Mort de Soleimani : deux forces capitales décapitées au Moyen-Orient

Par Hamid Enayat
7 janvier 2020 00:27 Mis à jour: 7 janvier 2020 00:27

Aux premières heures du vendredi 3 janvier, deux véhicules transportant les chefs de la force terroriste Qods d’Iran, Ghassem Soleimani, et des Milices populaires Irakiennes (Hachd-o-Chaabi), Abu Mahdi al-Mohandess, ont été la cible de roquettes américaines tuant tous les occupants.

Qui était Ghassem Soleimani ?

Certains experts ont qualifié la mort de Ghassem Soleimani de tournant dans la région et de coup irréparable porté au régime des mollahs. D’autres le considéraient comme le numéro deux du régime iranien.

Afin de connaître sa véritable position, il faut d’abord comprendre le rôle et l’importance du corps des pasdarans et de sa force Qods comme deux piliers protecteurs du régime.

Le régime des mollahs est incapable de répondre aux exigences économiques, politiques et culturelles essentielles de son peuple au XXIe siècle. Comme l’explique Maryam Radjavi, dirigeante de l’opposition iranienne, ce régime se maintient par la répression et les violations flagrantes des droits humains à l’intérieur du pays et par l’exportation du terrorisme et de la guerre à l’étranger.

Le corps des pasdarans a été fondé en 1979, trois mois après la prise du pouvoir par Khomeiny. Le mot « Iran » n’apparait nulle part dans le nom officiel de cette armée, pour la simple raison que sa mission est extraterritoriale. Cette entité est l’instrument clé du Guide suprême pour établir le « califat islamique ».

Khamenei a déclaré aux commandants des pasdarans : « La conception extraterritoriale dont est chargé le corps des pasdarans constitue la portée stratégique du pays, parfois la priorité de toutes les autres priorités. » (Télévision d’État, le 2 octobre 2019)

Khomeiny, le fondateur de la République islamique, rêvait d’un califat fondé sur le chiisme avec l’Iran, l’Irak et la Syrie comme colonne vertébrale. C’est Khamenei qui a pris la relève. Le régime est obligé de s’étendre pour survivre.

La force Qods, une force d’expansion

Des longs débats se sont déroulés au sein du régime iranien, après la guerre de huit ans avec l’Irak, sur la stratégie du régime et sa sauvegarde. Les tenants de la théocratie ont finalement choisi, autrement dit l’exportation du terrorisme. Cette décision a donné le jour à la force Qods en 1990 avec comme objectif la création d’une « armée islamique internationale ». La force Qods était le fruit des expériences du régime dans les années 80, s’appuyant sur diverses opérations terroristes.

La politique étrangère du pouvoir religieux se base sur l’expansionnisme et l’exportation de l’intégrisme. La mission des pasdarans était de préparer la mise en œuvre de ces objectifs. La force Qods a en pratique pris en mains le contrôle de la politique étrangère du régime à travers plusieurs de ses ambassades : en Irak, en Syrie, au Liban, en Afghanistan, au Yémen, au Bahreïn ou en Azerbaïdjan. La force Qods institutionnalise l’influence et l’ingérence du régime des mollahs dans les pays de la région, et même en Afrique.

Ghassem Soleimani a pris la tête de cette force en 1998 pour en faire l’élément principal de toutes les politiques régionales. Mais son rôle ne se limitait pas au commandement. Selon Marc Dubowitz, directeur de la Fondation pour la défense de démocratie basée à Washington, Soleimani jouait sur plusieurs tableaux, chef du QG des pasdarans, chef des services de renseignements et ministre des Affaires étrangères. C’est lui qui désignait les ambassadeurs iraniens dans les pays de la région.

Après sa mort, les autorités iraniennes et le média officiel ont évoqué Soleimani comme le cœur et l’esprit du régime. Ce n’est pas exagéré. Ghassem Soleimani était le gardien d’un pilier essentiel : l’exportation du terrorisme et du bellicisme.

Infanticides et crimes en Syrie

Les images d’enfants massacrés en Syrie par les pasdarans et leurs mercenaires sous le commandement de Soleimani montrent de nouvelles dimensions des crimes contre l’humanité. Sur ordre de Khamenei, Soleimani a massacré les Syriens afin de sauver le régime à sa solde de Bachar al-Assad, tuant des centaines de milliers d’innocents et jetant sur les routes de l’exode des millions d’autres.

Le Monde écrivait le 26 avril 2011 sur la situation en Syrie : « La répression tourne au massacre ».

Les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU ont entendu, selon l’AFP, les témoignages de médecins syriens. Ces derniers leur ont montré des photos choquantes d’enfants blessés par des barils explosifs. Ils disaient ne pas pouvoir sauver ces enfants faute de médicaments.

Tueur de jeunes Irakiens

Lors du soulèvement populaire en Irak contre le pouvoir corrompu et l’ingérence de ses mercenaires, Soleimani s’est précipité à Bagdad pour former les oppresseurs irakiens à la répression. Dans une dépêche du 30 octobre 2019, l’agence AP écrit que le commandant de la force Qods des Pasdarans iraniens s’est rendu à Bagdad par un vol de nuit pour ensuite gagner la « zone verte » en hélicoptère. Les autorités irakiennes présentes à une réunion de sécurité normalement présidée par Adel Abdolmahdi, le Premier ministre irakien, ont eu la surprise de voir Soleimani présider cette réunion.

Deux de ces hautes autorités irakiennes ont raconté à AP que Soleimani leur avait donné des instructions conformes aux méthodes utilisées en Iran pour réprimer les manifestations, en disant « en Iran nous savons comment mater les protestataires. Cela s’est produit en Iran et nous sommes parvenus à les maîtriser. » C’était lui qui, en 2009 en Iran puis en Syrie, a ordonné à ses snipers de viser la tête des manifestants.

Ce n’est pas sans raison que la population de Bagdad est descendue dans la rue en jubilant à l’annonce de la mort de Soleimani et son adjoint irakien, Abu Mahdi al-Mohandess. La joie ne s’est pas limitée à l’Irak. Elle s’est répandue en Syrie et même à Gaza et ailleurs. En Iran, malgré la censure, la population a fait la fête loin des forces répressives. Elle sait fort bien que la disparition de Soleimani est, bien au-delà de la perte d’un bourreau, un signe fort de la perte de puissance des pasdarans, en tant qu’un pilier essentiel de la survie du régime. Cela accélère donc la fin du régime.

Ces dernières années, le régime a beaucoup investi, dans une campagne de relations publiques, pour créer une image politique à la Eisenhower à cet ouvrier en bâtiment devenu général, pour le propulser vers un mandat présidentiel.

Sans Soleimani, la force Qods ne sera plus la même, et sans la force Qods, le corps des Pasdarans ne sera plus le même. L’impact va se faire sentir sur le régime qui va connaître de plus en plus de difficultés face au soulèvement en cours dans le pays.

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