Le temps des référendums et conventions citoyennes de la post-dissolution

Par Germain de Lupiac
7 mai 2025 16:39 Mis à jour: 8 mai 2025 06:43

Conventions citoyennes sur le temps scolaire, la fin de vie, l’identité française, etc. ; projets de référendums sur les dépenses publiques, l’immigration, les retraites, etc. Emmanuel Macron revient au centre du jeu politique, après son pari raté de la dissolution en juin 2024.

Avec la volonté de trouver comment surmonter « les blocages » parlementaires, le gouvernement veut essayer la démocratie directe et participative pour donner la parole aux Français. Mais quelle est l’efficacité de ces conventions citoyennes et leur légitimité démocratique ? Et est-ce que les référendums ne pourraient pas se transformer en un scrutin « anti-Macron » ?

Alors que le Président veut reprendre la main sur la politique intérieure, le pays se retrouve soit devant le risque de diviser encore davantage les Français, soit devant l’opportunité de sortir d’une impasse politique, à condition de passer sous les fourches caudines des Républicains et du PS, tous deux partenaires de la fragile majorité du gouvernement à l’Assemblée.

Un président sur tous les fronts

Malgré sa devise « le Président préside et le gouvernement gouverne », à la suite de l’échec de la dissolution, le Président revient sur tous les fronts au risque d’éclipser le travail de son Premier ministre.

« Les leviers de commande sont revenus à l’Élysée », pointe un député indépendant à l’AFP. « Sur tous les sujets, que ce soit le sport ou le numérique, c’est le Président qui a les manettes », déplore le parlementaire.

Après l’échec de son camp aux législatives post-dissolution, Emmanuel Macron s’était recentré sur l’international, domaine réservé par excellence au Président. Avec le retour de Donald Trump à la Maison-blanche en janvier, le cheval de bataille était tout trouvé : défendre les intérêts des Européens et de l’Ukraine.

Le retour à la politique intérieure 

« Jusqu’à présent, il jouait la carte de l’international, de la prise de distance. C’était relégitimant », résume Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas.

Au fil des semaines, le Président a repris le champ de la politique intérieure, recommençant à réunir des ministres à l’Élysée et à vouloir imprimer à nouveau sa marque politique.

Ainsi, après la convention citoyenne sur le climat et celle sur la fin de vie, l’Élysée a annoncé une troisième convention citoyenne sur les temps scolaires en juin, où seront abordés les temps de vacances et les horaires scolaires, des sujets qui concernent le quotidien de millions de Français mais aussi leur lot d’irritants.

La convention citoyenne sur les « temps de l’enfant »

« La convention citoyenne m’a semblé être l’outil de consultation des Français le plus adapté, car c’est une question très complexe qui nécessitera de dégager de nombreux consensus entre tous ceux qui sont touchés par ce vaste sujet, comme les parents, la communauté éducative y compris périscolaire, les collectivités locales et même les professionnels du tourisme », a déclaré le chef de l’État.

Pour Emmanuel Macron, le champ de l’éducation permet en outre d’envisager des réformes sans passer par la case parlement où son camp ne dispose pas de la majorité, la plupart des dispositions sur l’École relevant du domaine réglementaire.

Mais en choisissant l’expression des « temps de l’enfant », Emmanuel Macron évite de reprendre celle des « rythmes scolaires » dont il est vraiment question, une réforme conflictuelle avec l’instauration de la semaine de quatre jours et demi sous le quinquennat de François Hollande.

C’est pour cela que l’initiative présidentielle s’est déjà attiré les foudres du principal syndicat enseignant des collèges et lycées. « C’est un hors-sujet de la part du président de la République sur les questions d’éducation », a déclaré à l’AFP Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU. « Il fait diversion pour ne pas s’occuper des urgences et masquer l’État de l’école qui s’effondre : on manque de professeurs, on a les classes les plus chargées d’Europe… »

La controversée convention citoyenne sur la fin de vie

Pour la fin de vie, Emmanuel Macron avait décidé en décembre 2022 de confier l’organisation de cette convention citoyenne au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ce dont s’était inspiré ensuite le Président pour proposer un projet sur la fin de vie à l’Assemblée, dont l’examen commencera le 12 mai.

« Le malaise démocratique ressenti par nos concitoyens est aussi une crise de l’efficacité de l’action publique. Et c’est là que la démocratie participative et sociale prend tout son sens en apportant le matériau nécessaire pour des politiques publiques mieux construites, plus applicables, mieux acceptées », avait déclaré le président du CESE Thierry Beaudet.

Mais les résultats de la convention citoyenne ne représentaient pas tous les courants politiques français, ni les associations de soignants elles-mêmes. La convention citoyenne a « produit des conclusions qui n’engagent pas notre démocratie », avait estimé l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, en rappelant que 13 associations représentant « 800.000 soignants » avaient dénoncé dans une tribune « une rupture éthique fondamentale, mais aussi une transformation complète de tout l’univers des soins ».

François-Xavier Bellamy avait également soulevé une réticence de principe sur ces conventions citoyennes. « On avait tiré des gens au sort après les gilets jaunes en se disant qu’on allait avoir une vraie représentation populaire, […] ce qui est une manière de démagogie populiste absolument scandaleuse », avait considéré l’eurodéputé pour qui « le lieu des débats est d’abord le Parlement ».

Les seulement 180 participants à la convention citoyenne sur la fin de vie avaient estimé en février 2023, à 75 %, que l’accès à l’aide active à mourir – l’euthanasie et le suicide assisté – devait être ouvert, et à 56 % que cela devait concerner aussi les mineurs.

La convention citoyenne sur « Qu’est-ce qu’être français ? » verra-t-elle le jour ?

François Bayrou avait annoncé fin février qu’il allait lancer des « conventions citoyennes décentralisées » pour débattre de la question : « Qu’est-ce qu’être français ? »

« ‘Qu’est-ce qu’être français’, c’est une question qui taraude notre temps. Et permettez-moi de vous le dire, c’est une question pour ceux qui naissent français autant que pour ceux qui nous rejoignent », a affirmé le Premier ministre dans un entretien au Figaro. François Bayrou avait souhaité élargir le débat sur le droit du sol à cette question sensible, relative à l’identité nationale et à l’immigration.

Aux « trois vertus républicaines, liberté, égalité, fraternité » qui fondent la « nation », le chef du gouvernement suggérait aussi pour ce débat d’ « ajouter la laïcité et le contrat social ». « La laïcité philosophique et religieuse est une immense conquête, terriblement contestée sur la planète. Elle est notre force. Je crois qu’elle doit être complétée par une laïcité politique : ce n’est pas parce que quelqu’un n’est pas d’accord avec moi que je veux l’écraser », détaillait le Premier ministre.

« Quant au contrat social, il fait que le principe de notre vie en commun n’est pas le ‘chacun pour soi’, mais le ‘tous pour un’. Ces questions sont des composantes de ce que nous sommes comme peuple », avait-il ajouté. Reste à voir si la proposition du Premier ministre sera reprise dans les prochains jours par le Président.

Les futurs projets de référendums

Emmanuel Macron, qui a donné rendez-vous aux Français lors d’une émission spéciale le 13 mai sur TF1, pourrait aussi évoquer à cette occasion des projets de référendum, selon une source proche du Président.

Le Président avait indiqué lors de ses vœux pour l’année 2025 que les Français seraient amenés à « trancher » sur des sujets déterminants.

Réorganisation territoriale ? Proportionnelle ? Fin de vie ? Immigration ? Le suspense reste entier. La piste d’un référendum sur les finances publiques évoquée dimanche par François Bayrou semblait en revanche faire l’unanimité contre elle.

Et la perspective référendaire laisse nombre d’observateurs dubitatifs dans un espace politique très fracturé, où le Président reste très clivant et son Premier ministre très fragile. « La période est tellement politiquement sensible que je ne vois pas qui serait conforté par un référendum. Ce serait vraiment déconnecté », considère un membre du gouvernement.

Outre le risque de se transformer en un scrutin « anti-Macron », l’exercice devra ménager les Républicains, associés au gouvernement, tout comme les socialistes sans lesquels une censure du gouvernement n’est actuellement pas possible. Un exercice qui rappelle l’impasse politique dans laquelle se trouve aujourd’hui la France.

« À part la volonté de se remettre au centre, de telles manœuvres paraissent très aléatoires », renchérit Benjamin Morel, y voyant une « stratégie dangereuse » qui va « déstabiliser » un peu plus son Premier ministre, d’autant plus que des sujets comme la fin de vie pourraient cliver les Français entre eux.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.