wolfsburg, en Allemagne, le 11 mars 2025.

Photo: Ronny Hartmann/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 11 Min.

Le projet de l’Union européenne visant à proscrire la vente de voitures neuves essence et diesel à partir de 2035 fait face à une contestation croissante dans la sphère politique et industrielle. Plusieurs voix influentes remettent à présent ouvertement en question les mesures envisagées.
L’industrie automobile constitue un pilier de l’économie européenne, employant plus de 13 millions de personnes et contribuant à environ 7 % du PIB de l’UE. Toutefois, elle doit affronter une concurrence féroce de la Chine ainsi que la transition programmée vers les véhicules électriques (VE).
La législation européenne impose que toutes les voitures neuves produisent zéro émission de CO₂, interdisant de facto les véhicules à moteur thermique (essence ou diesel) dès 2035.
Ce qui était il y a peu le symbole de la politique verte européenne commence désormais, selon certains acteurs du secteur, à ressembler à un retour de flamme.

Les Allemands, acteurs clés

Oliver Zipse, PDG de BMW, a déclaré dans une interview pour Politico publiée le 5 septembre : « La décision d’interdire les moteurs thermiques d’ici 2035 est une énorme erreur. Je pense que nous nous rendons un mauvais service en fixant un point arbitraire dans l’avenir en exigeant que toutes les industries y soient alignées. »
En août, Ola Kaellenius, CEO de Mercedes-Benz, confiait au journal économique allemand Handelsblatt : « Nous avons besoin d’un examen de la réalité. Sinon, nous fonçons droit dans le mur. » Selon lui, il serait préférable de stimuler les ventes de véhicules électriques par des mesures fiscales et une baisse du prix de l’électricité, plutôt que de fixer une date butoir pour la fin de vente des voitures thermiques.
Gernot Dollner, patron d’Audi, a quant à lui affirmé dans le magazine économique allemand Wirtschaftswoche le 15 septembre que « les véhicules électriques représentent une technologie supérieure. »
Richard Schenk, analyste politique du think tank MCC Brussels, a déclaré à Epoch Times que l’Allemagne jouait un rôle prépondérant dans tout éventuel changement et qu’elle faisait pression sur Ursula von der Leyen pour qu’elle agisse.
« Concrètement, ce sont les Allemands les acteurs clés : s’ils changent d’avis, les majorités au sein de l’UE changent également. Les Polonais et les Italiens les soutiennent déjà, les Français hésitent encore, mais si les Allemands se ravisaient, les autres suivraient très probablement », explique-t-il.
Il précise que la législation étant inscrite dans la réglementation européenne, la Commission doit agir en premier. « Ursula von der Leyen est donc la pièce centrale du dispositif. »

Des visiteurs au stand de Volkswagen le jour d’ouverture du salon international de l’automobile IAA à Munich, le 9 septembre 2025. (Tobias Schwarz/AFP via Getty Images)

Pression européenne

Selon M. Schenk, Mme von der Leyen subit la pression de sa propre famille politique au sein de l’UE : le groupe du Parti populaire européen (PPE), qui est la plus grande force du Parlement. Il souligne que l’affaire a dominé le débat politique allemand ces dernières semaines.
Manfred Weber, membre de la CSU (Union chrétienne-sociale) allemande et président du PPE, a confié au Telegraph début septembre que le plan pour les voitures à moteur thermique est idéologique et que le moteur essence a encore de l’avenir.
« Le changement climatique est un vrai problème qu’il faut résoudre, mais cette approche impose une pensée idéologique », déclare M. Weber. « Les citoyens n’y adhèrent pas. Moi-même, je ne l’ai jamais soutenue. »
En 2024, le PPE avait déjà averti que, sans révision de la loi, « le coût de la mobilité deviendra prohibitif pour de nombreux Européens, et des milliers d’emplois seront perdus au profit de concurrents comme la Chine ».
L’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) demande également un ajustement des objectifs de CO₂ à la réalité, alertant sur la dépendance européenne envers les fabricants asiatiques de batteries et sur des coûts énergétiques plus élevés que ceux des concurrents.
M. Schenk ajoute que cette fracture traverse aussi le secteur automobile : « C’est une véritable guerre interne. Si vous écoutez directement les patrons des principaux constructeurs, ils sont très clairs. Ces géants ont investi massivement dans les VE et, évidemment, tous ces ingénieurs, commerciaux et marketeurs défendront leurs postes avec acharnement. »

Des investissements massifs

Laura Bowler, responsable du développement durable chez Ramboll, qui a travaillé chez Ford durant la première décennie de sa carrière, considère que le report de l’échéance 2035 est possible mais qu’un abandon pur et simple reste peu probable.
« Les investissements dans le secteur électrique sont considérables. Je serais stupéfaite qu’on fasse machine arrière en décrétant tout simplement qu’il n’est plus nécessaire d’aller dans cette direction », affirme-t-elle.
Selon elle, on observe depuis un an un ralentissement et un assouplissement généralisés dans le domaine de la durabilité : « Je ne serais pas surprise si la date était repoussée vers 2040 ou un peu plus tard. »
Elle reste sceptique quant à la réussite de la transition sans soutien réglementaire. « Et par soutien réglementaire, je n’entends pas seulement l’abandon des voitures produisant du CO₂ d’ici 2035, mais aussi des mesures qui soutiennent le secteur automobile européen face à la Chine. »

Un ouvrier inspecte le système de recharge d’un véhicule à Hefei, en Chine, le 17 janvier 2025. (Kevin Frayer/Getty Images)

Une porte-parole de la Commission européenne a déclaré à Epoch Times par courrier électronique que « l’UE suit sa trajectoire ».
« Mais nous voulons être pragmatiques », a-t-elle précisé, ajoutant que l’UE avait déjà introduit de la flexibilité pour l’atteinte des objectifs en 2025, qui sont en vigueur.
Elle a souligné que le 12 septembre, Mme Ursula von der Leyen a réuni des dirigeants du secteur automobile européen pour le troisième Dialogue stratégique sur l’avenir de l’industrie automobile du continent.
« Les parties prenantes ont proposé diverses adaptations, telles qu’un rôle limité pour certains carburants neutres en carbone ou la poursuite des véhicules hybrides rechargeables et dotés d’extenseurs d’autonomie », a-t-elle ajouté.
« La Commission analysera soigneusement toutes les contributions reçues en vue de l’évaluation de l’impact pour la révision de la législation concernant les normes de CO₂ des voitures et utilitaires. Sur ce dossier, la Commission défend fermement le principe de neutralité technologique. »
Dans une publication sur X datée du 12 septembre, Mme von der Leyen a déclaré : « Nous combinerons décarbonation et neutralité technologique. »

Un signal d’alerte pour le secteur

Des voix au-delà de Bruxelles indiquent que la politique actuelle se retourne contre ses promoteurs.
Geoff Thompson, un expert automobile britannique qui anime la chaîne YouTube populaire « Geoff Buys Cars », estime que la transition vers les voitures électriques ne s’est pas déroulée « aussi bien que les constructeurs l’auraient souhaité ».
« Et maintenant, ils font marche arrière, car ces véhicules électriques ne se vendent pas suffisamment pour leur permettre de maintenir leur rentabilité », ajoute M. Thompson. « Comment peuvent-ils continuer dans cette voie alors que ce n’est clairement pas rentable ? »
Selon lui, le groupe Volkswagen, qui réunit les marques Volkswagen, Audi, Skoda, SEAT et Bentley, porte l’industrie automobile européenne : « C’est la puissance économique du secteur, et les difficultés de Volkswagen sont un sérieux avertissement. »
L’an dernier, ce groupe, premier employeur industriel allemand et leader continental en chiffre d’affaires, avait annoncé viser onze milliards d’euros d’économies. « C’est vraiment le signal d’alarme pour le secteur. Le pari du tout électrique ne fonctionne pas », estime M. Thompson.

Diesel d’occasion, valeur sûre

Dan O’Hare, responsable de Cox Motor Parts, fournisseur mondial de pièces pour Honda, SEAT et Volkswagen, estime que l’incertitude profite aux vendeurs de pièces détachées pour véhicules thermiques.
« Si l’interdiction est assouplie ou annulée, la demande de pièces traditionnelles explosera après 2035. Mais même si le texte demeure, le marché des pièces de rechange restera dynamique au moins jusque dans les années 2040, puisque les véhicules d’occasion à essence et diesel ne sont pas concernés et peuvent toujours être vendus. Des millions de voitures existantes nécessiteront maintenance et réparations quoi qu’il advienne des ventes de voitures neuves », analyse-t-il.
Actuellement, le remplacement de la batterie sur un VE de dix ans coûte très cher. Si les générations futures de véhicules électriques devraient s’améliorer et que les prix des batteries pourraient baisser, à ce jour, le propriétaire d’un vieux VE affronte une facture supérieure à la valeur de son véhicule. Pour les acheteurs soucieux de leur budget, la voiture diesel d’occasion reste donc un choix attractif.
Owen Evans est un journaliste britannique qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour les libertés civiles et la liberté d'expression.

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