Odette, 99 ans, se bat pour « une reconnaissance » de l’existence de son enfant, mort juste après sa naissance il y a 75 ans

Par Emmanuelle Bourdy
6 mars 2024 12:36 Mis à jour: 6 mars 2024 13:39

Bien qu’âgée de 99 ans, Odette n’a jamais oublié cet enfant, qui n’a vécu que quelques heures. Elle n’a jamais pu le prendre dans ses bras et pour ajouter du chagrin à cette peine, la très courte vie de celui-ci n’a jamais été reconnue. Elle a décidé de se battre pour que cet acte soit réparé par la justice.

Odette Pichard, 99 ans, réside dans un Ehpad à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Sa douleur est toujours aussi intense et sa tristesse profonde lorsqu’on évoque Pierre-Alain, ce beau bébé blond de 3,1 kg, né le 12 mai 1949. Le nourrisson n’a vécu que quatre petites heures. Ce mercredi 6 mars, la nonagénaire va savoir si le nom de cet enfant pourra enfin être inscrit dans son livret de famille.

« Il n’aura jamais été bercé, jamais câliné. Je l’ai abandonné »

« Ce serait une reconnaissance de son existence, mais le regret serait toujours là », confie-t-elle au Parisien. Ce 12 mai 1949, dans cette maternité de la rue Barbette du 3e arrondissement de Paris qui aujourd’hui n’existe plus, Odette avait accouché sans aucune difficulté. Après avoir entendu crier son bébé et avoir vu le médecin procéder au test de la « marche automatique », Odette avait été laissée seule.

Quatre heures plus tard, la nouvelle du décès de Pierre-Alain avait fait l’effet d’une bombe dans le cœur d’Odette. Pour toute explication, on lui avait indiqué que son bassin était « limite » et qu’il aurait été préférable de lui faire une césarienne.

Odette, qui n’aura jamais tenu son nourrisson dans les bras, n’a même pas osé demander à voir le corps sans vie de celui-ci, un point qu’elle ne se pardonnera jamais. « Il n’aura jamais été bercé, jamais câliné. Je l’ai abandonné », se désole en pleurant la vieille dame, qui a longtemps gardé pour elle ce secret.

Odette a déposé une requête auprès du tribunal judiciaire de Paris

« C’était la fatalité. On me disait qu’il y aurait d’autres enfants », se souvient Odette, qui, en tant que catholique pratiquante, s’est alors tournée vers sa religion pour tenter de panser cette plaie béante. Depuis 75 ans, elle prie pour son enfant chaque jour. Françoise et Geneviève sont arrivées après ce drame. L’une est née en 1950, et l’autre est arrivée en 1951. Aujourd’hui, la nonagénaire est grand-mère et même seize fois arrière-grand-mère. Pour autant, « cela n’efface rien », confie-t-elle.

Odette a attendu d’avoir un grave problème de santé, en 2023, pour révéler ses regrets de n’avoir pas pu offrir de sépulture à Pierre-Alain, que tout le monde croyait enterré dans le caveau familial du Père-Lachaise car son prénom y était gravé. « J’avais honte », reconnaît Odette, qui n’a seulement jamais su ce qu’il était advenu du corps de son enfant. Par la suite, elle a été poussée par ses deux filles à « laisser une trace de ce petit bonhomme ».

« En 1949, la filiation n’a jamais été établie. C’est ma grand-mère qui porte depuis tout ce temps, seule, le poids de la disparition de Pierre-Alain alors que personne, à la maternité, ne lui a proposé de voir le corps », déplore Aude Denardaud, la petite-fille d’Odette, également avocate en droit de la famille, spécialisée en filiations. Cette dernière défend sa grand-mère, qui vient de déposer une requête auprès du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir un acte de naissance et de décès pour Pierre-Alain, précisent nos confrères.

« Avant 1993, rien n’existait dans la loi »

Isabelle De Merzac – présidente-fondatrice de l’association SPAMA (Soins Palliatifs et Accompagnement en Maternité) et également auteure du livre Un enfant pour l’éternité (Ed du Rocher-2004) – explique au quotidien francilien que « perdre un bébé à la naissance engendre un processus compliqué et souvent long ». « À cette époque, on pensait qu’il n’y avait pas de deuil à faire », souligne-t-elle, tout en précisant qu’avant 1993, « rien n’existait dans la loi ». « De nombreuses femmes ayant connu de tels drames avant cette date vivent encore cette lourde peine et, au son de leur voix, je comprends parfois qu’elles sont très âgées », pointe-t-elle encore.

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