Philippe Herlin prévient : « En cas de crise majeure, tous les comptes bancaires seront ponctionnés »

Par Contribuables Associes
12 mars 2020 18:28 Mis à jour: 12 mars 2020 18:28

Depuis le 1er janvier 2016, la ponction des comptes bancaires est légale en France. C’est à cette date qu’est entrée en vigueur dans notre pays la directive BRRD qui autorise une banque au bord de la faillite à se renflouer en ponctionnant « uniquement » les comptes des clients détenant plus de 100 000 euros. L’économiste Philippe Herlin ne croit pas à cette garantie et pour l’auteur de « Repenser l’économie », la directive BRRD sert à protéger les grandes banques et l’État qui pourra ainsi toujours financer sa dette au détriment des épargnants. Entretien.

Qui est concerné exactement par cette directive BRRD ? Qui y échappe ? Les grandes entreprises et l’État sont-ils concernés ?

Tous les comptes bancaires sont concernés, aussi bien ceux des particuliers que des entreprises, même si la directive recommande d’épargner ces dernières. En effet, en ponctionnant la trésorerie des entreprises, on les met en grande difficulté, possiblement en faillite, ce qui transformerait la crise bancaire en crise économique.

La directive parle d’ailleurs des PME mais pas des grandes entreprises, cela se comprend, celles-ci possèdent plusieurs milliards de trésorerie et les menacer de tout prendre en leur laissant 100 000 euros pourrait les faire partir hors de la zone euro.

La directive BRRD sert à protéger les grandes banques et l’État qui pourra ainsi toujours financer sa dette ; elle exempte les grandes entreprises, en somme du pur capitalisme de connivence !

Vous affirmez que la garantie des dépôts de moins de 100 000 euros est un mythe. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

A Chypre, où la ponction sur les comptes bancaires a été » testée » pour la première fois, effectivement les déposants possédant moins de 100 000 euros n’ont pas été touchés. Mais pour une raison bien simple : l’Europe et le FMI ont apporté 10 milliards d’euros ! Il y a eu à la fois un bail out (renflouement externe) et un bail in (renflouement interne), ce qui a permis de limiter la sévérité de ce dernier.

Ces 10 milliards d’euros représentent plus de la moitié du PIB de Chypre. Si la crise devait toucher un grand pays comme l’Espagne, l’Italie ou la France, c’est plusieurs centaines de milliards d’euros qu’il faudrait mobiliser.

Qui peut croire que l’Allemagne fera exploser son endettement pour sauver les comptes bancaires des Espagnols, des Italiens ou des Français ? C’est bien sûr TOUS les comptes qui seraient ponctionnés.

C’est comme mettre sa voiture dans un parking privé, si le parking fait faillite, il n’a pas à prendre votre voiture

Doit-on, peut-on, réformer le système bancaire ?

C’est ce qu’on aurait dû faire. L’idée de départ de la directive consiste à éviter qu’une faillite bancaire dans un pays oblige l’ensemble des contribuables européens à payer, il s’agissait de responsabiliser chaque État (passage du bail out au bail in). Fort bien. Mais alors pourquoi les épargnants devraient-ils payer les pots cassés ? En quoi sont-ils responsables ?

C’est comme mettre sa voiture dans un parking privé, si le parking fait faillite, il n’a pas à prendre votre voiture pour se renflouer, c’est aussi simple que ça. Il aurait fallu prendre le problème autrement : réduire la taille des banques too big to fail (« Trop grosses pour faire faillite »), obliger à la transparence sur les produits dérivés, séparer l’activité de dépôt de celle de marché, augmenter nettement le niveau des fonds propres, etc.

Mais ces mesures auraient heurté de plein fouet le lobby bancaire, spécialement les banques françaises, si fières de leur modèle de « banque universelle ». Résultat, l’épargnant vit désormais avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

L’omerta médiatique et politique autour de cette directive vous surprend-elle ?

Les médias ne se sont absolument pas intéressés à cette directive qui touche pourtant tous les Français. C’est un vrai manquement. Le fait que le secteur bancaire constitue l’un des principaux annonceurs de la presse apporte sans doute un élément d’explication, il est difficile de se fâcher avec ces gens…

Que faire aujourd’hui face à ce danger, tant sur le plan individuel que collectif ? Le contribuable-épargnant peut-il se protéger ?

Pour moi, la grande opportunité à exploiter est l’élection présidentielle : il est crucial d’en faire un élément du débat, d’obliger tous les candidats, pressentis ou déclarés, à se positionner par rapport à la directive BRRD. Cette élection constitue une caisse de résonance qu’il ne faut pas manquer.

La Loi Sapin 2 permettant de bloquer l’assurance-vie a fait parler d’elle, très bien. Il faut faire de même avec la directive BRRD qui est son pendant concernant les comptes bancaires. Elle est même plus grave puisqu’elle permet de ponctionner les comptes, alors que l’assurance-vie ne serait que temporairement bloquée.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Leon

Philippe Herlin est économiste indépendant, auteur de plusieurs ouvrages dont « Repenser l’économie » (Eyrolles). Son site : www.philippeherlin.com

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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