Le plus gros problème de la Chine n’est pas l’immobilier

Par Christopher Balding
6 octobre 2022 10:46 Mis à jour: 6 octobre 2022 10:46

Après avoir rejoint l’Organisation mondiale du commerce en 2000 et ancré le yuan chinois (renminbi) au dollar américain, la Chine a lié son économie aux États‑Unis. En appliquant un régime de taux de change fixe assorti de contrôles stricts des capitaux, la Chine a bénéficié d’importantes entrées de capitaux et de taux d’intérêt relativement bas, dus en grande partie à la situation des taux d’intérêt bas aux États‑Unis. Que se passe‑t‑il pour l’économie chinoise lorsque les taux d’intérêt augmentent aux États‑Unis ?

La politique monétaire souveraine est confrontée au dilemme insoluble de ce que les économistes appellent le « triangle d’incompatibilité ». Les pays peuvent avoir un taux de change fixe, une libre circulation des capitaux ou une politique monétaire souveraine, mais ils ne peuvent en choisir que deux sur trois. Les manuels d’économie donnent des définitions claires et nettes de chacun d’eux. Pourtant, dans la réalité, la Chine a essayé de manipuler chacune d’entre elles et s’en est sortie plus mal, en raison de ses tentatives de manipulation des lois de l’économie.

Les technocrates du Parti communiste chinois (PCC) ont tenté de créer un système leur permettant de profiter du meilleur des trois options et de laisser derrière eux les pires aspects. La Chine a mis en place un taux de change quasi‑fixe, qui est en fait un indice du dollar américain, avec des flux de capitaux étroitement contrôlés et une politique monétaire semi‑souveraine.

Ce que presque personne n’a remarqué dans la création alambiquée de la politique monétaire chinoise visant à adhérer au « triangle d’incompatibilité », c’est que pendant les vingt dernières années, la Chine a bénéficié d’une synchronisation du cycle économique avec les États‑Unis. Comme le yuan était directement lié au dollar américain et que les États‑Unis maintenaient des taux d’intérêt bas, la Chine pouvait maintenir ses taux d’intérêt bas.

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Le bâtiment de la Réserve fédérale Marriner S. Eccles à Washington, États-Unis, le 16 mars 2022. (Saul Loeb/AFP via Getty Images)

Maintenant que la Réserve fédérale des États‑Unis (Fed) relève ses taux d’intérêt, quel impact cela aura‑t‑il sur la Chine ?

Premièrement, l’époque des flux d’argent facile vers la Chine est révolue. Pendant une grande partie des vingt dernières années, les taux d’intérêt chinois étaient de 3 à 5% supérieurs à ceux des États‑Unis. Avec un taux de change fixe ou semi‑fixe, cela permettait aux investisseurs en Chine d’accéder à des rendements faciles et plus élevés. Les rendements des portefeuilles et les investissements directs étrangers étant basés sur les différentiels de taux d’intérêt entre les États‑Unis et la Chine. Cela a attiré les capitaux des investisseurs avec des taux de change fixes ou fortement gérés créant des rendements faciles. Les investisseurs se sont détournés de la Chine en tant que destination d’investissement pour toute une série de raisons. Mais, lorsque les rendements de base sont plus élevés pour la dette publique américaine sans avoir à faire avec aucun des problèmes reliés à la Chine, la motivation financière va tarir la principale raison d’y investir.

Deuxièmement, cela exercera une énorme pression à la hausse sur les taux d’intérêt chinois au moment même où l’économie chinoise vacille. Pendant la majeure partie de la période depuis 2000, les économies chinoise et américaine ont été fortement corrélées. Cela a permis aux taux d’intérêt chinois de suivre ceux des États‑Unis et de bénéficier d’une période prolongée d’argent à faible coût. Toutefois, à l’heure où la Fed cherche à juguler l’inflation et la surchauffe de la demande, la Chine connaît l’économie la plus faible de toute l’histoire de cette ouverture au commerce extérieur. La hausse des taux d’intérêt, un secteur bancaire chancelant, une dette de consommation élevée et un secteur des entreprises en proie à une vague de défaillances risquent de transformer un problème en crise. La Banque populaire de Chine (BPC) doit choisir entre maintenir le yuan lié au dollar américain et augmenter les taux d’intérêt, ou réduire ce lien et laisser le yuan s’effondrer.

Troisièmement, la hausse des taux d’intérêt américains exacerbera les pressions liées à la fuite des capitaux hors de Chine. Lorsque les taux d’intérêt du gouvernement chinois étaient de 3 à 5% plus élevés qu’aux États‑Unis, l’argent affluait vers la Chine, à la recherche de rendements plus élevés. Aujourd’hui, la dette publique américaine à court terme rapporte plus que la dette publique chinoise similaire. Si on ajoute à cela la faiblesse du secteur des entreprises et les pressions immobilières, les investisseurs chinois voient de nombreuses raisons de retirer leur argent de la Chine.

Pour des pays comme le Japon ou le Royaume‑Uni, les fuites de capitaux sont synonymes de baisse de la monnaie. Si la Chine se targue de disposer de 3000 milliards de dollars de réserves, compte tenu de la taille de son économie et de son marché financier local, ces 3000 milliards de dollars sont en réalité beaucoup plus petits qu’il n’y paraît. Les États‑Unis bénéficient aujourd’hui d’un taux de rendement des actifs sûrs plus élevé, avec un risque nettement moindre, et l’on comprend mieux pourquoi les régulateurs mettent en garde les banques et les investisseurs contre les sorties de capitaux hors de Chine.

La Chine mène une politique financière impossible en ignorant les réalités de la politique économique. Alors même que les régulateurs chinois reconnaissent que le prix quotidien du yuan fixé par la BPC s’est écarté de manière significative de la formule pondérée basée sur le prix du dollar américain, ils ne tentent guère plus que de plaider auprès des banques pour qu’elles ne s’écartent pas du prix officiel. Si les taux d’intérêt américains restent supérieurs aux taux chinois pendant une période prolongée, cela forcera un changement de la politique de Pékin face à un ensemble de circonstances inédites dans l’histoire moderne. Actuellement, Pékin dit aux marchés comment se comporter et comment fixer le prix des actifs. Cela ne peut se produire que si les marchés trouvent des moyens de déplacer de l’argent ou des marchés noirs qui paient de meilleurs prix.

Compte tenu du cycle de taux d’intérêt pluriannuel prévu et de la force du dollar américain qui en résultera probablement, Pékin doit prendre des décisions difficiles. Relève‑t‑elle les taux d’intérêt pour enrayer la chute du yuan face à une économie chancelante ? Doit‑il défendre le yuan et réprimer encore plus sévèrement les flux financiers internationaux, compte tenu de toutes les fuites vers l’extérieur ?

De manière réaliste, nous devrions nous attendre à ce que Pékin retarde le plus longtemps possible toute décision réelle, étant donné les compromis très négatifs auxquels il est confronté. Une répression accrue des flux de capitaux ne fera qu’éloigner les investissements internationaux d’une destination déjà peu attrayante. Le relèvement des taux d’intérêt risque de faire basculer l’économie chinoise. Cependant, ne rien faire présente également des risques si les marchés sont effrayés par des banques vacillantes, des prix d’actifs en chute libre et une approche passive de Pékin.

La réalité est qu’il n’y a pas de bonnes options, et Pékin évitera cette réalité aussi longtemps que possible.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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