Marie de Médicis et la pérennité du mécénat artistique de la famille Médicis

Par James Baresel
30 avril 2023 16:06 Mis à jour: 30 avril 2023 16:06

De tous les chefs-d’œuvre du Louvre, aucun n’a de place plus appropriée que les 24 tableaux glorifiant la vie et le règne de Marie de Médicis, reine de France.

Réalisée par le peintre flamand Pierre Paul Rubens, la série connue sous le nom de Cycle de Marie de Médicis (1622-1625) compte parmi les plus grandes réalisations artistiques de son époque. Achevées au moment où le Louvre était au sommet de son rayonnement en tant que résidence royale, les peintures célèbrent la reine mère sous le règne de son fils, le roi Louis XIII, alors que la France était sur le point de devenir la plus grande puissance d’Europe.

Le fait que cette œuvre monumentale de l’ère baroque ait été commandée par un membre de la famille la plus célèbre des mécènes artistiques de la Renaissance s’inscrivait dans la continuité de la tradition. Deux cents ans plus tôt, l’ancêtre de Marie, Giovanni de’ Medici, avait contribué à lancer la Renaissance en parrainant Brunelleschi et Donatello. Laurent le Magnifique, peut-être le plus important mécène de la Renaissance et le premier à avoir parrainé Michel-Ange, était son arrière-grand-oncle. Son grand-père, le grand-duc Cosimo I, était le mécène de l’éminent historien de l’art Giorgio Vasari et de son Académie des arts du dessin. Les papes Léon X et Clément VII, deux des plus importants soutiens papaux aux arts, étaient également membres de la famille Médicis.

Rubens et les Médicis

Le Mariage par procuration de Marie de Médicis et du roi Henri IV, du Cycle Marie de Médicis, vers 1622-1625, par Pierre Paul Rubens. Huile sur toile. Musée du Louvre, Paris. (Domaine public)

Née à Florence en 1575, Marie de Médicis a passé les 25 premières années de sa vie dans ce centre culturel de la Renaissance. Bien que ses plus grandes figures aient disparu, leur héritage est vivant dans les œuvres d’art disséminées dans la ville et dans les copies de leurs écrits qui se trouvent dans la bibliothèque familiale. Dès son plus jeune âge, Marie s’est révélée être une véritable héritière de cette tradition. Elle s’intéresse particulièrement aux mathématiques, à la philosophie et aux sciences, joue de la guitare et du luth, et suit même une formation d’artiste amateur sous la direction du successeur de Vasari à l’Académie des arts du dessin.

Marie rencontre Rubens pour la première fois en 1600. À l’époque, c’est un artiste en pleine ascension qui vient d’être nommé peintre de la cour du duc Vincenzo Gonzaga de Mantoue. Lorsque le duc se rendit à Florence pour assister au mariage de Marie avec Henri IV de France, Rubens l’accompagna pour étudier les trésors artistiques de la ville et fut bien évidemment présenté aux Médicis.

Autoportrait de Pierre Paul Rubens, 1623. Huile sur panneau. Collection royale, Royaume-Uni. (Domaine public)

Neuf ans plus tard, Rubens est engagé comme artiste de cour par le souverain des Pays-Bas, son pays natal, l’archiduc Albert von Habsbourg. L’empereur du Saint-Empire romain germanique et le roi d’Espagne étant tous deux membres de la maison de Habsbourg, Rubens a pu ainsi jeter les bases de son futur métier de peintre indépendant.

En 1621, l’archiduc Albert meurt tandis que Marie de Médicis commence à planifier un projet artistique suffisamment monumental pour requérir les talents du plus grand peintre de sa génération.

Quand la tragédie frappe

L’Apothéose d’Henri IV et la proclamation de la régence de la reine, Marie de Médicis, du Cycle Marie de Médicis, vers 1622-1625, par Pierre Paul Rubens. Huile sur toile. Musée du Louvre, Paris. (Domaine public)

Le projet a été conçu pour célébrer la fin de l’histoire dramatique et souvent tragique de la famille royale française au cours de la décennie précédente. En 1610, son mari, le roi Henri IV, a été assassiné après avoir remporté des décennies de guerre civile. Marie a alors assuré la régence, son fils étant âgé de 9 ans, le futur roi Louis XIII, et a gouverné la France pendant les sept années suivantes. La chute du pouvoir a été marquée par une nouvelle tragédie en 1617, lorsqu’une cabale de nobles a persuadé le roi adolescent de soutenir ce qu’on lui a dit être un coup d’État sans effusion de sang contre les conseillers de sa mère – dont le chef a été assassiné, comme on pouvait s’y attendre.

Pendant deux ans, Marie est restée pratiquement prisonnière jusqu’à ce qu’elle s’échappe et rejoigne une rébellion visant à chasser la cabale du pouvoir. En 1621, le chef de la cabale meurt et le roi Louis choisit le cardinal Richelieu (anciennement le ministre d’État le plus talentueux de Marie) comme son propre conseiller principal et Marie est nommée au conseil royal.

De retour à Paris, Marie se consacre à l’achèvement de ce qu’elle appelle officieusement le « Palais Médicis », c’est-à-dire le Palais du Luxembourg. Librement inspiré du Palazzo Pitti de Florence, le Luxembourg est commencé en 1615 dans le but de recréer la grandeur architecturale de la ville natale de Marie. Sa construction et son aménagement ont joué un rôle majeur dans le développement des arts parisiens.

Construit à l’origine entre 1615 et 1645 par l’architecte français Salomon de Brosse pour la résidence royale de la régente Marie de Médicis, le Palais du Luxembourg a ensuite été réaménagé en édifice législatif. (DXR/CC BY-SA 3.0)

La réconciliation de Marie avec le roi Louis est à l’origine de la décision de Rubens de peindre le Cycle de 24 œuvres célébrant sa vie et sa famille.

Cycle de Marie de Médicis

Disposées dans le sens des aiguilles d’une montre et dans l’ordre chronologique, à l’origine dans une étroite galerie située juste à l’extérieur de l’appartement royal du Luxembourg, 21 des peintures illustrent les triomphes, les luttes et la lignée de Marie.

« Salle Rubens » au Musée du Louvre, 1904, par Louis Béroud. Huile sur toile. Musée du Louvre, Paris. (Domaine public)

Vingt des tableaux contiennent des éléments allégoriques et/ou symboliques forts, parfois dominants : La Rencontre du roi et de la reine à Lyon représente le couple royal parmi les nuages, à la manière des dieux de la mythologie grecque et romaine. Dans La Remise de la régence à la reine, le roi défunt subit une « apothéose », processus par lequel les anciens empereurs romains étaient censés être déifiés. Le Couronnement de la reine à l’abbaye de Saint-Denis, La Prise de Juliers et La Fuite de Blois sont quelques-unes des représentations d’anges  planant au-dessus de Marie, suggérant l’approbation, l’orientation et la protection du ciel.

Détail de La Rencontre du roi et de la reine à Lyon du Cycle Marie de Médicis, vers 1622-1625, par Pierre Paul Rubens. Huile sur toile. Musée du Louvre, Paris. (Domaine public)

Parmi les quatre autres tableaux, deux n’idéalisent que modérément des événements majeurs de la vie de Marie : Le mariage par procuration de Marie de Médicis et d’Henri IV et La Remise de la régence à la reine. Les deux autres sont des portraits de ses parents, François de Médicis et Jeanne d’Autriche.

Transmission de l’héritage des Médicis

Détail de La Remise de la régence à la reine, vers 1622-1625, par Pierre Paul Rubens. Huile sur toile. Musée du Louvre

En choisissant l’occasion de révéler publiquement la série, Marie a célébré une fois de plus la famille royale : le mariage de sa fille Henriette Marie avec le roi Charles Ier d’Angleterre. Elle était loin de se douter que la cour de Charles et d’Henriette Marie – où Marie elle-même allait vivre pendant trois ans – deviendrait un centre culturel comparable à la Florence de la Renaissance des Médicis. Sous l’impulsion des jeunes monarques, les œuvres des maîtres italiens sont importées pour la première fois en Angleterre à grande échelle. Les trois plus grands génies de la grande époque de Florence étaient représentés dans la nouvelle collection royale. On y trouve des peintures de Léonard de Vinci et de Raphaël, ainsi que des dessins préparatoires pour des créations de Michel-Ange.

S’appuyant sur cette tradition, le gendre et la fille de Marie commandèrent des œuvres à Rubens et engagèrent son élève tout aussi brillant, Anthony van Dyck, comme peintre attitré de leur cour, inspirant ainsi la première génération de peintres anglais à se hisser au niveau de leurs pairs italiens et flamands. Il s’agissait d’une conclusion appropriée à deux siècles et demi de mécénat des Médicis.

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