Les États-Unis finalisent les règles qui empêcheront la Chine d’accéder à un financement de 52 milliards de dollars pour les puces électroniques

Par Terri Wu
25 septembre 2023 08:31 Mis à jour: 25 septembre 2023 08:31

Le ministère du Commerce américain a annoncé vendredi les règles finales de financement adoptées dans le cadre du CHIPS and Science Act, empêchant ainsi la Chine de bénéficier des 52 milliards de dollars prévus et levant le dernier obstacle avant l’attribution des 39 milliards de dollars consacrés à la production de semi-conducteurs.

Les règles interdisent aux bénéficiaires des fonds CHIPS d’investir dans la plupart des activités de fabrication de semi-conducteurs – de pointe et classiques – dans des « pays étrangers préoccupants » pendant dix ans ou de mener des recherches conjointes ou de concéder des licences technologiques à des « entités étrangères préoccupantes » sur des technologies ou des produits présentant un intérêt pour la sécurité nationale. Elles interdisent également aux bénéficiaires d’utiliser ces incitations pour construire, modifier ou améliorer une usine de fabrication de puces en dehors des États-Unis.

Le ministère du Commerce renforcera les « garde-fous » en reprenant la totalité des subventions fédérales en cas d’infraction, selon le communiqué publié par ce dernier.

La définition américaine des « pays étrangers préoccupants » comprend la Chine, la Russie, la Corée du Nord, l’Iran et tout autre pays identifié par le Département d’État. Le secrétaire au commerce peut également ajouter d’autres pays à la liste dans le cadre du financement du CHIPS. Les entités étrangères concernées comprennent les entités détenues ou contrôlées par des pays étrangers préoccupants et celles figurant sur la liste du Bureau de l’industrie et de la sécurité et sur la liste des sociétés du complexe militaro-industriel chinois (NS-CMIC) du département du Trésor.

« L’une des principales priorités établies par l’administration Biden-Harris, rendue possible par le CHIPS and Science Act, est de renforcer le leadership technologique des États-Unis et de leurs alliés et partenaires. Ces garde-fous protégeront notre sécurité nationale et aideront les États-Unis à conserver leur avance pour les décennies à venir, » a affirmé la secrétaire d’État au commerce, Gina Raimondo, dans le communiqué de presse.

« CHIPS for America est une initiative de sécurité nationale, et ces garde-fous permettront de s’assurer que les entreprises qui reçoivent des fonds du gouvernement américain ne portent pas atteinte à notre sécurité nationale, alors que nous continuons à nous coordonner avec nos alliés et nos partenaires pour renforcer les chaînes d’approvisionnement mondiales et améliorer notre sécurité collective. »

Les « garde-fous » sont relativement détaillés ; le ministère du Commerce a fait savoir qu’il avait travaillé avec de nombreuses organisations, notamment des représentants nationaux et étrangers de l’industrie des semi-conducteurs, le ministère de la Défense et la communauté du renseignement, suite à la proposition initiale de la réglementation en mars.

Par exemple, cette dernière précise que la production de wafers (Plaque très fine de matériau semi-conducteur monocristallin) est considérée comme faisant partie du processus de fabrication de semi-conducteurs. En outre, une « expansion matérielle » pour les installations de fabrication de puces avancées est définie comme l’ajout d’une salle blanche – salles avec contrôle de la température, de l’humidité et du flux d’air dans les fonderies ou les usines de fabrication de puces – ou d’autres espaces physiques qui augmenteraient l’installation de production de plus de 5%.

Ce pourcentage est porté à 10 lorsqu’il s’applique à la fabrication traditionnelle. L’exception pour l’expansion matérielle des usines de fabrication de puces existantes exigerait que « 85% des produits finaux contenant des puces soient utilisés ou consommés » dans le « pays étranger concerné », a expliqué Vikram Viswanathan, directeur de la politique au bureau du programme CHIPS du ministère du Commerce, lors d’un webinaire organisé vendredi.

Il a également indiqué que, bien que le ministère du Commerce ait reçu des demandes d’augmentation ou de suppression des seuils de pourcentage, ils sont restés inchangés dans la réglementation finale pour des raisons de sécurité nationale.

Lors d’une audition à la Chambre des représentants mardi, Mme Raimondo a fait savoir que son ministère suspendait l’attribution des récompenses associées à la production de semi-conducteurs jusqu’à ce que les règles définitives soient établies.

« L’objectif principal de ce programme est la sécurité nationale. Nous ne voulons donc pas qu’un seul centime de cet argent serve à aider la Chine à prendre de l’avance sur nous, et nous ne pouvons pas tolérer que des entreprises bénéficiaires de subventions CHIPS fassent de la recherche et du développement avec un pays qui compromet notre sécurité nationale », a-t-elle également ajouté devant les membres du comité des sciences, de l’espace et de la technologie de la Chambre des Représentants.

Lors du webinaire, M. Viswanathan a précisé que les règles n’affecteraient pas la fabrication de puces existantes en Chine, mais qu’elles visaient plutôt son expansion.

La secrétaire d’État au commerce, Gina Raimondo, témoigne devant le comité des sciences, de l’espace et de la technologie de la Chambre des représentants, dans le bâtiment des bureaux de la Chambre Rayburn, à Washington, le 19 septembre 2023. (Kevin Dietsch/Getty Images)

La production américaine de puces est capitale

Néanmoins, la production américaine de puces est la clé, a expliqué à Epoch Times James Lewis, directeur du programme Technologie et politique publique du centre d’études stratégiques et internationales (Center for Strategic and International Studies).

« Ces règles sont censées empêcher l’argent d’aller en Chine, ce qui est une préoccupation majeure du Congrès. Elles sont probablement inutiles, car les entreprises sont de plus en plus réticentes à investir en Chine compte tenu des risques commerciaux, mais il s’agit d’une exigence politique, » a indiqué M. Lewis à propos des « garde-fous » publiés vendredi.

« La loi CHIPS sera un succès si le nombre d’usines aux États-Unis augmente et si la production de puces se développe. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de progrès, mais c’est un peu tôt. Mais les États-Unis doivent garder à l’esprit que ce sont les seuls objectifs qui importent et qu’ils doivent accélérer leur mise en œuvre. »

« La loi CHIPS est une bonne idée, mais nous verrons si l’administration est en mesure de la mettre en œuvre. »

Jeff Ferry, économiste responsable de la coalition pour une Amérique prospère (CPA : Coalition for a Prosperous America), reconnaît l’importance de la production nationale de semi-conducteurs et estime que la dernière décision du ministère du Commerce est « un pas dans la bonne direction, mais qu’elle ne va pas assez loin ». La CPA est une organisation de défense des intérêts qui représente exclusivement les fabricants qui produisent aux États-Unis.

Plus particulièrement, il s’interroge sur la définition de « puces avancées ».

« L’administration Biden, en partenariat avec l’industrie des puces, a défini un segment très étroit de l’industrie des puces comme étant ‘avancé’, et les 90% restants comme étant ‘hérités’. Il s’agit d’une différenciation largement fictive dans la mesure où il est possible de fabriquer des produits avancés en utilisant les dernières puces dites anciennes, » a expliqué M. Ferry à Epoch Times. « Les puces de sept, neuf et douze nanomètres permettent de réaliser de nombreux produits très avancés. »

Les règles de financement du programme CHIPS ont été finalisées quelques semaines après le lancement par la société chinoise Huawei Technologies Co. d’un nouveau modèle de smartphone intégrant une puce de 7 nanomètres – un jalon en matière de puissance de calcul, bien que deux générations après les plus avancées – le 29 août, lors de la visite de Mme Raimondo en Chine.

La percée de Huawei a été évoquée par M. Ferry comme un argument justifiant l’élargissement des restrictions sur les transferts de technologie et les ventes d’équipements. « Ce que nous devons faire, c’est élargir ces restrictions, les rendre plus difficiles et, dans le même temps, mettre un coup d’accélérateur à la recherche et au développement ainsi qu’à la production nationale, » a-t-il souligné.

Le ministère du Commerce a reçu plus de 500 déclarations d’intérêt et 100 pré-candidatures et candidatures, a indiqué Morgan Dwyer, responsable de la stratégie pour le bureau du programme CHIPS, lors du webinaire.

Technologie du packaging incluse

Mme Dwyer a également confirmé lors du webinaire que la technologie relative au packaging des semi-conducteurs était couverte par les restrictions liées à l’expansion. Le packaging permet d’empiler les puces pour augmenter la puissance de calcul. Par exemple, au lieu d’avoir une puce de 3 nanomètres, on peut empiler des puces de 7 nanomètres pour atteindre un niveau similaire de puissance de calcul.

Ray Yang, spécialiste expérimenté de l’industrie des semi-conducteurs et directeur de l’Institut de recherche en technologie industrielle (ITRI : Industrial Technology Research Institute), un groupe de réflexion influent à Taïwan, a indiqué à Epoch Times que le contrôle de la technologie du packaging avancé pourrait être la prochaine étape à franchir par les États-Unis pour freiner les ambitions chinoises en matière de puces, après les sanctions sur les équipements avancés qui empêcheraient Huawei d’atteindre les 7 nanomètres.

Epoch Times a contacté le ministère du Commerce des États-Unis pour obtenir des commentaires.

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