La nouvelle route de la soie, une stratégie d’influence mondiale de la Chine

Par The Conversation
28 mars 2017 08:04 Mis à jour: 6 avril 2021 17:36

Le 1er janvier 2017, le premier train de marchandises chinoises a entamé son voyage de 12 000 km vers Londres depuis la ville industrielle de Yiwu dans l’est de la Chine. Ce train fait partie de l’initiative « la Ceinture et la Route » (one belt, one road)) qui relie l’Est à l’Ouest et sert à renforcer l’influence mondiale de la Chine.

Londres est le dernier arrêt sur un long et complexe réseau de routes commerciales que la Chine a créées ces dernières années. L’Asie centrale est devenue la direction principale du développement des projets d’infrastructures chinoises. La Chine a également l’intention de développer ses liens commerciaux et d’investir en Europe, avec un réseau ferroviaire sur 39 itinéraires et reliant 16 villes chinoises à 15 villes européennes. Il traverse l’Asie centrale pour aller vers l’Iran, la Turquie, la Russie, la Pologne, l’Espagne et d’autres pays d’Europe.

Après avoir acquis le titre de « l’usine du monde », la Chine est passée du rejet du capitalisme à son acclimatation. Sa nouvelle Route de la Soie sert non seulement à l’exportation des produits chinois, mais elle est également utilisée pour importer en Chine la viande provenant d’Allemagne, le vin de France et le bois de Russie.

Toutefois, le rôle de la nouvelle Route de la Soie ne se limite pas au commerce. Elle fait partie de la stratégie chinoise qui vise la construction d’une société asiatique internationale et sert à concrétiser une percée géopolitique chinoise à travers toute l’Asie continentale.

S’établir comme leader en Asie

La Chine se montre de plus en plus autoritaire. Sa présence économique et militaire croissante dans la région de la mer de Chine méridionale montre qu’elle a l’intention de bâtir sa propre sphère d’influence, basée sur des liens économiques et militaires interconnectés.

Ainsi, le nouveau projet de la Ceinture et la Route est effectué dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghai, une importante organisation de sécurité régionale, et il vise le renforcement de relations entre la Chine et les pays proches de la région de l’océan Indien. Entre-temps, la Chine vise également à signer un important accord de libre-échange avec l’Association des pays d’Asie du Sud-Est (ASEAN), ainsi que l’Australie, l’Inde, le Japon, la République de Corée et la Nouvelle-Zélande.

Ce projet sert de base pour la stratégie tournée vers l’Ouest et les investissements étrangers directs de la Chine. Il sert également à accroître la présence économique chinoise dans toute l’Asie. En 2015, 44 % des projets d’ingénierie chinois à l’étranger ont été effectués dans les pays longeant la nouvelle Route de la Soie. En 2016, ce chiffre a atteint 52 %. Avec 4 000 milliards de dollars, ce projet représente le soft power à grande échelle, et l’influence grandissante de la Chine inquiète de plus en plus l’Inde, son rival.

Intérêts étroitement liés

La Chine présente son projet de la Ceinture et la Route comme faisant partie de sa « politique de voisinage » qui vise le développement d’un environnement régional favorable.

Les dirigeants chinois affirment qu’ils poursuivent des objectifs communs dans la région, sans aucun but idéologique. À la place, ils mettent l’accent sur l’engagement pratique des États de la région : les projets d’investissement utilisent l’acier, le béton et autres produits et services chinois dans l’intérêt du développement des pays voisins et stimulent les entreprises locales.

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La Chine voit ses propres intérêts et ceux de ses voisins comme de plus en plus étroitement liés. Les pays de l’Asie centrale manifestent leur intérêt dans des investissements dans l’infrastructure, le développement des ressources naturelles, l’approfondissement des compétences et, naturellement, dans la création de réseaux commerciaux. Les investissements dans l’économie locale contribuent non seulement au renforcement de la sécurité nationale, mais aussi à la stabilité de ces États. La Chine tient compte de cela et cherche des approches correspondant aux intérêts communs.

L’intégration par le biais de l’investissement, la construction, l’extraction des ressources naturelles et le commerce est la base de la création de nouvelles zones d’influence économique. La Chine essaye de transformer l’Asie en une entité géante interconnectée et composée de 60 pays.

Même si des régions relativement plus petites existeront toujours, il y à aujourd’hui une possibilité réelle de créer une superrégion asiatique avant la fin du XXIe siècle. Elle pourrait largement dépasser l’Union européenne en termes d’étendue, de dimensions et de potentiel économique. On s’attend déjà à ce que dans dix ans le volume du commerce dans le cadre de l’initiative de la Ceinture et la Route atteigne 2 200 milliards de dollars (le chiffre du commerce de l’UE est au niveau de 3 100 milliards de dollars).

Conséquences de grande envergure

Le succès de l’initiative chinoise pourrait avoir des conséquences de grande envergure pour les pays asiatiques concernés, ainsi que pour l’ensemble de la communauté internationale. Alors que la Chine se dirige vers l’ouest de l’Asie, elle pourra exploiter les vastes ressources naturelles de l’Asie intérieure, ainsi que profiter de grandes régions énergétiques autour de la mer Caspienne et du golfe Persique.

Le projet de la Ceinture et la Route manifeste l’intention de la Chine de devenir le « cœur » du continent asiatique. Cette intention s’accorde avec ses autres priorités stratégiques en Asie – le partenariat avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et le renforcement de l’Organisation de coopération de Shanghai où la Chine coopère avec la Russie. Ensemble, ces sphères forment les trois cercles d’influence chinoise en Asie. Ils contribuent à l’accroissement de la puissance de la Chine et montrent envers elle une attitude crédible, quoique peut-être pas toujours accueillante dans la région s’éteignant de l’océan Pacifique à l’océan Atlantique.

Anoush Ehteshami, Professor, Director of the Al-Sabah Programme and Joint Director of the RCUK Centre for the Advanced Study of the Arab World, Durham University

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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